[Dunandan] Mes critiques en 2012

Modérateur: Dunandan

Killer (The) - 10/10

Messagepar Dunandan » Sam 28 Jan 2012, 22:35

The Killer

Réalisé par John Woo

Avec Chow Yun-Fat, Danny Lee, Sally Yeh

Polar/action, Chine, 1h50 - 1989

10/10


Résumé :
Comment un tueur à gages, décidé à changer de vie va, lors de son dernier "contrat", provoquer la cécité d'une jeune chanteuse. Pour trouver l'argent nécessaire à l'opération de la jeune femme, il accepte un autre contrat.


Image


Que ça fait plaisir de revoir The Killer, mon premier John Woo. Cette symphonie furieuse et jazzy de la violence, baignée d'une forte amitié entre un flic (Danny Lee) et un tueur (Chow Yun Fat) qui vivent dans la nostalgie d'un monde de principes et de justice qui n'existe plus, sur fond de rédemption et d'une petite histoire d'amour avec une aveugle.

Cet film se nourrit de tout un pan de l'histoire du cinéma, parfaitement digéré :
- Cette chorégraphie de la violence renvoie à Leone pour son esthétisation visuelle (il y a d'ailleurs un petit clin d'oeil à Il était une fois en Amérique avec le tueur jouant de l'harmonica), puis à Peckinpah et Chang Cheh pour son côté baroque et désespéré.
- Cette amitié virile entre flic et tueur fait tout de suite penser à Melville, essentiellement Le Samouraï : le look dandy du tueur ; sa présence parfois abstraite, semblant échapper au regard de son poursuivant et au monde ; sa solitude insondable ; le jazz.
- Les combats au pistolet sont comme le prolongement des Wu xia pian, films de sabre chinois, dont les chevaliers héroïques et doués de principes de justice sont remplacés par les policiers et les tueurs.
- Et enfin, il y a Tsui Hark, producteur du film, dont la seule introduction, utilisant un contre-plongé pour cadrer l'église, confirme sa influence artistique, bien que légère. Et la Love story atypique et impossible entre une chanteuse de bar et un tueur, est aussi un lieu-commun de ses films.

Le scénario est relativement mince, comme dans la plupart des films de ce réalisateur : un tueur blesse par accident une chanteuse, et va essayer de réparer son erreur, et simultanément un policier est à sa recherche. Le triangle tueur-policier-chanteuse est donc le nerf essentiel, la substance du film. Bien qu'apparemment classique, cette histoire est impeccablement mise en scène et racontée, relativement peu explicative dans l'ensemble, davantage une sorte de ballet des images, tantôt d'action furieuse et décomplexée (tout juste arrêtée par la protection de la veuve et de l'orphelin), tantôt de contemplation tournée vers la nostalgie d'un monde où l'idée de justice existait encore.

ll y a beaucoup de scènes cultes, comme d'habitude avec John Woo, et je préfère légèrement cet opus à A toute épreuve à cause de son développement dramatique, que je trouve plus fort que celui de ce dernier. En effet, je trouve que The killer va plus loin dans les thèmes de l'amitié, la rédemption, l'honneur, la justice. La fin du film résume tout ça, bien plus tragique et désespérée que son film d'après, sacrifiant les individus à l'autel de l'espoir d'un monde meilleur.

Au niveau des acteurs, Chow Yun Fat a vraiment la classe absolue dans le rôle du tueur, probablement l'un de ses meilleurs rôles avec John Woo. Danny Lee, jouant le rôle du policier (comme d'habitude), est très bon aussi. Au niveau de l'action, ça pète généreusement dans tous les sens avec de nombreuses explosions, chorégraphies spectaculaires, et impacts de balle dans les murs et dans les gens. Enfin, la BO alterne musique d'action, et chanson d'amour interprétée par l'aveugle, procurant ainsi un sentiment à la fois d'intensité et de mélancolie.

