[Dunandan] Mes critiques en 2012

Modérateur: Dunandan

Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Mer 07 Mar 2012, 09:47

MAJ Tambours de la colère : 7.75/10. Top 6 actuel avec le 7 (le plus sombre de la série), 8 (le plus lumineux), 12-13 (les meilleurs exploitant les faiblesses du perso) : tous les quatre 8, et 16 (le plus politique) à égalité avec Tambours (le plus démystificateur).
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Zatoïchi : Zatoichi contre Yojimbo - 6/10

Messagepar Dunandan » Jeu 08 Mar 2012, 06:31

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Zatoïchi contre Yojimbo

Réalisé par Kihachi Okamoto

Avec Shintaro Katsu, Toshiro Mifune, Ayako Wakao, Osamu Takizawa, Masakane Yonekura, Kanjuro Arashi

Chambara, Japon, 1h55 - 1970

6/10


Résumé :
Un village vit sous la coupe de Boss Masagoro, un fils de marchand et soupçonné d'avoir volé les réserves d'or du Shogunat. Masagoro engage alors Yojimbo comme garde du corps.


Ce directeur est surtout connu pour avoir réalisé deux grands classiques du genre, Le sabre du mal et Kill. Cependant, pour apprécier cet épisode, il faut revoir ses attentes à la baisse. En effet, le désir de Zatoïchi de faire une pause dans sa longue errance maudite ne signifie qu'une chose : fait rencontrer littéralement deux grandes icônes du cinéma japonais, lui-même et Yojimbo, personnage crée par Akira Kurosawa dans Le garde du corps et Sanjuro. Et contrairement à ce qu'annonce le film, il n'y aura pas de vraie confrontation finale entre ces deux personnages, le titre anglais ("Yojimbo meets Zatoïchi") étant à ce titre plus adéquat. Le défi du film se résume donc à raconter une histoire suffisamment cohérente et contenant des péripéties propres à faire jouer les caractéristiques de ces deux-là.


Les bases de l'intrigue

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Je trouve que le récit aurait gagné à être plus resserré, car il prend beaucoup trop de temps pour ce qu'il y a à raconter (1h55 contre le format standard, variant entre 1h20 et 1h30). Contrairement aux attentes de Zatoïchi, le village qu'il connaissait pour sa paix et sa tranquillité semble bien mort. A ce titre, deux rencontres sont particulièrement significatives : un armurier qui ne dit pas un mot, dont la langue est remplacée par les coups de marteau sur la lame qu'il est en train de forger, et l'ancien chef de village, construisant des statues représentant les villageois tués par les yakuzas qui ont pris le contrôle de son fief. Ainsi, le début pose bien le cadre : les fantômes de la violence passée sont présents parmi les vivants. Mais ensuite, ça prend énormément son temps pour poser les personnages et les pièces du puzzle.

Au début, Zatoïchi est accusé d'avoir tué quelqu'un, alors que c'est Yojimbo qui l'a fait. Ce dernier est envoyé provisoirement en prison, faisant la rencontre d'un homme qui aura son importance plus tard. Voilà comment débute l'histoire, qui force un peu la rencontre entre ces deux grandes stars. Par la suite, le récit devient légèrement plus compliqué en introduisant une histoire d'or volé au Shogun, recherché par ses espions.


Zatoïchi et Yojimbo

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La question primordiale qui se pose est alors la suivante : quelles caractéristiques sont mises en avant pour présenter les deux personnages ? Yojimbo est perçu comme une brute, un ivrogne, à la solde de l'un des deux clans, et intéressé par l'argent, et tout particulièrement par celui de l'autre clan. De son côté, le véritable intérêt de Zatoïchi est de retrouver la trace d'une femme qu'il avait apprécié auparavant, et lorsqu'il apprend qu'elle est à la solde du clan adverse de Yojimbo et qu'elle est endettée, il veut l'aider seulement par compassion. Tous les deux sont un peu sur les dents, fatigués de leur rôle, l'un par sa longue errance, et l'autre au contraire par sa mission qui s'éternise. Dans l'ensemble, leurs portraits sont brossés à gros traits frisant parfois la caricature (tous deux cabotinent à mort, accentuant leurs expressions typiques, et se vannent pas mal, utilisant presque toujours les mêmes lignes de dialogues du style "brute", "aveugle de mes deux"), mais ça fonctionne assez bien, surtout que cette femme est aussi avec Yojimbo, incitant ainsi Zatoïchi à s'associer avec ce dernier pour jouer sur deux plans : récupérer l'or et aider la femme. Bien sûr, d'autres caractéristiques ont dû être mises de côté : par exemple, Yojimbo avait l'usage de faire jouer un clan contre l'autre pour soutirer de l'argent aux deux, ce qui se produira mais seulement à la fin et avec l'aide de Zatoïchi, et de son côté, ce dernier est un peu moins ambigü que d'habitude, non torturé par exemple entre sa quête d'argent et le désir d'aider les bonnes personnes (mais un fameux plan restaurera un peu cette tension vers la fin). Ce qui provoquera un affrontement final symbolique, ce n'est pas l'or qui constitue au contraire leur alliance (pour des raisons différentes : Yojimbo pour son profit et Zatoïchi pour détruire les deux clans), mais la femme qui est l'objet d'une affection commune.


Les autres personnages

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Il y a d'autres personnages assez importants qui constituent le background de l'histoire servant à faire cette rencontre. Il y a d'abord l'homme rencontré en prison qui devient garde du corps à l'insu de cette femme. Ensuite, il y a un groupe de jeunes hommes qui veulent être eux-mêmes gardes du corps de l'un des deux clans pour l'or, mais qui finalement préfèrent la vie plutôt que suivre la voie dangereuse des deux sabreurs. Puis, il y a la relation tendue entre le chef de clan possédant l'or et ses deux fils, le cadet qui est fabricant de monnaie et détourne une partie de l'or du Shogun, et l'aîné cherchant à trouver ce dernier. Enfin, il y a un espion qui vient enquêter à la suite de Zatoïchi et de Yojimbo, agissant au nom de la loi sans motif apparent au contraire de ces deux-là, à savoir ni pour l'argent ni pour l'or, apportant ainsi, par contraste, une nouvelle raison d'unir leurs forces. De plus, ce nouvel arrivant apporte un peu de fraîcheur et de classe au milieu de ces deux stars un peu éreintés par leur parcours.


