Le Quai des Brumes de Marcel Carné
(1938)
Second film de Marcel Carné que je découvre et grosse déception à la vue de ce Quai des Brumes, film souvent cité comme l'un des meilleurs de son auteur et comme l'un des ténors du réalisme poétique français. Le film est loin d'être mauvais, mais on est clairement pas en face d'un très grand film, au contraire de son œuvre suivante, le magistral Le Jour se lève. Pourtant, Le Quai des Brumes possède des qualités indéniable, fort d'une réalisation dans l'esprit de l'époque (très beau travail sur l'ambiance nocturne notamment), d'un casting impressionnant (l'excellent Jean Gabin, la belle Michèle Morgan et Michel Simon) et surtout de dialogues savoureux et réfléchis de Jacques Prévert (la dialogue entre Gabin et le chauffeur annonce tout de suite la couleur en faisant la part belle au ressenti poétique ainsi qu'à une volonté de présenter des parias de la société, en l’occurrence un déserteur), le film trouve un énorme point faible via son script.
Car, en effet, si l'histoire d'amour est réellement touchante et que les personnages sont tous aussi intéressants les uns que les autres (celui de Gabin évidemment mais aussi le barman Panama), le récit a beaucoup de mal à décoller, la faute à un manque d'intérêt pour l'intrigue qui accumule de nombreux défauts (la pseudo enquête autour du personnage de Michel Simon en est la preuve flagrante, autant la noirceur du reste du film est nickel, autant celle-ci en fait vraiment trop). Malgré cela, quelques scènes sortent du lot, dont un passage très drôle où Gabin tente de se faire passer pour un peintre (là aussi les dialogues jouent énormément sur la qualité de la scène, avec notamment une critique à peine camouflée sur les intellectualistes de l'époque) et surtout la séquence de la fête foraine, un passage passé depuis à la postérité et qui le mérite amplement tant il déborde d'une poésie touchante et d'une retranscription simple des sentiments humains (les confrontations entre Gabin et Lucien, jeune truand paumé et sans avenir). Bref, pas le chef-d’œuvre du réalisme poétique malgré des grandes qualités et un charme omniprésent qui fait son effet avec efficacité.
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Revision de mars 2016 :
Et bien au final, ça aura été une déception seulement à la première vision. J'ai vraiment eu l'impression de découvrir un tout autre film, bien que je gardais en tête la plupart des scènes (sauf le final, je me souvenais pas du tout que ça se finissait de façon aussi noire). Ça reste quand même un film qui possède ses défauts (Brasseur surjoue à fond durant une scène avec Simon, et la storyline de ce dernier avec le meurtre de Maurice fait toujours un peu artificiel) et qui, du coup, reste moins bon à mon sens que le triplé Enfants du Paradis/Jour se lève/Hôtel du Nord, mais c'est tout de même grandiose, avec une poésie de chaque instant (le premier baiser, mais aussi le sort du peintre, qui doit sûrement être l'inspiration number one de Jeunet pour le poète d'Amélie Poulain). Du coup, de 7, je passe à 8,5.
NOTE : 8,5/10