The Mission |
Réalisé par Johnnie To Avec Anthony Wong, Francis Ng, Lam Suet, Simon Yam, Eddy Ko, Roy Cheung, Jackie Lui
Polar, HK, 1h25- 1999 |
8,5/10 |
Résumé : A la suite de la tentative manquée d'assassinat d'un chef de triade local, cinq professionnels retirés du milieu sont engagés pour assurer sa protection …
Je connais peu le polar HK en général et ce n’est que ma troisième incursion, en particulier, dans la filmographie de Johnnie To après Running out of Time et Fulltime Killer. The Mission fut donc une découverte essentielle dotée d’une incontestable ambition formelle.
Johnnie To nous propose un polar efficace dont la mise en scène stylisée remplace littéralement les dialogues et le scénario réduits au strict nécessaire. Ses chorégraphies et ses effets de style sont à l’antithèse du cinéma de John Woo ou de Tsui Hark porté par la frénésie de l’action, le chaos des fusillades et la structure éclatée du scénario. Pourtant, il n’est pas faux d’utiliser le terme chorégraphie, notamment dans la scène du centre commercial, tant la synchronisation de chaque mouvement s’apparente à un véritable ballet méthodique, contrôlé, réfléchi, comme une sorte d’osmose et de mécanique harmonieuse de la défense et de la protection. En dilatant le temps, To invente une véritable dynamique de l’immobilisme et offre au public une scène d’une classe folle, aux cadrages magnifiques, tout à la fois profondément intense et pleine de sérénité. Un jeu d’espace et de temps où il est question du positionnement idéal dans le cadre.
Un scénario basique ne signifie pas des personnages sans profondeurs et bâclés, bien au contraire. En premier lieu, j’aime beaucoup la manière dont To introduit ses différents personnages dans l’histoire. L’introduction débute comme une ballade en apparence sans but dans un quartier de HK, sauf qu’aucune rencontre n’est fortuite et que tous les personnages aperçus s’imbriquent dans l’intrigue comme les pièces d’un puzzle. Le réalisateur nous plonge ensuite au cœur d’un microcosme, celui des « gardes du corps » d’un chef de triade. Dans ce groupe chacun à sa place et son rôle à jouer , nul besoin de discussions, la performance de ce groupe constitué de cinq hommes qui ne se connaissent pas ou peu, dépend de leur capacité à s’accorder et de la cohérence de leurs actions. Ainsi, la scène avec le snipper montre que le groupe n’a pas encore trouvé sa cohésion. Une légère discordance qui peut être un facteur d’échec de la mission qui lui incombe. La scène de la partie de foot avec une balle de papier ressemble à une anecdote pour illustrer le fait que ces gardes passent plus de temps à attendre qu’à agir. Elle n’est pourtant pas du tout anodine et prouve que le groupe à trouver son équilibre en se renvoyant cette boule de papier dans des angles parfaitement étudiés. Une perfection qui atteint son sommet, la veille, dans la fusillade du centre commercial. To apporte également une bonne dose d’humour et d’humanité dans la description du quotidien de ces professionnels de la protection. Un quotidien fait de fringue, de frime, de beaucoup d’attentes et de quelques moments d’action, de blagues et de jeux pour tuer le temps, de bouffes, mais aussi de choix minutieux des armes, de sens du devoir, de code de fraternité, de loyauté et de morale. D’ailleurs, lorsqu’une faute vient dérégler la mécanique bien huilée de cette fraternité qui s’est constituée sous le regard du spectateur, se pose finalement la question du devoir et du code d’honneur, mais envers qui ? La triade ou les frères d’armes ? Le chapitre de cette mission se referme sur un dernier repas entre amis et sur une dernière chorégraphie aux balles pipées.
Même si la mise en scène est essentielle et magistrale, ce sont les liens qui se tissent peu à peu entre ces cinq gardes du corps qui sont le véritable coeur du film, du coup, le capital sympathie de l’œuvre repose pour beaucoup sur l’excellente interprétation des acteurs. Anthony Wong, Francis Ng, Lam Suet, Roy Cheung et Jackie Lui incarnent chacun dans leur style respectif, la coolitude, la décontraction et dégagent une impression de maîtrise et de sang froid absolument nécessaire à l’interprétation de gardes du corps. Sur un plan plus anecdotique, j’aime beaucoup ce passage où James répète son texte pour aller plaider la cause de Shin. Il n’a jamais autant parlé de tout le film qu’à cet instant ! Un moment fort, drôle et émouvant.
Par contre la bande originale est une véritable fausse note portée par d’horripilants accords à base de synthétiseur. C’est tellement décalé par rapport au ton du film, que c’est probablement volontaire de la part de Johnnie To.
Un film à la mise en scène inventive, millimétrée et nerveuse qui n’en oubli pas pour autant la dimension humaine. A voir absolument !