En conclusion :

Le gros défaut du film est sa longueur excessive qui plombe fortement le rythme. Et cet épisode est vraiment à concevoir comme un "spin-off" pour ne pas être déçu, tant l'intérêt baisse lorsque l'un des deux personnages disparaît de l'écran. Car ce n'est pas l'histoire, malgré sa construction assez intéressante (mais au sujet banal), son ambiance crépusculaire assez sympathique, et sa fin faisant ressentir tous les effets pervers de l'or, qui attirent d'abord l'oeil du spectateur, mais bien cette rencontre. Cependant, même lorsque cette attente, rarement satisfaite, se réalise, j'ai toujours l'impression qu'ils cherchent à se faire de la place mutuellement, comme si ces deux personnages avaient de la difficulté à partager le même espace, sauf dans leur dernier plan, assez jouissif, qui les met d'accord en un instant (on sent alors qu'ils auraient pu être amis malgré leurs différends). Ensuite, les combats ne sont vraiment pas le fort du film, assez rares, et pas toujours bien mis en valeur, surtout après avoir vu Le sabre du mal.

Malgré ces attentes déçues, c'est quand même un plaisir de voir ces deux grandes stars du cinéma dans le même film. Bref, il s'agit d'un Zatoïchi très moyen (rien de nouveau sur sa personnalité, qui de plus est, simplifiée pour les besoins de la rencontre), mais d'un chambara assez satisfaisant (au niveau de l'histoire qui, bien que classique et remplie de temps morts qui auraient pu être évités, est assez bien racontée), dont le gros problème est d'avoir une identité hybride, se cherchant entre le fait de raconter une véritable histoire, et celui de trouver des prétextes pour faire rencontrer ces deux personnages de légende.


Un spin-off avec une histoire bien construite et une assez bonne ambiance, mais manquant beaucoup de rythme faute à une durée trop longue et un récit insuffisamment resserré. Et la rencontre des deux personnages ne tient pas toutes ses promesses, brossés souvent à de trop gros traits, et éprouvant la difficulté de cohabiter dans le même espace pour s'exprimer pleinement.


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Zatoïchi : Le shogun de l'ombre - 9/10

Messagepar Dunandan » Jeu 08 Mar 2012, 23:59

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Le shogun de l'ombre

Réalisé par Kenji Misumi

Avec Shintaro Katsu, Tatsuya Nakadai, Reiko Ohara, Masayuki Mori, Ko Nishimura

Chambara, Japon, 1h32 - 1970

9/10


Résumé :
Zatoichï se retrouve bien malgré lui à assister à une cérémonie d'un clan yakuza dont le chef, aveugle lui aussi, est surnommé "le shogun de l'ombre". Le "parrain Zatoichï" est d'abord accueilli avec bienveillance, puis méfiance lorsque le groupe s'aperçoit de ses opinions très personnelles. Le "shogun de l'ombre" décide d'envoyer une tueuse contre Zatoichi, pour le séduire et ensuite l'assassiner.


Cet épisode est la sixième et dernière participation de Kenji Misumi à la saga Zatoïchi. Et pour la toute première fois, j'ai éprouvé de la difficulté à lui trouver une place dans la série qui le précède. J'ai compris au fur et à mesure qu'il s'agissait d'un travail propre à Misumi, déjà amorcé dans Les tambours de la colère (dont on reconnaît la filiation dans le "road trip", très amusant voire burlesque, du début, qui continue à ridiculiser le personnage pour lui enlever son aura mythique). Dans ce dernier, il s'agissait ni plus ni moins d'une démystification du personnage, la mort de sa déification pour le faire redevenir humain. A présent, Le Shôgun de l'ombre est une tentative de le faire tuer physiquement par tous les moyens.

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Proche d'un Baby Cart

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Jamais un Zatoïchi ne s'est autant rapproché de la personnalité d'un Baby Cart. Cela se traduit d'abord par son script, épuré à l'extrême. Le Parrain des parrains voit en Zatoïchi un adversaire redoutable, et décide de l'éliminer, alors que ce dernier ne l'a jamais réellement provoqué directement. Puis ensuite par son jeu de massacre, érigé en véritable spectacle, comme en témoignent les propres mots du Parrain. Le fil rouge de l'intrigue est ainsi focalisé sur les méthodes que suivent les yakuzas pour tuer Zatoïchi, par voie directe en l'affrontant même parfois sur le chemin de ce dernier, soit en utilisant ses faiblesses contre lui-même : le combat direct, l'enfance, le jeu, l'amour. Tout y passe. Mais ce dernier est bien sûr le plus mortel. Enfin, par la qualité de sa mise en scène : les scènes rivalisent toutes d'inventivité, dans un bain, dans le clair/obscur d'une forêt, au détour d'un chemin, au centre d'une fontaine entouré de tous les yakuzas, que Zatoïchi finira par éliminer selon ses propres règles, dans un combat dantesque se déroulant dans l'obscurité.

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Tous les ingrédients de la série transcendés

Dans le fond, tous les thèmes propres à la série sont présents, et son identité visuelle unique en son genre s'applique parfaitement à ce Zatoïchi.

