The Thing |
Réalisé par John Carpenter
Avec Kurt Russell, T.K. Carter, Wilford Brimley
SF horreur, USA, 1h44- 1982 |
10/10 |
Résumé : D'étranges phénomènes se déroulent dans un camp norvégien de l'Antarctique.
The Thing est un remake qui surpasse en tout point la première version produite par Howard Hawks bien trop marquée par l’anticommunisme de l’époque pour ne pas paraître datée et désuète aujourd’hui. L’œuvre réalisée avec brio par John Carpenter s’inscrit également plus fidèlement dans la lignée de la nouvelle originale écrite par John W. Campbell dans les années 30.
John Carpenter nous propose une leçon de réalisation en matière de cinéma d’horreur. Un scénario efficace et sans fioritures inutiles (accroche, développement, conclusion ouverte) qui permet de se concentrer sur l’essentiel pour donner rythme et intensité à une intrigue nimbée d’un zest de science fiction (chose venue d’un autre monde) mais dont il parvient à conserver une approche quasi documentaire grâce à un enchaînement plausible des évènements (propagation du « virus ») et aux réactions totalement crédibles des différents personnages, mélanges de méfiance et d’alliance de circonstance pour survivre. Des dialogues réduits à l’essentiel (pas de longue et ridicule dissertation philosophique sur la créature alors que seul importe la manière d’exterminer le danger) pas non plus de gags, de punchlines ou d’humour pour venir désamorcer la tension de plus en plus pesante et électrique à chaque seconde. Une économie de gestes et de paroles qui s’inscrit parfaitement dans cette immensité neigeuse au climat hostile pour l’homme. Une routine vitale aux activités bien réglées qui se transforme peu à peu en chaos suite à l’arrivée « du meilleur ami de l’homme » dans la base.
The Thing s’ouvre sur l’une des meilleures séquences d’introduction de l’histoire du cinéma. Un ovni s’écrase sur Terre, le titre s’inscrit sur l’écran signant dans sa calligraphie, l’hommage à la SF des années 50-60 puis des hommes en hélicoptère chassent un chien de traineau, le compagnon fidèle, nécessaire et vital à toute expédition en milieu polaire ! En quelques minutes, le ton est donné, passé le choc de la scène avec le chien, le spectateur comprend immédiatement que l’animal représente un danger et la nature de ce danger. Ouverture limpide, concise et parfaite d’efficacité. C’est bien la seule fois que j’ai souhaité la mort d’un chien !
Carpenter avait fait tomber le tabou de la mort à l’écran d’une petite fille avec
Assaut, il fait tomber celui de la mort à l’écran des chiens, dans une scène de mutation absolument éprouvante et douloureuse pour le spectateur fidèle à «
30 millions d’amis ».
The Thing s’inscrit dans la lignée du
Alien de
Ridley Scott, comme l’un des plus magistral huis-clos du genre SF-horreur. La thématique de la contamination par le mal qui est au cœur du cinéma de
Carpenter prend toute son ampleur dans ce film. Au milieu de l’immensité des éléments hostiles et déchainés, il n’y a pas d’échappatoire possible, l’impression d’isolement devient tangible et l’espace clos de la base semble se rétrécir au fur et à mesure que la paranoïa et la confusion progressent. Avec cette chose informe, cet amas de chair, cet organisme parasite merveille d’adaptabilité et de mimétisme qui dévore de l’intérieur et se transmet comme un virus,
Carpenter renvoie le spectateur à cette terreur viscérale de se faire ronger de l’intérieur par un parasite ou une maladie, à la peur de perdre le contrôle de soi et de se voir confronter à la difformité. Il nous livre sa vision profondément pessimiste de la spirale du mal qui jamais ne s’achève, même pas après la destruction de la base.
Une boucle infinie soulignée par l’utilisation de la même musique pour la scène d’introduction et la scène de conclusion du film. De longs silences alternent avec la bande originale composée par
Ennio Morricone qui pulse au rythme des battements cardiaques. Les basses distillent un sentiment d’incertitude de peur et d’angoisse croissants. Nul besoin de meubler par des digressions ou de longues explications narratives, car il se passe toujours quelque chose dans les recoins les plus sombres de la base ou de l’esprit humain qui s’aventure dangereusement aux limites de la folie. La scène du test sanguin est un modèle de tension, le spectateur est alors en phase avec les personnages, dans cette attente crispante du résultat et se surprend à enfoncer littéralement les ongles dans les accoudoirs du fauteuil.
Tout comme la musique et les SFX (toujours aussi impressionnants de maîtrise 30 ans plus tard), tout le casting est au diapason de l’intrigue. Quant au cinémascope, il souligne à la perfection, aussi bien les paysages enneigés à perte de vue qui se referment comme un piège sur les protagonistes, que l’impression de claustrophobie et de psychose galopante qui gagne chaque membre de l’expédition.
The Thing est tout simplement sur le fond comme sur la forme un chef d’œuvre de divertissement horrifique.