Pour terminer je vois ici et là la musique et la surdramatisation pris en défaut. Personnellement et ça n'engage que moi, j'aime bien la chanson un peu nunuche de l'aveugle, ça fait partie du charme des films chinois (il faut voir les films de Tsui Hark période 80-90 pour s'en convaincre), et c'est un peu le coeur tendre du film au milieu de cette débauche de violence. D'autre part, il s'agit d'une tragédie mise au goût du jour, qui justifie parfaitement cet emploi hyperbolique de la dramatisation (marque de Chang Cheh) : en effet, davantage que dans A toute épreuve, The Killer puise plus que jamais dans les notions d'amitié et d'honneur qui caractérisent les motivations du tueur et du policier, à l'opposé de leur milieu ou bien corrompu ou bien carriériste, les élevant ainsi tous les deux au rang d'icône cinématographique défendant ce qui a de bon dans ce monde dépravé.


Peut-être mon film préféré de John Woo, à la fois violent et tragique, beau et désespéré. Le mélange parfait d'action, d'amitié et d'histoire d'amour, sur fond de nostalgie d'un monde de principes et de justice.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Godfather » Sam 28 Jan 2012, 23:13

Immense chef d'œuvre.

Sinon, j'ai toujours eu une préférence pour Bullet in the Head face à The Killer bien que je trouve ce dernier plus maitrisé.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Sam 28 Jan 2012, 23:26

C'est pour ça que j'ai dit "peut-être". Je n'ai pas vu celui que tu as cité, ni son dernier film.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Heatmann » Sam 28 Jan 2012, 23:58

mon Woo preferer moi sans surprise c'est hard boiled 8) , mais ceci dit , meme si the killer n est pas voter number , c est pas une raison suffisante pour s arreter a 9.5 :nono:

toi t'as pas vue bullet in the head ? :shock:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Sam 28 Jan 2012, 23:59

Mon 10 est en suspens en fait. Une fois que j'aurai vu tous les J. Woo, je le poserai en toute conscience :mrgreen: ! Non j'ai pas eu cette chance de voir une balle dans la tête :oops: !
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Heatmann » Dim 29 Jan 2012, 00:00

ben si tu la en stock , tu sait ce que tu regarde maintenant , ca va il est pas trop tard :mrgreen: :super:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 29 Jan 2012, 00:38

C'est mon frère qui l'a, je vais le lui piquer :eheh: !

EDIT :
- petit rajout (dernier paragraphe) contrant les deux principaux défauts relevés dans le film.
- Bah finalement je vais lui mettre 10. En cherchant, je lui trouve aucune faille, du côté subjectif comme du côté objectif.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar angel.heart » Dim 29 Jan 2012, 00:55

C'est moi qui hallucine ou t'as d'abord mis 10, puis t'es passé à 9,5 et tu remets 10!

Dans une heure tu mets 11? :eheh:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 29 Jan 2012, 01:21

Non non t'as pas halluciné, j'hésitais beaucoup au sujet de la note (je pensais aussi à Time and Tide pour le 10 dans le genre polar HK, mais il sera peut-être à égalité), mais maintenant j'ai fait enfin mon choix :mrgreen: !
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Batman Begins - 8,5/10

Messagepar Dunandan » Dim 29 Jan 2012, 07:38

Batman Begins

Réalisé par Christopher Nolan

Avec Christian Bale, Katie Holmes, Michael Caine, Cillian Murphy, Liam Neeson, Morgan Freeman, Gary Oldman

Fantastique, USA, 2h20 - 2005

8.5/10


Résumé :
Comment un homme seul peut-il changer le monde ? Telle est la question qui hante Bruce Wayne depuis cette nuit tragique où ses parents furent abattus sous ses yeux, dans une ruelle de Gotham City. Torturé par un profond sentiment de colère et de culpabilité, le jeune héritier de cette richissime famille fuit Gotham pour un long et discret voyage à travers le monde. Le but de ses pérégrinations : sublimer sa soif de vengeance en trouvant de nouveaux moyens de lutter contre l'injustice.