Le romantisme, essence du personnage

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La photographie, posée dès le départ, est dominée par un magnifique jeu d'ombres et de lumière, rappelant le travail effectué dans Le défi, mais en lui conférant une identité visuelle qui correspond tout à fait à l'esprit de la série, à savoir un romantisme torturé, sombre, crépusculaire. Bien que tous les ingrédients habituels de la série soient présents (massage, jeux, bains, ...), la figure de la femme est largement dominante, comme si cette dernière résumait toute l'essence de Zatoïchi, à savoir ses tourments, ses faiblesses, et sa raison de vivre. En effet, la femme est posée tour à tour comme objet sexuel ou objet de désir, objet de passion amoureuse ou instrument de mort. En outre, le thème musical, décidément une autre qualité du Misumi, est probablement le plus beau jusqu'à présent, appuyant parfaitement tous les thèmes visuels de l'épisode : mélancolique, ténébreuse, et ludique.

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Pour commencer, la femme figure dans une vente aux enchères, montrant pour la toute première fois dans un Zatoïchi ses atouts sexuels (cela reste assez soft), bien que la dureté du milieu a déjà été aperçue dans Zatoïchi's revenge. Le masseur aveugle kidnappe l'une d'entre-elles pensant qu'elle a été volée à sa maison. Mais au lieu de la sauver, cet acte signe son arrêt de mort, tué par un mystérieux samouraï interprété par l'excellent Tatsuya Nakadaï dont le regard n'a jamais été aussi brûlant de folie (sauf peut-être dans le Sabre du mal) : on se rendra compte plus tard que c'était sa femme, qu'il préfère tuer s'il ne peut pas la posséder entièrement (contrastant avec l'attitude habituelle de Zatoïchi préférant quitter ceux qu'il aime avant qu'ils leur arrivent malheur). Ce personnage, par un effet de miroir, fait écho à une destinée possible de Zatoïchi si les démons de ce dernier avaient eu raison de son esprit et de son discernement. Ce drame humain résume toutes les tragédies vécues par le héros : en essayant de régler une situation, il en crée une bien pire. Un autre aspect transcendé dans son utilisation : l'odorat. En effet, il s'agit de l'organe par excellence pour Zatoïchi dans son rapport aux femmes, lui permettant de distinguer les plus belles d'entre-elles. Cet élément sera repris sur un plan dramatique, associé à une fleur ou une poche de parfum, devenant substitut de beauté, et donc raison suffisante de se battre. Par exemple, sur la tombe de sa malheureuse victime, il posera une fleur correspondant à son odeur et donc à sa beauté, ce qui poussera le samouraï à affronter Zatoïchi par jalousie, après avoir reconnu la fleur associée aux souvenirs de son aimée. Il traverse la route de Zatoïchi, tel un fantôme, second ennemi parallèle, affirmant être le seul à pouvoir le tuer, avec raison, car ils ont en commun l'amour passionné des femmes et le destin tragique qui l'accompagne, comme le plus simple des Roméo et Juliette.

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Ensuite, après avoir essayé de nombreuses fois de le tuer, le Parrain décide d'envoyer une femme pour endormir ses sens et le plonger dans un piège (il s'agira d'un jeu que l'on devine mortel). Ce que j'ai trouvé génial, c'est qu'à la manière des Tambours de la colère, ce piège a failli trop bien réussir, puisque Zatoïchi a failli se tuer tout seul par ses propres moyens, sa propre maladresse provoquée par son affection à la femme, qui après être touchée par la sensibilité de ce personnage, décide finalement de le sauver et de trahir son clan.

L'éducation

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Bien qu'étant un thème secondaire à l'intrigue, il est intéressant de voir qu'après trois films qui avaient déjà traité la chose sous différents angles ( Voyage meurtrier, Voyage en enfer, Route sanglante), il revienne dessus. Mais cette fois-ci, il ne s'agit pas d'un enfant, mais d'un adolescent en train de devenir adulte, et qui prend Zatoïchi comme modèle. Or, ce qui frappe d'abord, c'est son accoutrement et son maquillage. Ainsi à la problématique de l'éducation vient s'ajouter celle de l'identité sexuelle. Puis, comme quelques jeunes dans le précédent épisode, il veut devenir yakuza pour apprendre à devenir un homme. J'adore la scène de mise à l'épreuve qu'invente Zatoïchi, faisant éprouver, par la présence sonore du vol, à la fois la peur d'être volé à son tour et d'être reconnu comme voleur. Bref, devenir homme équivaut à marcher droit et honnêtement, sans se pavaner ou être fier de ses crimes.

Le Parrain des parrains

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Symboliquement, il s'agit de l'un des adversaires les plus charismatiques de la série, puisqu'il s'agit d'un aveugle. Mais comme tous les chefs, derrière le lien de parenté apparent entre les deux aveugles, se cache la félonie et l'hypocrisie.

Zatoïchi lui rend visite en yakuza, deuxième fois qu'il apparaît comme tel avec Les tambours de la colère. Mais cette fois-ci, il se distingue non seulement par sa modestie (il donne une pièce en cadeau alors qu'on en avait annoncé 10) et surtout par sa clairvoyance des déviances du code d'honneur des yakuzas. En face, le Parrain affirme que l'handicap qu'il a reçu est une dette envers tous ses ancêtres qui auraient accompli le mal : ce serait sa manière à lui d'accepter son destin, un thème propre à la série. Sauf qu'il est le dernier à respecter le code des yakuzas (au contraire de son successeur, qu'on devine être le seul à avoir voté pour épargner la vie de Zatoïchi).

Ainsi, si ce dernier n'a aucune motivation réelle contre le Parrain, celui-ci, au contraire, est menacé par le charisme et l'idéologie du masseur aveugle, qui pourrait lui prendre le pouvoir, au moins à titre symbolique. Il s'agit donc avant tout d'un conflit de personnalités, ce qui est une première dans toute la série, qui a d'habitude deux orientations possibles : soit il rencontre des yakuzas, des hors-la-loi, ou des chasseurs de prime voulant sa tête pour l'honneur ou l'argent, soit il décide volontairement, selon ses principes personnels (en gros, la défense des opprimés contre leurs oppresseurs), d'affronter ses adversaires. Bref, le destin ou la morale sont deux motivations habituelles du personnage. Nous les retrouvons quand même ici (au début par cette fameuse présentation des deux parrains, puis à la fin lorsqu'une femme est prise en otage), mais à travers les personnalités de chacun, et non (en premier lieu) une confrontation physique.

