El Dorado |
Réalisé par Howard Hawks
Avec John Wayne, Robert Mitchum, James Caan, Arthur Hunnicutt, Charlene Holt, Ed Asner, Christopher George
Western, USA, 2h06- 1966 |
8/10 |
Résumé : En arrivant à El Dorado, l'aventurier Cole Thornton (John Wayne) retrouve un ancien ami, J.P. Harrah (Robert Mitchum), qui est aujourd'hui le shérif de la ville. Engagé par un propriétaire terrien, Thornton renonce à sa mission quand Harrah lui apprend qu'elle a pour but de chasser les MacDonald de leurs terres...
Impossible de regarder El Dorado sans penser à son illustre prédécesseur Rio Bravo, tant les similitudes sont évidentes, surtout dans la seconde partie du film, aussi bien au niveau de la trame du scénario (une histoire d’hommes et d’amitié, quatre hommes contre une bande déterminée, un propriétaire terrien cupide…) que des scènes clés du film (retranchement dans le bureau du shérif avec un prisonnier, scènes du saloon). Pour autant, cette variation sur un même thème proposée par Howard Hawks s’avère presque aussi réussie que le premier film de 1959.
Délaissant quelque peu le côté huis-clos de Rio Bravo, Hawks nous propose dès l’introduction d’El Dorado de superbes fresques sur l’Ouest sauvage peintes par Olag Wieghorst et dans la première moitié du film, des chevauchées dans des paysages naturels magnifiés par la photographie d’Harold Rosson. Il ne cherche pas à renouveler ou réinventer le western (l’intrigue est convenue et sa conclusion connue par avance) mais il apporte une certaine décontraction au classicisme du genre et son art de la mise en scène pour exprimer les émotions des différents personnages. Ainsi, lorsque le personnage interprété par John Wayne annonce son départ (hors champ), la caméra reste fixée sur le visage plein de tristesse résignée de sa compagne de passage ou bien lorsque Maudie annonce la capture de Thornton, on remarque à l’arrière plan le sourire narquois de Bart Jason. Certaines scènes proposent des cadrages et des éclairages originaux pour l’époque, comme la fusillade dans l’église ou la scène de confrontation finale.
Ce sont les relations entre les différents protagonistes qui font toute la saveur d’El Dorado, notamment, la relation d’amitié complice entre deux vieilles gloires de l’Ouest (Mitchum/Wayne) quelque peu diminuées, l’un par l’alcool, l’autre par une blessure et qui parviennent à leur fin moins grâce à leur dextérité que par la ruse mais aussi la relation mentor/élève entre John Wayne et James Caan. Malgré le contexte dramatique (conflit aux retombées tragiques entre la famille MacDonald et Bart Jason, blessure de Thornton, histoire de Mississipi) ces relations sont souvent marquées du sceau de l’humour et de la légèreté (dialogues piquants, décoction pour un dégrisement express, effets collatéraux du canon scié de Mississipi, scène du bain du shérif, héros éclopés avec leur béquilles).
Si on excepte le film choral «
Le Jour le plus long », c’est la seule fois dans leur carrière que
John Wayne et
Robert Mitchum, bons amis dans la vie, partagent l’affiche d’un film.
El Dorado nous offre donc le plaisir immense de voir ces deux géants du cinéma se donner la réplique d’autant que l’alchimie fonctionne à merveille et que les punchlines caustiques fusent. On ressent à l’écran leur plaisir de jouer ensemble.
John Wayne fait du
John Wayne avec une légère part d’ombre dans le rôle d’un mercenaire (Cole Thornton) qui loue ses services au plus offrant. Bien évidemment, The Duke, même dans un rôle de mercenaire à une profonde conception de l’honneur et de l’amitié, bien qu’il soit capable de cynisme et de cruauté, notamment dans cette scène où il envoie volontairement à la mort, un des hommes de main de Jason.
Robert Mitchum vole forcément un peu la vedette à
Wayne, dans le rôle d’un shérif ivrogne (JP Harrah) qu’il interprète sur le mode de la dérision. Bien que j’apprécie sa prestation, j’ai une légère préférence pour celle de
Dean Martin dans
Rio Bravo, pour un rôle quasi similaire qui était plus profond, désespéré et pathétique.
Arthur Hunnicutt campe avec conviction un vieil adjoint râleur et attachant, quant à
James Caan, il est tout simplement génial dans le rôle de Mississipi, un jeune homme déterminé mais pas vraiment doué avec un pistolet. Souvent présent pour l’effet comique, il apporte beaucoup de dimension et de profondeur à ce personnage capable de porter un chapeau ridicule pour honorer la mémoire d’un père adoptif et dont les paraboles poétiques extraites d’un poème d’
Edgar Allan Poe sont pleines de justesses et de bon sens. On passera juste sur son imitation ridicule et pas franchement drôle d’un chinois. Si
Ed Asner campe un méchant propriétaire terrien bien manichéen, dans la plus pure tradition du genre,
Christopher George, dans le rôle du mercenaire engagé pour éliminer le shérif et la famille MacDonald est un personnage plus nuancé avec quelques principes. Un mercenaire somme toute très similaire à Cole Thornton qui se serait trompé de camp. Deux personnages féminins interprétés par
Charlene Holt et
Michele Carey complètent le casting. Deux femmes indépendantes et à la forte personnalité qui ne sont pas là que pour le décor et le quota de jolies frimousses. L’air de rien, les actions de Joey MacDonald sont déterminantes.
Après une série de péripéties et de fusillades bien dosées qui rythment harmonieusement le film,
El Dorado s’achève sur un affrontement final qui se présente bien plus comme une confrontation psychologique pleine de roublardises, que comme un duel épique et glorieux.
Mon western préféré avec John Wayne, juste derrière le génial Rio Bravo, avec en cerise sur le gâteau Robert Mitchum et James Caan, une histoire simple et efficace d’amitié, ainsi qu’une dimension « les héros sont fatigués mais évitez de les énerver » qui apporte un zest d’autodérision bienvenue au western.