Image


Un nouveau Batman

Batman Begins, comme son nom l'indique, renie entièrement l'héritage de Burton - qui voulait avant tout adapter le personnage à son univers visuel baroque tout droit sorti de Murnau -, et encore plus les deux opus puants de Joël Schumacher aux couleurs fluos, pour revenir aux origines. A l'inverse de la première monture, Nolan et ses brillants scénaristes se sont intéressés à la psychologie de Batman, à ses motivations, à la manière dont il s'est construit. Pour ce faire, ils n'ont pas fait une création ex-nihilo, mais tout en respectant l'univers de Batman (la mort des parents de Bruce Wayne, la peur primale de ce dernier des chauves-souris, et Gotham City la ville de la pègre) ils ont puisé dans toute une mythologie pour apporter du relief à ce dernier. Et je trouve qu'à chaque nouvelle projection, la richesse de cet arrière-plan révèle de nouvelles lectures disponibles.


Une approche psychologique et mythologique

La première partie traite alternativement du voyage initiatique de Bruce et de flash-backs expliquant la manière dont ce dernier en est arrivé là. A ce titre, je trouve que ce mode de narration non-linéaire est vraiment très intelligent : il nous plonge directement au sein de la personnalité de Bruce Wayne, en quête personnelle contre la criminalité, et de la maîtrise de ses peurs intérieures. Avec d'étranges ninjas qui partagent en effet de nombreuses caractéristiques avec le Batman qu'on connaît, on apprend comment Bruce va construire son personnage : devenir invisible, se battre efficacement, faire face à ses propres peurs, et retourner celle des autres contre eux-mêmes.

A l'aide d'un alter-ego encore énigmatique (le maître de ces ninjas), au fin fond de l'Himalaya, il aura à se confronter à deux idéaux opposés au sujet de la criminalité : la justice et la vengeance. Le terreau de la criminalité est subtilement traité : par exemple, le meurtre de ses parents est tout un symbole, puisque que ces derniers cherchaient à lutter contre la pauvreté et l'injustice sociale, et c'est justement à cause de l'un de ces miséreux qu'ils sont morts. Or, le combat de Bruce sera de voir clair en lui : veut-il agir pour lui-même en tuant celui qui a fait du mal à ses parents en espérant que cela soulagera sa peine, ou bien veut-il aider à changer les choses en s'attaquant à la racine du mal ?

Puis, on ne peut pas parler de Batman sans l'idée de double et du masque, qui est parallèlement développée à travers l'art du subterfuge des ninjas. Qui est-t-il vraiment ? Batman, le symbole de la justice incorruptible et objet de crainte de tous les criminels, ou bien Bruce, riche héritier playboy et ne n'agissant pas en fonction de ses idéaux ? Or, le véritable masque semble plus subtil qu'une simple enveloppe de tissu.

On pourrait regretter la présence d'un véritable ennemi - ici un ninja - à la hauteur de Batman, mais selon moi, ce défaut n'en est pas un, car Batman Begins est le temps où Batman se construit, et Dark Knight, l'épisode suivant, est celui des monstres que ce dernier a créé. Chaque épisode doit être compris dans la cohérence d'ensemble de la trilogie que Nolan a mis en place pour être apprécié à sa juste valeur.


Crédibilité d'un univers

On nous explique aussi comment Bruce est parvenu à trouver ses gadgets, en réalité rebuts de l'armée, trop chers pour être utilisés à grande échelle. Et Batman n'a pas été créé en un seul jour, mais a connu quelques échecs entraînant un perfectionnement de l'équipement.

La ville est également bien reconstituée, et pourrait ressembler à n'importe mégalopole actuelle, facilitant ainsi l'identification personnelle.