Entre les deux protagonistes, leur première lutte est représentée par un jeu de stratégie, à l'image de Flashing sword et de Voyage en enfer, mais qui prend ici une forme toute nouvelle. Un duel entre deux aveugles : où se situe la limite de leur clairvoyance ? Très dur à déterminer.


En conclusion

S'il y a un seul Zatoïchi à voir, il s'agit bien de celui-là, tant il va réconcilier les néophytes et les spécialistes de la série. Les sous-textes thématiques ou les références aux autres épisodes sont nombreuses, mais c'est en même temps très ludique à voir et à entendre, exactement comme un Baby Cart. Une petite merveille qui réunit en plus selon moi deux des meilleurs artistes martiaux de l'époque au summum de leur art, Shintaro Katzu et Tatsuya Nakadai.

Ce Zatoïchi est à la fois unique en son genre et fidèle à la série : il transcende par sa mise en scène, sa photographie, et ses trouvailles visuelles, tous les ingrédients habituels. Ainsi, il s'agit paradoxalement, de l'épisode le plus personnel mais aussi le plus abouti, en mettant en avant le romantisme qui était un lieu commun de Misumi, tout en l'adaptant à la personnalité du héros. En tant que Chambara, il a sa place à côté des meilleurs Baby Cart.
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Zatoichi contre le Sabreur manchot - 4,5/10

Messagepar Dunandan » Ven 09 Mar 2012, 05:54

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Zatoïchi contre le sabreur manchot

Réalisé par Kimiyoshi Yasuda

Avec Shintaro Katsu, Jimmy Wang Yu, Watako Hamaki

Chambara, Japon, 1h32 - 1970

4.5/10


Résumé :
Un jeune chinois a le malheur de se trouver sur le passage d'une procession officielle. Les gardes du corps tentent de le tuer, la famille s'emmêle ainsi qu'un mystérieux justicier manchot, Wang. La manifestation tourne au massacre. L'enfant réussit à s'enfuir et il est recueilli par Zatoichï. Le célèbre aveugle finit par croiser la route de Wang, et les deux hommes, bien que ne parlant pas la même langue, devront affronter une bande de yakuzas.


Cinquième participation du directeur après Le défi, son film le plus abouti de la série Zatoïchi, il s'essaie à présent au "spin-off" à l'instar de Zatoïchi contre Yojimbo avec cette fois-ci la présence du sabreur manchot, personnage crée par Chang Cheh. De nouveau, il faut revoir ses attentes à la baisse, tout le film étant basé sur un problème de communication linguistique.




Un prétexte à réunir les deux guerriers

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Le script semble vraiment être écrit en vue d'une confrontation entre les deux sabreurs à l'inverse de l'autre spin-off qui était doté d'une véritable histoire, bien que s'étirant un peu en longueur, et en plus ce film avait fait l'effort de faire le lien avec les épisodes précédents, ce qui n'est pas le cas ici. L'histoire se résume à ces quelques lignes : au Japon, un jeune chinois a le malheur de se trouver sur le passage d'une procession officielle organisée par des japonais. Pour éviter d'avoir des témoins gênants, les gardes du corps tuent tout le monde sur le passage, empêchés par le sabreur manchot qui se trouvait là, en route pour un Temple d'entraînement. Il est bien sûr accusé à tort, coupable idéal. Zatoïchi recueille le petit. Les deux guerriers ne se comprennent pas : chacun accuse l'autre de voler le gamin. Pendant ce temps, tous les deux sont poursuivis par les yakuzas, pour la même raison décrite plus haut. Toute la dynamique du film se réduit ensuite à des fausses accusations d'un côté comme de l'autre, ce qui en sous-texte, se traduit par un message de tolérance entre les deux peuples : des affrontements inutiles pourraient être facilement évités en résolvant les malentendus. Mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi le jeune chinois, parlant le japonais, n'a pas servi davantage d'intermédiaire entre les deux étrangers ? En plus, alors qu'il s'agit du seul lien affectif rassemblant les deux hommes de manière juxtaposée, à cause de leur incompréhension mutuelle, à la fin, on ne parle plus de l'enfant.


Zatoïchi et le sabreur manchot

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Que reste-t-il des deux combattants, mis à part l'enfant ? Pas grand chose. Ce qui est mis en avant, c'est leur propension à sauver la veuve et l'orphelin. Ainsi, puisqu'ils ne se comprennent pas, ils jouent au chat et à la souris, l'enfant entre les deux. Leurs caractéristiques se réduisent à leurs capacités martiales : d'un côté les sauts de cabri du chinois avec sa main de fer et son sabre brisé, de l'autre les moulinets de sabre efficaces de Zatoïchi. Hormis ces deux aspects, et le fait qu'ils soient poursuivis par le même ennemi, les yakuzas, et plus généralement, par les autorités, aucune motivation morale n'est mise en exergue, sauf peut-être une fois avec le chinois qui affirme préférer "la parole à la loi" (rendant tragique la trahison de son ami chinois). C'est faible tout ça, surtout lorsqu'on connaît la destinée de ces deux personnages, chacun paria de son milieu, poursuivi par les autorités. J'aurais préféré qu'ils parviennent à surmonter la difficulté linguistique, au lieu qu'ils restent chacun devant la porte culturelle de l'autre.


