J'ai rencontré le diable Kim Jee-Woon - 2011
Allergique aux acteurs asiatiques => passez votre chemin.
Dès que vous voyez du sang à l'écran, vous mettez vos mains devant vos yeux => passez votre chemin.
Vous avez vomi en regardant Anthony Hopkins se faire un steak avec le cerveau de Ray Liotta dans Hannibal ou lorsque Uma Thurman écrase l'oeil de Darryl Hanna avec son pied dans Kill Bill vol.2 => passez votre chemin.
Voilà qui devrait déjà faire un premier tri !
J'ai donc un soir d'été rencontré le diable, et ça m'a fait mal !
Pas qu'à moi d'ailleurs, puisque nous étions 14 chanceux(ses) à assister au dernier film de Kim Jee-Woon.
Là où ça fait du bien, pour commencer par l'agréable, c'est évidemment l'aspect, très esthétique, très recherché, très coréen pour être cliché.
Dans le seul film de Kim que j'avais vu: ""le bon, la brute et le cinglé"", la réalisation de Kim est variée et réussie, ici ses qualités sont encore plus poussées.
Sur le plan de l'histoire, c'est du revenge movie: la nana d'un mec des service secrets coréens se fait assassinée, et plus si affinités par, ce qui va nous être présenté dès le début du film, un serial killer passionné par l'artisanat de la pêche, la poissonnerie et de la boucherie. On découvre plus tard qu'il est également fan d'horticulture. Et forcément, il connait sur le bout des doigts (si je puis dire) toutes les techniques de ces métiers manuels, qui lui permettent de laisser cours à son addiction en variant les plaisirs et ainsi d'éviter de tomber dans une routine certaine.
Et il faut avouer qu'il sait y faire le coquin, il prend son temps car il n'aime pas saloper le travail. De surcroît, il est très méticuleux et rusé pour n'éveiller aucun soupçon.
Evidemment, le "veuf" réclame vengeance. Manque de bol pour notre ami couteau-suisse, le veuf est un agent des services secrets, qui dispose de matériels à la pointe de la technologie, des outils internes de la police, etc...mais surtout possède une soif de vengeance aussi difficile à étancher que celle du serial killer pour les jeunes femmes démembrées (bonus si enceintes).
Le film repose donc sur cette trame éculée, pour poser des questions, faire des réflexions, maintes fois posées mais avec le petit +, over the limit, qui fait qu'il se démarque, qu'il est au-dessus de la mêlée des revenge movies.
Par exemple sur la loi du talion mais sous un angle différent de la majorité des films du genre. En effet, ici, il n'est pas simplement question de se venger ""oeil pour oeil, dent pour dent"", il est question d'aller au-delà de cette loi, au-delà de la limite psychologique de n'importe quel quidam, au-delà de la limite psy d'un père chef de la police, au-delà de la limite psy d'un agent des services secrets, au-delà de la limite psychologique d'un serial killer. Jusqu'où sommes-nous capable d'aller pour assouvir notre vengeance, alléger notre conscience ? Peut-on aller au-delà des crimes et sévices de celui dont on cherche à se venger ?
Il est question de moralité évidemment, puisqu'il y a une réflexion sous-jacente sur "est-ce que je deviens aussi méchant que le méchant si je lui rend la monnaie de sa pièce voire pire ?" Autre question "est-ce que je risque d'aimer, de prendre du plaisir à faire tout ce que j'ai combattu auparavant et dont je cherche à me venger ?" etc...."Est-ce que toute pitié a disparu de mon âme ? Ai-je perdu toute compassion ?". Personnellement, je me suis posé aussi la question sur la possibilité de sortir le plus indemne possible de cette histoire, quelle peut-être la vie après ça ? Qu'est-ce qui peut motiver la volonté de vivre après ce traumatisme ultime ?
Bref, Kim prend son temps pour nous présenter sa réflexion, tout en nous laissant nous faire notre propre idée, se poser nos propres questions.
Ici peu de dialogue, toujours à bon escient, et l'image et le cadre se suffisent à eux-même.
Le film dure et se distingue des classiques du genre, car c'est une surenchère par à coup, plus psychologique que violente. Comme beaucoup d'autres avant lui, la violence à l'écran n'est pas gratuite. Elle ne sert qu'à son propos de vouloir la décrier mais surtout pour sa réflexion sur la moralité, l'humanité ou l'inhumanité, la déshumanisation de la société, proche de nous. Réflexion aussi sur la justice, le niveau de vengeance adéquat et sa limite. Car tout n'est qu'extrêmisme dans le film. Il présente en ce sens, une vraie descente en abymes du vengeur, presque son aliénation, causée par le petit jeu qu'il impose lui-même au diable.
Qui perd ? Qui gagne ?
9/10
Les hommes livrent leur âme, comme les femmes leur corps, par zones successives et bien défendues.