Or, le niveau mythologique ne s'applique pas qu'au personnage de Batman, mais aussi à la ville de Gotham City, sorte de Nouvelle Rome qui reflète notre société à un moment donné : misère sociale et économique de certains individus les poussant au crime, corruption de la haute strate sociale, inaction des autorités vis à vis de certains criminels intouchables, et surtout la peur d'une attaque terroriste ayant a priori des idéaux de justice (réminiscence des attaques du 9/11 ?).


Réalisation

Si au niveau de l'écriture et de la construction des personnages, Batman Begins frappe fort, la réalisation est par contre plus classique, presque impersonnelle, et n'est pas à la hauteur du sujet qu'il propose. A la fin du film, il faut se mettre à l'évidence : aucun plan en particulier ne sort du lot, mais seule compte la structure de l'ensemble. C'est réalisé de manière carrée, efficace, mais sans style reconnaissable. Même l'apparition de Batman et des combats n'a rien d'extraordinaire en soi. Par contre, la mise en scène rend le tout très acceptable, et on rentre direct dans l'histoire. Mais il faut rendre à César ce qui est César : ce n'est pas la réalisation qui rend ce film si intéressant, mais toute la mythologie sous-jacente qui renouvelle complètement la série.

Au niveau des acteurs, c'est un sans faute général, avec une palme pour Christian Bale, qui incarne le Batman le plus crédible de toute la saga. Sérieux, Michael Keaton n'a jamais été taillé pour le rôle : trop petit et assez gringalet. Les deux acteurs suivants étaient inexpressifs au possible. Par contre, le nouveau a la carrure qu'il faut, physiquement et psychologiquement. Enfin, un petit bémol pour Katie Holmes, qui ne joue pas trop mal, mais qui est somme toute assez banale.


Batman Begins fait fort, avec une narration et des personnages solides, dont la qualité de la mise en scène compense une réalisation assez banale, mais néanmoins efficace.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Heatmann » Dim 29 Jan 2012, 09:38

encore une fois dunandan, totalement d accord :super: Begins moi je l aime vraiment beaucoup .
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 29 Jan 2012, 09:54

C'est le genre de film qui s'enrichit à chaque nouvelle vision. La première fois c'était plutôt du 7-7.5/10, déçu d'abord par un petit manque d'action et un méchant pas si terrible, et puis après j'ai la compris la subtilité d'un "Begins", avec un Batman enfin armé d'une vraie psychologie.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Heatmann » Dim 29 Jan 2012, 09:58

ben pareil :mrgreen: au cine j avai bien aimer mais pas plus que ca ( ouai autour de 7 ) et plus je le revoit et plus je ressent la vison de nolan et comprend et suis sur la meme longueure d onde , ces choix deviennent plus clair et evident , et le kiff grandissent
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar comICS-soon » Dim 29 Jan 2012, 15:50

Je viens de revoir les 2 Nolan et j'ai l'impression qu'il y a plus de scènes ultra épique dans Begins, le genre qui donne des frissons :mrgreen: (même les scènes avec Fox sont ultra cool, il te sort toujours des répliques ultra calibrées, vu et revu, mais putain ça marche du tonnerre :love: ) Bon TDK c'est toujours bien au dessus (ultra ultime pour moi) mais Begins c'est quand même un petit bijou :super:
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Léon Morin, prêtre - 7,25/10

Messagepar Dunandan » Dim 29 Jan 2012, 23:09

Léon Morin prêtre

Réalisé par Jean-Pierre Melville

Avec Jean-Paul Belmondo, Emmanuelle Riva, Irene Tunc

Drame, FR/IT, 1h44 - 1961

7.25/10


Résumé :
Durant l'occupation, dans une ville de province, la jeune veuve de guerre d'un juif communiste, mère d'une fillette, défie un prêtre sur le terrain de la religion. Certaine de sa rhétorique, les réponses du prêtre la déconcertent pourtant. Peu à peu, elle perd pied. Chaque nouvelle rencontre avec ce prêtre la rapprochera de la conversion, et en tombera aussi amoureuse.


