The Girl With The Dragon Tattoo (Millenium : Les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes) de David Fincher
(2011)
Débutant par un générique saisissant, d'une violence visuelle et auditive impressionnante tout en synthétisant les thèmes chers à David Fincher (notamment le rapport entre l'homme et l'évolution de la technologie) en l'espace de quelques minutes,
The Girl With The Dragon Tattoo happe le spectateur dès les premières secondes pour ne plus le laisser partir. Que l'on soit un habitué ou non du best-seller nordique, amateur des téléfilms suédois, la version Fincher du phénomène Millenium ne laissera personne insensible, et si certains pourront toujours être rebuté par le script somme toute classique (aucune véritable originalité hormis le contexte géographique) ils ne pourront que se plier devant la maîtrise exceptionnelle dont fait preuve le réalisateur de
Se7en, qui signe là clairement l'un de ses meilleurs films, faisant dépasser à son projet le simple statut d'énième remake américain sur lequel la majorité des spectateurs crachent dessus sans même l'avoir vu. N'ayant ni lu les livres ni vu la série de trois téléfilms d'origine suédoise, je ne me pencherais pas sur le jeu de la comparaison, le film de David Fincher a été une véritable surprise, tant au niveau du scénario dont je ne savais strictement rien qu'au niveau de l'ambiance qui se révèle être à la hauteur de la façon dont le film a été vendu aux États-Unis, à savoir comme le feel-bad movie de l'année 2011. Car oui,
The Girl With The Dragon Tattoo est véritablement un film qui laisse une empreinte sur son spectateur, si le générique déjà cité est clairement l'une des séquences les plus impressionnantes de ces dernières années (la surprise jouant beaucoup), le reste du film ne fait jamais baisser cette tension morbide qui enveloppe finalement la totalité du métrage et que Fincher, par malin plaisir, rappelle de plusieurs façons différentes, que ce soit par des scènes chocs ou via des petits détails comme le bruit du vent par une fenêtre ouverte qui rappellera le cri d'une femme que l'on torture à mort.
Le script du film, malgré son classicisme évident (aussi bien sur la construction que sur certaines révélations) est toutefois d'une efficacité exemplaire, chaque découverte de l'enquête étant ressentie comme un véritable pas en avant vers un futur indéterminé. Quand à la trame scénaristique qui dure au moins une bonne moitié du film, elle jouit d'un travail de montage excellent, avec de nombreux raccords son et image qui rappellent à chaque séquence le perfectionnisme étonnant de David Fincher. Quand à la mise en scène elle-même, le réalisateur de
Se7en signe véritablement là l'un de ses plus beaux travaux de réalisation pure, si ce n'est son meilleur. Si la photographie du film aura tendance à rappeler l'imagerie de
Social Network et
Zodiac (voire même
Benjamin Button à certain moments, notamment les scènes se déroulant dans les années 60), l'ambiance cite clairement le chef-d’œuvre de Fincher, où l'on retrouve cette même tension morbide qui laisse penser que n'importe quoi peut se dérouler à tout moment (la séquence de montage alterné avant le climax final est ici le plus bel exemple à citer). Via des travellings magnifiques de fluidité et un jeu de lumière stupéfiant,
The Girl With The Dragon Tattoo est un film d'une beauté plastique indéniable, ne tombant jamais dans la facilité tape à l’œil grâce à un montage qui ne relâche jamais sa rapidité impressionnante (en témoigne quelques plans numériques comme ce ralenti sur le crash d'une voiture qui dure à peine une seconde), ce qui est ici clairement une grande qualité puisqu'il dynamise véritablement le récit qui pourrait tomber facilement dans une torpeur lancinante. Mais le film jouit aussi d'une puissance sonore impressionnante, Trent Reznor, compositeur de la bande-sonore de
Social Network mais aussi de l'étonnant générique de Se7en, prouve définitivement à quel point il pourrait être le double sonore de David Fincher, tant sa composition renforce le caractère malsain du métrage. Il est étonnant de constater par ailleurs à quel point le travail de Reznor se rapproche énormément de celui effectué par Thomas Bangalter sur
Irréversible, les deux bande-son utilisant chacune des notes bien spécifiques pour interagir directement avec les sensations du spectateur.
Enfin, le casting apporte la touche finale et confirme une énième fois le fabuleux talent de direction d'acteurs de la part de Fincher. Rarement Daniel Craig n'aura été aussi bon, prouvant une nouvelle fois le grand acteur qu'il est capable d'être, les seconds rôles sont tous très bien tenus, Stellan Skarsgard et Christopher Plummer en tête (ce dernier a par ailleurs droit à une très belle scène). Mais si il n'y avait qu'un seul comédien à retenir du film, ce serait bien entendu l'étonnante Rooney Mara, déjà visible dans
Social Network, qui fait clairement ici un bond de géant, passant en l'espace de quelques minutes dans la cour des grands. Si le rôle aide clairement (Lisbeth est de loin l'un des personnages féminins les plus étonnants qu'il m'ait été donné de voir à l'écran), ce serait un crime de ne pas voir le puissant travail d'interprétation derrière une psychologie forcément difficile à cerner. A la fois émouvante, décalée et terrifiante, Rooney Mara a véritablement de grandes chances de faire oublier Noomi Rapace qui jouait le même rôle dans l'adaptation suédoise. Elle est non seulement l'attraction principale du film (devenant finalement le véritable héros de l'histoire, les titres des films faisant automatiquement référence à ce personnage) mais possède de plus les meilleures scènes du film, Fincher la magnifiant à chaque plan et notamment dans une scène finale qui en brusquera plus d'un, une séquence très touchante qui prouve définitivement la grande qualité du dernier film de David Fincher. Si
The Girl With The Dragon Tattoo en rebutera plus d'un par son apparence, difficile de lui trouver un quelconque véritable défaut. Peut-être l'un des meilleurs films de l'année en cours qui donne véritablement envie de voir un jour les suites de la main de Fincher, croisons les doigts.
NOTE : 8/10