Apologie du rêve américain dont le sens et surtout l'issu sont un tant soit peu contourné , Rocky marquait certainement à son époque un genre au fer rouge par son émotion sincère, simple et honnête qui ne verse jamais dans la pathos malgré le background et l'ambiance urbaine pouilleuse et crasseuse des quartiers pauvres de Philadelphie. Le béton, les marches solitaires de nuit, les rencontres entre inadaptés, drogués et alcooliques, la galère, les petits boulots douteux, la patine du film volontairement granuleuse , sombre, dépouillée et au style presque reportage de Friedkin ici académique (sans shacky ) "fauché" -dans le bon sens du terme- etc...renvoient fortement à une Amérique mise de côté et vivant dans le silence, dans l'anonymat et dans la misère la plus opposée au rêve Américain le plus pur, celui de la richesse , de la célébrité et de la position de winner détenue ici par un black déguisé en Oncle Sam jette des pièces au public avant son combat ou le monde à l'envers.
Écrit avec passion, le film touche le public et ne le lâche plus grâce à des personnages très touchants (surtout le couple Adrian/Rocky). A l'époque de Rocky le cinéma se permettait des choses et ici, la femme du film est loin des canons prototypes omniprésents aujourd'hui ou dans l’ancienne Hollywood. Les héros du film sont d’une classe sociale à laquelle personne ne souhaiterait appartenir, et l'identification à Rocky ou à Adrian est très réussie alors que leurs statuts et leurs "images" d'idiot et de vieille fille n'étaient pas pour nous y aider. Des gens, des vrais, qui ne veulent qu'une chose : être aimer et s'en sortir.
Loin d'imposer les combats de boxe comme moteur premeir de son film, le cinéaste repousse l’échéance lors des 10 dernières minutes (je ne compte pas les 2 minutes de boxe d'intro) pour mieux nous toucher, nous sensibiliser et nous confronter à un univers repoussant de prime abord. Avec une musique maint theme génial et entrainante qui donne envie de s'entrainer à mort, Rocky conserve aujourd'hui toute sa puissance sportive et humaniste sous une simplicité qui en appelle à un des sentiments les plus purs et essentiels : l'empathie.
Le film possède quelque métaphore amusante mais pertinente comme Rocky qui s'entraine contre de la viande et qui la frappe jusqu’à brisée des côtes de carcasse...la nourriture la plus onéreuse qui demeure encore aujourd'hui le signe d'une certaine aisance économique. Amusant aussi de voir un black champion du monde en costard qui parle avec la ponte du moment et qui est doué d'une intelligence opportuniste alors que le blanc se retrouve ici dans le rôle du miséreux conspué joué par un Stallone habité par son personnage (voir le monologue énervé dans son appartement suite à la visite de opportuniste de Mickey Goldmill) et investit dans le film (le scénario est lui) dans ce qui semble être dans le top 3 de ses rôles avec Copland et Rambo (que je n'ai encore jamais vu). Rocky fut aussi le point de départ d'un genre qui connut plusieurs perles (Million dollar baby en version féminine, Cinderella man, The wrestler ou encore son véritable successeur Warrior). Final excellent qui brise les attentes : le héros ne gagne pas le match mais le mène jusqu'au bout, non sans blessures , et ce qui clôt ce film ce n'est pas Rocky hissé en winner mais Rocky qui appelle sa femme et lui dit je t'aime.