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Léon Morin, prêtre est l'adaptation cinématographique du roman éponyme. Je trouve que le film dont il se rapproche le plus dans l'oeuvre de Melville est Le silence de la mer, auquel il reprend à la fois un ton littéraire par l'intermédiaire d'une voix off quasi omniprésente qui se fait l'écho des pensées de la jeune communiste, et la période de l'occupation, réduite à l'état de rumeurs. Mais malgré ces points communs, il s'agit d'un thème tout à fait nouveau, celui de la religion.


Le christianisme filmé à hauteur d'homme

Ce qui m'a tout de suite intéressé, c'est son traitement plutôt moderne, surtout pour l'époque : le christianisme est présenté à hauteur d'homme, comme en témoigne certains passages où la frontière conventionnelle de la grille du confessionnel est abolie par le cadre, laissant libre cours à une joute théologique dénuée d'idéologie entre la communiste et le prêtre. Mais une fois la femme convertie, cette distance s'installe de nouveau, comme si cette nouvelle familiarité apparente la rendait nécessaire. Une parole du prêtre fait d'ailleurs écho à ce trouble : la foi est incommunicable, personnelle. Ainsi, l'ex-communiste se sent comme poussée dans la religion ne lui laissant plus aucun choix, et le prêtre doit réagir au désir de cette femme, mêlée de façon confuse avec sa conversion (et qui montre que bien souvent on se convertit à cause de nos semblables et non à cause de Dieu), de la manière la plus institutionnelle qui soit. Seule la fille de la jeune femme semble encore avoir une relation libre avec le christianisme, nouvelle convertie dans le sens large du terme, à savoir dans la capacité de questionner naïvement le sens de la religion.


L'occupation : seulement des rumeurs lointaines

En parallèle, l'ambiance paisible et bon enfant de l'occupation donne une vision lointaine, distancée, presque abstraite de la réalité de la guerre. On aperçoit par des plans discrets quelques détails apparemment anodins qui sont en fait le signe du danger qui n'atteint presque jamais les individus : une étoile juive, la montagne des maquis, le drapeau nazi, un entraînement militaire, ... Même les rafles des juifs sont observés par l'intermédiaire d'un miroir, reflétant parfaitement l'ignorance de la population en certaines régions. Et l'occupant est montré, comme le christianisme, à hauteur d'homme, sans jugement, rendu inoffensif. C'est seulement au moment de la libération que la tension monte paradoxalement, où le mépris s'installe entre l'occupant et l'occupé, et un américain n'est pas montré plus agréable qu'un allemand, comme si le réalisateur ne voulait pas se mettre davantage d'un côté que de l'autre.


Une réalisation sobre

La réalisation et la mise en scène sont remarquables par leur minimalisme et leur simplicité, et donc peu dynamiques. Ainsi, plusieurs scènes, essentiellement dans la seconde partie, m'ont parues un peu longuettes. Mais sont-elles justifiées ou pas ? Il me faudrait une seconde vision pour en avoir le coeur net. En tous cas, l'intelligence du fond, et la sobriété de la forme, demandent beaucoup au spectateur, et montrent un visage du christianisme et de l'occupation que je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de voir au cinéma, très loin, par exemple, des gros effets dramatiques et de la simplicité grotesque de La passion du Christ. Au niveau de l'interprétation, Jean-Paul Belmondo est étonnant dans son rôle de prêtre, et joue avec subtilité et justesse, comme son alter-ego féminin.


Un film un peu à part dans la filmographie de Melville, et qui mériterait d'être vu plusieurs fois pour être compris dans toutes ses aspérités. Un fond intelligent (le christianisme présenté à hauteur d'homme et la réalité de l'occupation noyée dans l'ignorance), mis en scène de façon (trop ?) sobre.
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