No Country For Old Men de Joel & Ethan Coen
(2007)
Après deux comédies sympathiques mais oubliables (
Intolerable Cruelty et
The Ladykillers) et un segment réussi du film
Paris je t'aime, les frères Coen revenaient en 2007 sur le devant de la scène avec un nouveau film de genre avec lequel, à l'instar de
Fargo, ils allaient totalement détourner les codes pour mieux les réinventer à leur façon. Ce film de genre, ce néo-western totalement crépusculaire, intemporel et démonstratif d'un mal-être américain omniprésent, deviendra
No Country For Old Men, aujourd'hui certainement l'un des films les plus emblématiques du duo suite à son succès critique phénoménal. Mais il serait dommage d'oublier à quel point
No Country For Old Men est une œuvre atypique de la filmographie des Coen tant elle bascule dans des parti-pris pour le moins extrême, que ce soit sur la forme ou sur le fond. Là où les deux cinéastes avaient pour habitude de toujours diluer des atmosphères particulières avec un humour toujours différent,
No Country For Old Men se veut en quelque sorte comme une œuvre profondément noire, presque sordide par moment, l'antithèse total d'une bonne partie de la filmographie des deux réalisateurs. En adaptant le roman très particulier de Cormac McCarthy, les Coen font preuve d'un talent hors-pair pour ce qui est de raconter l'histoire uniquement par l'image, ainsi le film se veut presque contemplatif tant il repose presque totalement sur le contenu du cadre, le son étant un élément totalement secondaire, en témoigne l'absence presque totale de musique (la légende voudrait que le film soit dénué de partition musicale mais il n'en est rien, lors de certains passages des notes uniques sont bien audibles, notamment lors de la discussion entre Chigurh et le pompiste) et surtout la volonté de camoufler le plus sons possible (utilisation de silencieux, maintien de la discrétion, etc...).
Ainsi, le film entier pourrait très bien se passer du moindre dialogue tant la maîtrise du récit par le visuel est garantie par une mise en scène extrêmement inspirée, de loin la plus réussie des Coen. Nombreuses sont les séquences qui imprègnent durablement la rétine (la plus intense étant la course-poursuite nocturne débutant dans une chambre d'hôtel pour finir en partie de cache-cache dans les rues) et même les scènes dialoguées sont passionnantes à suivre, que ce soit par la tension qui s'en dégage (la totalité des dialogues de Chigurh) ou tout simplement par ce qui est raconté au spectateur (les monologues de Tommy Lee Jones, qui reflètent en grande partie la vision pessimiste du monde d'aujourd'hui, que ce soit par des faits divers ou des rêves étranges). Enfin, le casting est tout simplement magistral tant chaque personnage campe à merveille des personnages très loin des délires coeniens habituels. Josh Brolin trouve là le rôle de sa vie, idem pour Javier Bardem qui incarne tout simplement le meilleur bad guy du cinéma post-2000. Tommy Lee Jones, malgré une présence pas forcément énorme (il disparaît au cours du récit pendant un bon moment) apporte beaucoup, notamment par sa voix qui rapproche
No Country For Old Men de la fable contemporaine violente. Que dire de plus si ce n'est que ce chef-d’œuvre ultime des frères Coen est véritablement un film à voir au moins une fois dans sa vie, rarement on auras pris une claque aussi magistrale dans une salle obscure.
NOTE : 10/10