Le syndicat du crime 2
9/10Suite directe de la série des Better Tomorrow, ce second volet assoit un peu plus le style très visuel de John Woo. Là ou le premier se permettait de mettre en avant des personnages hauts en couleurs au détriment de l'action, celui-ci se révèle nettement plus basique (quoique...) dans son approche, accentuant l'aspect dantesque des gunfights. Et malgré de lourds handicaps, le film s'est forgé une réputation d'actionner démentiel loin d'etre usurpée.
Reprenant les memes personnages, le film va creuser un peu plus la relation entre Kit et Ho. L'idée est fortement louable d'autant que Ti Lung avait marqué les esprits dans le premier épisode avec une prestation d'une sensibilité édifiante. Au lieu de se focaliser sur cette relation entre frères (véritable écho à celle entre Mark et Ho), John Woo va multiplier les gadins avec une sombre histoire secondaire jalonnée d'incohérences et de personnages complètement à coté de la plaque. Il est incontestable que Chow Yun Fat est l'attraction du Syndicat du crime et comment le faire revenir après le final du premier? John Woo trouve une pirouette scénaristique complètement foiré en nous révélant l'existence d'un frère jumeau qu'évidemment personne ne connait. Le raccourci est plutot dur à avaler mais il est surtout l'occasion de retrouver un acteur toujours aussi charismatique jouant encore plus avec son image de gros dur déconneur. Ses poses sont toujours autant étudiées et on sent que CYF aime vraiment son personnage. Passé le n'importe quoi de l'existence de Ken, le film se déroule correctement. Le milieu reste toujours aussi bien décrit, les ralentis maitrisés, cette fois ci, sont d'une classe folle et l'attachement aux personnages reste intact. A un détail près nommé... Dean Sheck. Alors celui-ci, comment dire? Il rentre direct dans le panthéon des pires buses du cinéma. Sa demi heure ou il devient gogol est d'une connerie abyssale (à marquer d'une pierre blanche!) flinguant au passage tous les effets dramatiques du maitre. Et ce ne sont pas les efforts d'un CYF conscient de la betise du personnage qui arriveront à remonter l'interet de cette piètre partie. Commence alors un long calvaire (putain qu'il joue mal!) jusqu'à la délivrance de la séquence de l'hotel au gunfight somptueux. La science du cadre, du placement de la caméra est là, le tout magnifié par un montage du plus bel effet. La tension de la scène fait immédiatement penser au meilleur de Peckinpah et ferait meme écho à la maestria visuelle du final de Wild Bunch. Conscient (ou pas) que son film s'est perdu un peu en route, John Woo décide de rameuter les troupes en rassemblant les deux segments, annonçant la vengeance finale. Dans le plus pur esprit Melvillien du gangster classieux, Woo ramène sur le meme pied d'égalité Kit, Ho Ken et l'autre cul.
Et puis tout d'un coup, le temps s'arrete. L'espace d'un gros quart d'heure, le film rentre dans une autre dimension celle ou l'on magnifie l'action, ou la violence devient belle dans un ballet orchestré de main de maitre. John woo lance à la figure du spectateur un monumental pavé d'action que l'on ne reverra peut etre jamais. Les morts s'accumulent, le sang gicle de partout et l'on mélange tout (balles, fusils et meme le sabre!) dans un chaos maitrisé. John Woo se permet meme de raviver la flamme Shaw Brothers de Ti lung en lui permettant de manier le sabre au beau milieu d'un gunfIght de fous furieux. Couillu, dément et hyper bien géré de la part du réalisateur hong kongais! Et que dire du duel à mort entre Ken et l'homme de main? Putain la séquence ou les deux se tirent dessus confine au génie. C'est le genre de duel qui donne envie de participer aux empoignades tant le climax de furieux prend aux tripes. Et comme si la réalisation ne suffisait pas, Woo transcende ses personnages leur offrant à chacun des postures iconiques à mort. Que dire de CYF qui enfile l'imper troué de Mark au ralenti (j'en ai la chair de poule rien que de l'imaginer à nouveau), Ti lung qui éventre au ralenti avec son sabre un mec (le sang gicle partout raaaah!) et meme Dean Sheck troué de balles se révèle finalement à sa place en ange de la mort. Ce gunfight est peut etre le plus beau de l'ère asiatique de John Woo et certainement le plus maitrisé et le plus dantesque de l'histoire du cinéma. Je met au défi de trouver un climax d'action aussi magnétique, aussi bien réalisé et aussi spectaculaire dans le giron de l'action contemporaine. Vous trouverez certainement mieux pyrotechniquement parlant mais jamais aussi démentiel. Je crois que c'est l'adjectif qui vient le plus à l'esprit. La démence du résultat se permettant un bodycount incroyablement énorme mais aussi un mélange des genres foutrement bien géré. Car faire coexister le western, le combat de sabre dans un polar tout en revoyant aux fraises 90% du cinéma d'action mondial, ça relève du génie.
Malgré des écueils de taille( Ken et le nullissime Dean Sheck), le film se permet de vraies plages de drame familial tel que le mort de Kit ou l'on retrouve le souffle tragique du premier volet. Ce genre de séquence permet d'oublier les erreurs du film et l'on se dit que le talent de Woo est quand meme gigantesque. Car meme au commande d'un produit calibré, blindé d'incohérences, il trouve le moyen d'en faire un bijou ou l'on oubliera volontiers les erremernts de casting et d'histoire. Entre noirceur (beaucoup de personnages clés meurt), tragédie et spectacle foudroyant, ce second opus s'impose comme l'un des films d'action ultime. Et encore une fois, on peut pester contre le personnage Ken mais il n'est simplement que le fantome de Mark et surtout la volonté de faire plaisir au public en rameutant le charismatique CYF. Si l'on sacrifiait le film sur l'autel du plausible, que resterait il? On ne peut donc pas blamer Woo de faire plaisir tout en réalisant une pirouette un peu conne. Le gros soucis, c'est bien sur l'histoire parallèle qui ne sert finalement pas à grand chose si ce n'est nous infliger le manque de talent flagrant d'un Dean Sheck en perdition. Voulant trop verser dans le tragique, Woo se perd complètement. Son truc c'est la célébration de l'amitié, la fraternité dans l'adversité et non les roles pathos de composition ou un mec devient taré. Si l'on excepte, malgré tout, cette demi heure plombant le film, il reste 2/3 absolument hallucinant et sublime. C'est pour cette raison que je ne peut pas conspuer ce film. Il faudrait etre de toutes façons complètement cinglé pour renier un tel monstre d'action. Le film délivre tellement de savoir faire de tension et de talent qu'on peut lui pardonner son erreur monumentale de casting.
Le syndicat du crime 2 est clairement une date dans l'histoire, l'acte de naissance d'un monstre sacré de l'action, l'homme qui au meme titre que John Mc Tiernan a redéfini à jamais les codes du cinéma d'action.