Réalisation

On sent que le réalisateur a essayé de donner une certaine identité à cet opus, avec des couleurs tendant vers le bois acacias (ou peut-être est-ce mon imagination ...) rappelant vaguement les films de la SB et des thèmes musicaux mixant les sonorités des deux cultures. Sinon, je ne trouve pas que ce film soit mal réalisé, mais il manque de personnalité, de rythme, et d'ambition, faute à un script vraiment rachitique.

Enfin, les combats ne sont pas mauvais, et sont même parfois assez sanglants, bien qu'ils soient loin des meilleurs de la série. Chacun fait ce qu'il sait faire, mais la lenteur des arts-martiaux du sabreur manchot contraste un peu trop à mon goût avec la rapidité des coups du masseur aveugle. Nous avons droit quand même à un duel final qui est loin d'être ridicule, sans atteindre le sommet attendu, surtout après une si longue attente.

Certainement le plus mauvais Zatoïchi. Le seul intérêt du film : réunir le sabreur manchot et le masseur aveugle. Sinon, le scénario n'a de prétexte qu'à les faire affronter, ne se comprenant pas mutuellement malgré la ressemblance de leurs principes de justice.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Ven 09 Mar 2012, 07:44

Bein tu vois là je peux réagir, j'ai vu les 2 et je m'en souviens :mrgreen: alors Shogun c'est THE best Zato pour moi et de loin, l'autre c'est le plus nul et de loin aussi :mrgreen:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Ven 09 Mar 2012, 07:52

Ah ouais Shogun est écoeurant, première vision en plus. Je trouve que c'est encore plus jouissif lorsqu'on est conscient de l'évolution du personnage.

L'autre Zatoïchi, j'aurais pu écrire la même critique sans le revoir (pourtant pas vu depuis 3 ans) mais je suis consciencieux :mrgreen:

Les quatre derniers je les sens relativement bien, sauf peut-être un peu moins le 25, réalisé par Yasuda, qui n'a réalisé que le 18 (le défi) d'assez potable. Les trois autres ont été réalisés par Kazuo Mori (a fait le très satisfait n°11, dans mon TOP10), et Shintaro Katsu, pour deux épisodes (24 & 26), ce qui annonce du lourd. Après, je fais une petite pause dans ma rétro :mrgreen:
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Zatoïchi : Le voyage à Shiobara - 7/10

Messagepar Dunandan » Ven 09 Mar 2012, 23:59

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoichï : le voyage à Shiobara

Réalisé par Kazuo Mori

Avec Shintaro Katsu, Rentaro Mikuni, Hisaya Morishige

Chambara, Japon, 1h24 - 1972

7/10


Résumé :
Une femme décède après avoir accouché en pleine campagne. Zatoïchi recueille l'enfant puis décide de le livrer à son père. Arrivé en ville, il est confronté à une horde de yakuzas.

Après deux épisodes très espacés chronologiquement parlant (le très moyen n°2 et le très satisfaisant n°11 : Le secret et Zatoïchi and the doomed man ), Kazuo Mori nous revient dans son épisode le plus recherché au niveau de son identité visuelle et sonore. A l'instar de Shogun de l'ombre qui surfait sur l'ère de l'érotisme japonais naissant, ce Voyage à Shiobara emprunte la culture pop de son époque. Ainsi, il constitue un épisode un peu à part, reprenant les bases classiques de la série, mais vampirisées par son inspiration lui donnant une forme nouvelle.





Un air de déjà vu

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Le récit démarre sur des choses déjà vécues dans les épisodes précédents. D'abord, Zatoïchi aide une mère à accoucher de son bébé, mais elle meurt, et lui livre le nom de son père : une histoire déjà racontée dans Voyage meurtrier. Ainsi, ça commence comme du Misumi, avec un visuel apparemment pompé sur son style (surimpression d'images) et sur ses péripéties (tétées en rajoutant cette fois-ci du lait pour faire boire le bébé). Mais l'inspiration s'arrête là, comme en témoigne déjà la chanson, bizarre mélange psychédélique d'ancien et de moderne, racontant le voyage maudit de Zatoïchi, mais surtout la première scène, qui montre ce dernier en train d'essayer d'aplatir une feuille machinalement, comme un autiste : il est vraiment dans sa bulle, et ne prend ainsi personne vraiment en affection ou en haine. Le bref voyage (au contraire du l'autre film qui était réellement une épopée) est également ponctué par le jet de pierres d'un mystérieux enfant qui croit que Zatoïchi a assassiné la femme (se révélant être sa mère), histoire de rappeler brutalement les malentendus de voyants dans lesquels l'aveugle est fréquemment plongé. Ensuite, la deuxième étape, qui s'arrête tout simplement au village où habite le père, rappelle plutôt Zatoïchi's revenge, à cause des méthodes brutales des yakuzas arrivant au village alors que ce dernier vivait dans la paix : ils enferment toutes les filles endettées au Bordel, et taxent tous les saltimbanques à l'approche du spectacle de fin d'année, déjà rencontrés brièvement au début de La route sanglante.

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Bien sûr, Zatoïchi ne demeure pas insensible à tout ça, surtout envers la tante de l'enfant obligée de se prostituer si elle ne gagne pas 20 pièces : le masseur aveugle serait prêt à se sacrifier en échange pour la sauver. Jamais ce dernier n'a été aussi prêt de mettre sa vie en jeu pour en sauver une autre, même pas par principe moral, mais parce qu'il apprécie sa vie au dessous de celle des autres.

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D'autres thèmes et personnages typiques de la série sont effleurés. D'abord le conflit de génération entre son père et son fils, l'un marchant droit (un bon policier), et l'autre voulant gagner facilement sa vie par exemple en tuant Zatoïchi pour de l'argent. Pas de leçon de morale ici, juste une bonne claque qui remet les idées en ordre, trop tard, car le policier va être tué pour avoir aidé Zatoïchi. Puis de nouveau le samouraï-yakuza qui se distingue de la masse, protégeant Zatoïchi contre l'avis des autres, afin de l'affronter pour se distinguer par ses qualités martiales.


