Un Kurosawa en cinémascope ça ne se loupe pas !
La Forteresse cachée est très certainement une des influences majeures de deux genres : l'aventure et la fantasy au cinéma. Même Lucas s'en serait inspiré pour sa saga Star Wars (même si ce n'est pas si flagrant que certaines le disent sur la toile).Kurosawa était déjà un précurseur dans la caractérisation des personnages et la narration de grandes aventures épiques mettant en scène des exploits de paysans contre des soldats ou la faiblesse (aidée par des parias comme toujours depuis) contre la force dans une fresque improbable mais rafraichissante et teintée d'humour. Dans la Forteresse cachée, cet humour devient un des moteurs principaux de l’œuvre du réalsiateur japonais et ce n'est pas pour nous déplaire. Il est clair que les deux bandits benêts font penser à C3PO et R2D2 et leurs rôles demeurent poilants du début à la fin malgré l'interprétation un peu forcée (le film accuse son âge sur ce point et sur les chorégraphies des combats, toujours basiques et pas très crédibles chez Kurosawa).
Grand public et divertissement, tissé commue une odyssée et globalement largement inspirée par la mythologie et les contes , ce Kurosawa nous fait passer par des paysages assez jolis, des forêts, des montagnes, des villages et les personnages sont tiraillés entre deux clans rivaux. Le scope sert ici à magnifier la mise en scène de Kurosawa et à agrandir son champ ce qui permet un plus de profondeur de champ, une vision plus large , plus confortable et plus classe. Sanjuro exploitait un peu moins bien ce scope d'ailleurs. A aucun moment l'ennui ne pont vraiment le bout de son nez tant l'ambiance et le ton du film sont aussi attachants que les personnage pourtant peu développés voir pas du tout. Leur nature suffit et comme d'habitude , Mifune est à l’aise dans ses pompes.
Kurosawa signe ici , bien avant Spielberg , du grand public divertissant qui explore pourtant des thèmes inhérents chez ce réalisateur. Le forteresse cachée est tout de même bien loin d'avoir la maturité ou la désillusion qui habite un 7 samurai ou un Sanjuro. Chambara léger mais superbement mis en scène avec notamment quelques mouvements de caméras bien sympas (quand la petite fille prend la pierre et fait mine d'assommer les deux imbéciles). Profondeur de champ, montage très fluide, fondus en volets (repris par Lucas dans Star Wars).
Parmi les éléments précurseurs ont donc une des forces des films de Kurosawa : les faibles prennent la place des héros qui ne jouent quant à eux que le rôle des sages ou des guides car leurs idéaux et valeurs sont foutus. Ils glorifient souvent plus le statut des agriculteurs et paysans ou petits malfrats pas bine méchants que la leur qui ne trouve plus de point d'encrage dans ce monde qui évolue si vite. Ici, il y a aussi une femme, plutôt garçon manquée , fière et digne qui a bien plus d'assurance que tous les hommes du film et deux paysans très drôle, gauches et unis tant qu'il n'y pas d'or dans le coin pour les faire se confronter sur le droit de possession. Un général un peu brutal mais loyal et toute une aventure, une longue marche pour rejoindre les terres du clan de la jeune princesse. Quelques courtes scènes avec une grosse masse de figurants offre un côté épique avec ces soldats vers la fin qui sortent des bois (d’ailleurs c'est le genre de plan qu'on a souvent vu depuis : presque une ligne d'horizon que l'orée d'une forêt et les guerriers qui apparaissent alignés). On a même un duel à la lance typé arène de combat , visages transpirants et regards qui jaugent (Leone ?
).
Fait pour l'argent et permettre au cinéaste de poursuive ses projets personnels, La forteresse cachée n'en demeure pas moins un bon film et surtout un modèle d'antan (malgré des péripéties légéres et loin d'être trépidantes mais le schéma archétypal du héros définit par Joseph Campbell est ici partiellement évident) pour des films comme (j'ose) : Indiana Jones, Conan (surtout ses suites bidons) et toutes les voyages/quêtes initiatiques d du genre aventure/fantasy du cinéma.