The Killer |
Réalisé par John Woo |
10/10 |
Résumé :
Cet film se nourrit de tout un pan de l'histoire du cinéma, parfaitement digéré :
- Cette chorégraphie de la violence renvoie à Leone pour son esthétisation visuelle (il y a d'ailleurs un petit clin d'oeil à Il était une fois en Amérique avec le tueur jouant de l'harmonica), puis à Peckinpah et Chang Cheh pour son côté baroque et désespéré.
- Cette amitié virile entre flic et tueur fait tout de suite penser à Melville, essentiellement Le Samouraï : le look dandy du tueur ; sa présence parfois abstraite, semblant échapper au regard de son poursuivant et au monde ; sa solitude insondable ; le jazz.
- Les combats au pistolet sont comme le prolongement des Wu xia pian, films de sabre chinois, dont les chevaliers héroïques et doués de principes de justice sont remplacés par les policiers et les tueurs.
- Et enfin, il y a Tsui Hark, producteur du film, dont la seule introduction, utilisant un contre-plongé pour cadrer l'église, confirme sa influence artistique, bien que légère. Et la Love story atypique et impossible entre une chanteuse de bar et un tueur, est aussi un lieu-commun de ses films.
Le scénario est relativement mince, comme dans la plupart des films de ce réalisateur : un tueur blesse par accident une chanteuse, et va essayer de réparer son erreur, et simultanément un policier est à sa recherche. Le triangle tueur-policier-chanteuse est donc le nerf essentiel, la substance du film. Bien qu'apparemment classique, cette histoire est impeccablement mise en scène et racontée, relativement peu explicative dans l'ensemble, davantage une sorte de ballet des images, tantôt d'action furieuse et décomplexée (tout juste arrêtée par la protection de la veuve et de l'orphelin), tantôt de contemplation tournée vers la nostalgie d'un monde où l'idée de justice existait encore.
ll y a beaucoup de scènes cultes, comme d'habitude avec John Woo, et je préfère légèrement cet opus à A toute épreuve à cause de son développement dramatique, que je trouve plus fort que celui de ce dernier. En effet, je trouve que The killer va plus loin dans les thèmes de l'amitié, la rédemption, l'honneur, la justice. La fin du film résume tout ça, bien plus tragique et désespérée que son film d'après, sacrifiant les individus à l'autel de l'espoir d'un monde meilleur.
Au niveau des acteurs, Chow Yun Fat a vraiment la classe absolue dans le rôle du tueur, probablement l'un de ses meilleurs rôles avec John Woo. Danny Lee, jouant le rôle du policier (comme d'habitude), est très bon aussi. Au niveau de l'action, ça pète généreusement dans tous les sens avec de nombreuses explosions, chorégraphies spectaculaires, et impacts de balle dans les murs et dans les gens. Enfin, la BO alterne musique d'action, et chanson d'amour interprétée par l'aveugle, procurant ainsi un sentiment à la fois d'intensité et de mélancolie.
Pour terminer je vois ici et là la musique et la surdramatisation pris en défaut. Personnellement et ça n'engage que moi, j'aime bien la chanson un peu nunuche de l'aveugle, ça fait partie du charme des films chinois (il faut voir les films de Tsui Hark période 80-90 pour s'en convaincre), et c'est un peu le coeur tendre du film au milieu de cette débauche de violence. D'autre part, il s'agit d'une tragédie mise au goût du jour, qui justifie parfaitement cet emploi hyperbolique de la dramatisation (marque de Chang Cheh) : en effet, davantage que dans A toute épreuve, The Killer puise plus que jamais dans les notions d'amitié et d'honneur qui caractérisent les motivations du tueur et du policier, à l'opposé de leur milieu ou bien corrompu ou bien carriériste, les élevant ainsi tous les deux au rang d'icône cinématographique défendant ce qui a de bon dans ce monde dépravé.