D'autres inspirations plus personnelles

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Malgré une trame classique et un retour aux sources évident, on reconnaît aussi le style du réalisateur, à cause du ton accusateur de plusieurs groupes de personnages (l'enfant, le mari de la morte, le fils du policier) envers Zatoïchi. Ce dernier est en effet accusé deux fois pour des choses qu'il n'a pas faites, rappelant tout à fait l'homme que le masseur aveugle avait rencontré dans la prison de Zatoïchi and the doomed man, accusé lui aussi à tort. Et lorsque l'enfant dont j'ai parlé plus haut rappelle à Zatoïchi qu'il est un assassin au milieu d'un règlement de compte, son invincibilité physique est terrassée d'un coup, se faisant battre violemment comme le film précité. Le véritable thème central est donc selon moi les malentendus et la difficulté à communiquer son innocence (et donc sa véritable identité) à autrui. Puisque parler n'est pas son fort, son action s'y substitue alors, porte-parole de ses pensées profondes.

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Il y aussi une forte identité visuelle et sonore. Après les petits sketchs des saltimbanques, et surtout le combat final, il est difficile de ne pas penser à l'influence de la télévision sur ce film, avec le jeu outrancier de certains personnages (je pense notamment aux saltimbanques), l'application esthétique de certains combats, faisant apparaître des gerbes de sang au bon moment pour les yeux du spectateur. Le climax est d'ailleurs de toute beauté, bien que peu original, empruntant la thématique du feu du Shogun de l'ombre. Après son combat final contre les yakuzas, celui avec le samouraï n'est plus qu'une formalité, preuve que Zatoïchi est vraiment en mode automatique, enfermé dans son propre monde.

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Un Zatoïchi dont l'intérêt se situe moins dans son fond qui est un retour aux sources, qu'en sa forme qui emprunte pas mal à la culture pop de son époque. On sent que le personnage est en mode automatique, accomplissant ce qu'il doit être fait, mais sans passion ni haine, et sans code d'honneur ni morale, seulement par un sentiment viscéral de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Sam 10 Mar 2012, 23:27

Je signale ma MAJ du deuxième épisode de Zatoïchi pour les intéressés : je passe de 5 à 5.75, note intermédiaire entre les très moyens qui n'inventent rien ni dans le fond ni dans la forme, et la note butoire des "bons épisodes".
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Zatoïchi : La blessure - 8,5/10

Messagepar Dunandan » Dim 11 Mar 2012, 04:16

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

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Zatoichi: La blessure, Shintaro Katsu (1972)


Il s'agit de la première participation de Shintaro Katsu, et il ne fait pas les choses à moitié. Il ne se contente pas de renouveler les codes de la saga, mais en réinvente carrément la forme et la narration, tout en lui demeurant fidèle (la manière dont ce réalisateur-acteur s'est approprié sa propre mythologie m'a fait penser à Clint Eastwood avec son personnage l'Homme sans nom dans Impitoyable). Il s'agit selon moi de l'opus le plus moderne, plus réaliste, et plus vénère de toute la série des Zatoichi.

Thèmes

Selon moi, deux thèmes majeurs sont traités ici. Il y a d'abord un thème visité de nombreuses fois, la sexualité du masseur aveugle, mais qui n'a jamais été traitée jusqu'ici au premier degré, à l'inverse, par exemple, d'un Misumi qui l'interprétait sous la forme d'un romantisme maudit avec la figure de la femme inaccessible ou dangereuse. Ensuite, la caméra épouse les points de vue des personnages en leur collant au corps, pour à la fois exagérer le champ limité de la "vision" de Zatoichi et l'impossibilité de ce dernier à sauver tout le monde. Cette proximité des individus les rend d'autant plus consistants, vivants, dramatiques.

Le champ limité de la perception de Zatoichi : une destinée à l'aveugle

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La première scène pose le cadre de toute l'intrigue. Zatoichi rencontre une vieille femme, qui lui parle de sa fille, au milieu d'un pont parsemé de trous, et donc dangereux pour les passants. Alors qu'il lui offre quelques pièces pour la remercier de sa musique, elle tombe, un peu aidée accidentellement par le masseur aveugle. Ce drame va déterminer la marche de toute l'histoire.

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Or, ce qui est captivant, c'est de voir à quel point Zatoichi est focalisé uniquement sur la fille de la vieille femme, travaillant dans un Bordel. Après avoir gagné l'argent au tripot en trichant avec sa méthode traditionnelle utilisée depuis Le Masseur aveugle, sa mission est terminée, le monde qui l'entoure n'existe plus. Il ne perçoit pas les drames qui l'entourent, à savoir essentiellement la destinée d'une très jeune fille obligée de travailler au Bordel et de son petit frère vivant aux dépends de sa soeur, et la cruauté des yakuzas qui exercent plus que jamais leur loi injuste sur les pauvres villageois. En ce sens, sa personnalité est dans la droite lignée de Voyage à Shiobara : plus que jamais il est dans sa bulle, uniquement redevable envers la prostituée dont il a tué la mère accidentellement.

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Ainsi, il ne voit pas que la jeune fille est obligée, à 14 ans, de se prostituer, qui mériterait un traitement égal à sa partenaire. La cruauté des yakuzas n'est stoppée que par le courage du petit garçon, qui lance des pierres comme dans le précédent film, signe de rébellion contre l'injustice. Mais cette fois-ci, personne n'est derrière le petit garçon quand ça tourne mal. Les paysans se rebellent, mais trop tard, et sont repoussés par un samouraï, garant de la loi. Ayant personne au monde, le destin des deux enfants est scellé, sans aucune échappatoire possible. Leur destinée tragique m'a réellement touché.

