Barry Lyndon de Stanley Kubrick
Barry Lyndon est définitivement l’œuvre la plus ambitieuse et aboutie de Kubrick autant narrativement que plastiquement, la froideur de son cinéma épouse parfaitement son sujet victorien détaché, noble, hautain pour narrer toute l’hypocrisie latente de l’aristocratie européenne du 18ème siècle incarné par un Barry Lyndon aussi détestable qu’attachant tour à tour naïf, courageux, opportuniste, libertin et égoïste.
Un récit ample qui traverse les genres avec une facilité déconcertante, romance, guerre, espionnage, la première moitié est une ascension, un apprentissage aussi dense que surprenant. Tout démarre avec l’amour incestueux de Barry qui amène vers un inévitable duel truqué, rituel obligatoire de l’époque dès que l’honneur d’un homme est en jeu. Barry est alors poussé à se réfugier, se fait en route dépouillé contraint à s’engager dans la guerre pour ensuite mieux la fuir sous un toit chaleureux. Le subterfuge ne dura pas longtemps, il fera ses gammes dans les hautes sphères en jouant l’agent double.
La seconde partie va ralentir le rythme pour se focaliser sur la romance, le quotidien, la tragédie familiale ou Barry prend le pouvoir révélant son vrai visage délaissant sa famille pour gâter son fils unique. En bon aristocrate, nouveau riche, Barry va chercher à tout prix à obtenir un titre officiel quitte à joyeusement dilapider la fortune de sa femme par des banquets fastueux jusqu’à l’accident, vient ensuite le deuil, la déchéance, la chute dans un duel final ou les protagonistes sont savoureusement tourné en ridicule sous tension dans une lumière christique, magistral.
Barry Lyndon est une succession de tableaux baroques révélés en travelling arrière aux choix de cadres minutieux, comme toujours chez Kubrick les acteurs sont froid, impassible éclairé à la lumière naturelle des bougies mais l’ampleur de l’histoire offre ici à Ryan O'Neal la possibilité de sortir d’un jeu intériorisé pour quelques fulgurances bourrés d’émotions. Marisa Berenson n’a pratiquement pas de dialogue à jouer mais se révèle marquante rien que par son attitude, sa présence et son fils est excellent en adulte enfant frustré. Le placement de musique est juste dantesque, Kubrick arrive à faire passer de l’émotion rien que par les notes superposés à ses images en allongeant ses séquences pour coller au plus près à la partition de Shubert utilisé comme thème central du film, du grand art.
En défaut mineur on pourra noter une voix off omniprésente utile au départ mais qui par la suite va surligner ce qu’il se passe à l’écran voir annihiler des surprises à venir, peut être que certains passages aurait pu être resserré mais c’est également ce qui fait tout le charme de cette énorme fresque historique, l’œuvre de la maturité d’un cinéaste qui prend son temps pour peaufiner le moindre détail. Lorsque le générique défile, que tous les personnages sont à nouveau égaux, on se prend à rêver du projet avorter sur Napoléon qu'il l'a finalement mené vers ce Barry Lyndon.
9.5/10