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D'autre part, Zatoichi ne perçoit même pas que la fille qu'il est en train de sauver n'a pas vraiment envie de l'être. Elle a ainsi un certain confort et gagne bien sa vie. J'ai eu l'impression que Zatoichi s'était trompé de personne, uniquement guidé par son devoir (et en quelque sorte par sa destinée, puisqu'il s'agissait d'un "coup du sort"), et non par son sens moral ou sa perception de la justice. D'autant plus qu'en sauvant l'une, il a précipité l'autre (qui n'était pas encore au premier plan, mais seulement une domestique) dans le malheur.

Jamais il n'a été aussi aveugle au monde qui l'entoure, submergé par les drames humains (les villageois et la jeune prostituée). Il n'est plus qu'un simple humain aveugle armée d'une cane-épée, poussé au gré du vent, ce qui, en le traduisant dans les termes de la série, signifie être poussé par son destin : par les accidents de la vie qui le poussent à tel ou tel endroit et demandent réparation, et par les yakuzas qui, uniquement motivés par l'argent que représenterait sa prime, l'obligent à utiliser la violence par réflexe d'auto-défense.


La sexualité traitée au premier degré : les femmes et Zatoichi

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Habituellement, la sexualité du masseur aveugle est traitée de manière mélancolique, romantique, ou mélangeant parfois le drame et la comédie. Mais jamais elle n'a été abordée de manière aussi crue, au premier degré. Cette fois-ci, l'alter-ego de Zatoichi est un pervers sexuel, une sorte d'éjaculateur précoce à l'inverse de l'autre, qui se contente de jouir (métaphoriquement) par procuration, en écoutant les ébats d'un couple.

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La prostituée qu'il a sauvée veut essayer de le dévergonder pour le remercier, mais Zatoichi refuse aussi sec. C'est vraiment symptomatique qu'une réalisation aussi près des corps de ses sujets soit freinée par le refus de Zatoichi à avoir des relations sexuelles. Alors que chez Misumi, le désir de la femme suffisait à le mettre en danger, cette fois-ci, c'est carrément son corps qui l'a mis en position de mort. La réponse de Zatoichi est simple : l'accomplissement sexuel est remplacé immédiatement par ses coups de sabre, devenant un véritable substitut sexuel.


Une réalisation moderne et réaliste

Je suis pratiquement certain que Shintaro Katsu a pensé à Hideo Gosha en réalisant son film, à cause de son utilisation des gros plans et du climax composé de boue et de sang. Il y a aussi des plans contemplatifs, tranchant avec la proximité omniprésente des individus, et qui annoncent déjà le travail de Takeshi Kitano, notamment A scene at the sea. D'autre part, j'aime beaucoup la traduction formelle du trauma de la victime innocente, restituant la vision du drame de manière émotionnelle. Ainsi, Zatoichi ne m'a jamais autant paru humain, même dans les trois films insistant sur ses faiblesses ( Voyage en enfer, The blind's swordman vengeance, Zatoichi’s Pilgrimage), grâce à la forme employée, déroutante au premier abord car elle renie tout l'héritage esthétique de la saga, mais qui permet ainsi d'avoir tantôt un rapport physique, tactile aux individus, tantôt un cadre contemplatif où aucune ligne de fuite n'est possible. Le drame humain et la cruauté des méchants sont d'autant plus prégnants.

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Ensuite, la narration n'a jamais été aussi dense que dans le Justicier sans la dimension politique de ce dernier. Les ingrédients de bases de la saga sont pourtant présents : le destin qui s'acharne sur Zatoichi, de méchants yakuzas et un samouraï qui veulent la peau de ce dernier, et une jeune femme qui veut coucher avec Zatoichi (je l'accorde, ça c'est différent, Zatoichi étant plus habitué à un amour platonique). Ce qui est si comparable entre ces deux histoires, c'est la manière dont les événements et les personnages débordent la petite sphère de Zatoichi, sauf que cette fois-ci, ce dernier n'y peut absolument rien, sauvant seulement celle qu'il avait en vue dès le début, et sa propre vie, sans se mêler de la vie des autres individus qui ont pourtant bien plus besoin de son aide.

La musique est aussi très moderne, unique en son genre dans la saga, mélange de pop et de jazz. Avec les thèmes de Misumi, il s'agit du meilleur score de la saga.

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Enfin, le climax est absolument magnifique, rivalisant avec les meilleurs de la saga, et dignes des duels finals des westerns spaghetti tels que Django. Zatoichi n'a jamais été aussi vulnérable que dans Le défi, affrontant ses ennemis avec les mains blessées, sauf qu'à l'inverse de ce dernier, la base dramatique est parfaitement en place.

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Shintaro Katsu signe l'un des tous meilleurs Zatoichi. Innovant par sa forme et sa narration, il remodèle complètement les codes de la saga.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Jimmy Two Times » Dim 11 Mar 2012, 10:15

Tes critiques sur la saga Zatoïchi forcent le respect, chapeau! :super:
I'm the motherfucker who found this place!
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 11 Mar 2012, 10:32

Thks :super: ça fait plaisir d'avoir quelques supporters 8)
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Dim 11 Mar 2012, 10:36

C'est cool j'aurais des screens toute prête quand je materais ceux que j'ai pas vu :mrgreen:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 11 Mar 2012, 10:43

Je piquerai les tiennes pour mes critiques western :eheh:
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Zatoïchi : Retour au pays natal - 6,5/10

Messagepar Dunandan » Dim 11 Mar 2012, 17:52

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Retour au pays natal

Réalisé par Kimiyoshi Yasuda

Avec Shintaro Katsu, Yukiyo Toake, Eiji Okada

Chambara, Japon, 1h27 - 1973

6.5/10

Résumé :
Après de longues années passées sur la route, Zatoïchi, qui s'est assagi, revient sur ses terres d'origine, le village de Zasama. A son arrivée, il passe quasiment inaperçu. Les villageois ne reconnaissent plus l'adolescent turbulent qu'il était. Un de ses amis d'enfance, très respecté des gens du village, est en fait devenu un vrai bandit.


Yasuda signe ici sa sixième et dernière contribution, et clôt provisoirement la saga, puisqu'elle sera reprise le temps d'un tout dernier épisode seize ans plus tard. Et pour cause, car sans être mauvais, il s'agit d'un Zatoïchi assez moyen, qui commence par une histoire qui sort un peu des sentiers battus avec un retour aux sources et qui peut être comprise comme une variante du "fils prodigue" retournant chez lui après une longue errance, mais qui est ensuite minée par une seconde partie un peu trop classique et convenue, se contentant de développer le bretteur aveugle que l'on connaît si bien lorsqu'il se fâche contre ses ennemis. Cependant, il s'agit certainement de l'une des meilleures contributions du réalisateur avec Le défi, autrement dit l'un des plus mineurs de la saga.


Le masseur aveugle ... attendu chez lui ?

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Une fois n'est pas coutume, Zatoïchi décide au hasard, selon son destin, et non volontairement, de passer par son village natal. Ainsi, la boucle pourrait être bouclée : après les premiers épisodes qui évoquaient le passé du masseur aveugle, il est assez logique de revenir sur les pas de son enfance. Or, contrairement à ses attentes, une foule en liesse le rencontre, toute contente de le rencontrer. Il pense être le "fils prodigue" dont le retour a été tant attendu, avec en plus un savoureux banquet qui semble l'attendre. Mais il s'agit d'un malheureux malentendu : il s'agit d'un autre "fils prodigue" qu'on attendait, un riche marchand revenu apparemment pour aider son village de sortir de sa situation misérable. Et si on était si content de le trouver sur la route, c'était pour qu'il participe à la cérémonie d'accueil en officiant comme masseur. Quel choc pour lui !

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Mais non seulement cette attente n'était pas pour lui, mais dans toute la première partie du film, il est traité comme un vulgaire masseur aveugle, qu'on ne reconnaît même pas. On le considère comme un gêneur, un malpropre, et l'autre, comme le sauveur du village. Mais heureusement une poignée de personnes se souviennent de lui, ce qui est l'occasion pour lui de se recueillir sur la tombe de la nourrice qui l'a élevé. Il s'agit d'une très belle séquence, très émouvante.

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J'aime beaucoup cette première partie, car nous avons droit à un retour aux sources assez émouvant, mélancolique, du masseur aveugle, mais aussi amer, car finalement il retourne comme un étranger, comme partout ailleurs. Ses racines sont minces, ne tiennent qu'à une simple tombe décorée par des fleurs défraîchies, une statuette d'un dieu qu'il a déterré de l'oubli, et une soeur de lait. Le seul bémol selon moi est la présence des délinquants, qui n'ont pas leur place ici, déteignent sur le reste, et n'ont pas de rôle important : ils représentent seulement l'ennui des jeunes de village, qui ennuient ainsi les gens du coin, et apportent soit-disant une touche de légèreté, alors que c'est tout l'inverse que j'ai ressenti.


Ce village a besoin de Zatoïchi le yakuza

Or, les apparences sont trompeuses, puisque ce marchand n'est pas là pour aider les paysans ni pour revoir ses racines, mais pour les exploiter encore plus profondément, main dans la main avec le Gouverneur qui gère le fief. Bref, une bonne grosse crapule typique des méchants de Zatoïchi, qui est tout l'inverse de ce qu'on attendait de lui, à savoir un sauveur et un amoureux de ses racines : il va exploiter les terres du village juste pour l'argent qu'il peut en tirer, et a aussi le goût des jeunes jouvencelles, que les yakuzas amènent de force. Bref, un vrai poison ambulant.

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Ainsi, vu l'exploitation déraisonnable dont fait preuve le soit-disant "fils prodigue", la présence de Zatoïchi le yakuza est requise. Si on ne l'a pas écouté en tant que masseur aveugle, son identité de yakuza et l'adresse de son art du sabre vont faire figure d'autorité et de loi en vue de la libération des opprimés. Autant j'ai beaucoup apprécié la première partie du récit qui, sans être non plus totalement originale, insistait avec raison sur le peu de racines qui restent au masseur aveugle, et sur la perception tronquée des personnes dont on désire le retour, autant j'ai trouvé que le retournement de situation de la seconde partie était un peu trop facile : Zatoïchi est ainsi comme sur un tapis roulant, une fois qu'on s'est attaqué à son essentiel, à savoir les victimes d'un système injuste, telles que les villageois et sa soeur de lait.

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Le climax final qui déboule assez logiquement de la méchanceté du "fils prodigue" et du gouverneur, est assez sympathique et assez sanglant, bien qu'ayant l'apparence d'une simple variante de ce qui a été fait auparavant : on retrouve par exemple certains plans du Défi ou même de l'épisode précédent.


Réalisation

La forme est une reprise, mais avec moins talent, de la réalisation de l'opus précédent. Les gros plans sur les visages, et la caméra collée aux combats sont de retour, mais je trouve qu'il manque à l'ensemble de l'audace stylistique, une vision personnelle, bien que ça soit efficace.

Ensuite, le thème musical est très redondant, voire énervant en seconde partie, comme un métronome mis sur pause.

Enfin, au niveau de l'interprétation, dans l'ensemble c'est plutôt bien, sauf les délinquants qui ont une vraie tête à claques.

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Un dernier épisode traité de manière trop inégale, et surtout trop classique dans sa seconde partie, pour terminer cette saga dignement.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar angel.heart » Dim 11 Mar 2012, 18:07

Perso La blessure c'est mon préféré juste dérrière Le shogun de l'ombre.

Après le seul que j'ai vraiment trouvé très bof c'est Mort ou vif. Tous le reste ( du coffret wild side ) j'aime, ça va de 6,5 à 8,5.
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