[Dunandan] Mes critiques en 2012

Modérateur: Dunandan

Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Ven 06 Jan 2012, 11:07

Je ne sais pas si c'est original comme approche au niveau de la réalisation, mais en tous cas je trouve cette analyse des images éclairante, qui montre comme un défaut de connaissances historiques peut être compensé par un regard exercé aux détails.
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HaraKiri - 10/10

Messagepar Dunandan » Sam 07 Jan 2012, 03:10

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :



HaraKiri

Réalisé par Masaki Kobayashi

Avec Tatsuya Nakadai, Rentaro Mikuni, Shima Iwashita, Akira Ishihama

Chambara, Japon, 2h15 - 1962

10/10


Résumé :
Au XVIIe siècle, le Japon n'est plus en guerre et le pays est dirigé avec fermeté. Hanshirô Tsugumo, un rônin (samouraï errant) sans travail parmi tant d'autres, décide de frapper à la porte du puissant clan des Ii. Reçu par Kageyu Saitô, l'intendant du clan, il lui demande la permission d'accomplir le suicide par harakiri dans la résidence. Tentant de l'en dissuader, Saitô commence alors à lui raconter l'histoire de Motome Chijiwa, un ancien rônin qui souhaitait accomplir, lui aussi, le même rituel.


Image


Parfait équilibre entre simplicité et dévoilement des faux-semblants

Le film débute par cette fameuse première scène, montrant une statue qui représente l'esprit ancestral du samouraï. Puis ensuite, on a droit à une autre séquence, que l'on retrouve aussi dans 13 Tueurs (réalisé la même année), illustrant la petitesse de l'individu face à l'énorme bâtiment du clan, portant des siècles et des siècles d'institutions inchangées (d'autant plus que Kobayashi a placé résolument son film vers 1650, lorsque la féodalité était au summum de sa puissance, tandis que la plupart des autres films historiques se situent plutôt autour de 1850, période de transition entre deux époques, pouvant produire un sentiment de nostalgie du passé). Tel est le thème très simple qui traverse entièrement le film : le dialogue apparemment sans importance d'un individu sans possessions avec l'autorité d'un clan puissant, qui doit se terminer en principe par un Harakiri.

Et en effet, ce qui émane immédiatement de ce film, c'est cette simplicité et cette économie du récit qui ne perd jamais son sujet de vue (j'avoue que c'est la première fois que je ne me suis pas ennuyé une seule seconde dans un chambara, malgré la lenteur typique au genre), centré autour de la personne et du récit d'un rônin (Tsugomo) qui apparemment veut se donner la mort selon les rites du samouraï, à cause des conditions de vie devenues très dures pour des personnes de son rang : le Shôgun démantèle peu à peu les clans, et en temps de paix, il est devenu impossible pour les rônins de gagner décemment leur vie. Ces conditions sont d'autant plus difficiles qu'il est interdit à ces personnes, selon le code d'honneur du samouraï, de quémander de l'argent à autrui.

La structure de la narration est ternaire, reflétant trois états de vérité : la vérité, la contre-vérité, puis le jugement critique.
- L'histoire que raconte le maître des lieux au rônin, visant à décourager ce dernier de se donner la mort (dans le code d'honneur, un samouraï peut agir ainsi pour éviter le déshonneur, dont la mendicité fait partie). Elle porte sur un autre rônin apparemment poussé par les mêmes raisons que Tsugomo à accomplir un acte identique. Le pauvre homme, après des hésitations que l'on ne peut encore comprendre à ce stade du récit, réalise finalement le Harakiri. Mais il le fait dans des conditions horribles, puisque certainement à cause de sa pauvreté, il a échangé son ancien sabre par un faux en bois, qu'il doit utiliser nécessairement pour la cérémonie pour respecter le code. Cette scène m'a parue tellement réaliste que j'en avais des frissons. Jusque là, on est saisi par la rigueur et la justesse de la cérémonie, se déroulant conformément à la tradition.
- Ensuite, Tsugomo raconte sa propre histoire, qui ne tarde pas à rejoindre celle qui était racontée par le chef de clan, et propose une contre-vérité : cet homme était en fait son beau-fils, qui avait agit ainsi, car il avait entendu que certains rônins avaient menacé des clans de se faire harakiri s'ils ne leur donnaient pas un peu d'argent : le respect du code est donc pour lui une manière de le détourner, et de sauver sa famille.
- Enfin, il s'agit du cadre dans lequel l'histoire est racontée, et où les deux récits se rencontrent. Ainsi, la grande force de la narration est la manière dont celle-ci fait tomber les apparences, dont la réunion des deux récits forme un jugement critique a posteriori : la vérité du récit donné par le chef de clan, contredite par la véritable raison de la présence de Tsugamoto, nous amène à conclure à l'hypocrisie de l'application du code d'honneur des samouraïs, dont la rigidité formelle rentre en contradiction totale avec les circonstances (on pourrait s'amuser à comparer cela avec l'impératif catégorique kantien) et les sentiments individuels de chacun.

L'outil principal du récit, les flashbacks, est vraiment bien utilisé : il y a une réelle fluidité entre l'histoire actuelle présentant un Tsugomo déjà mort en lui-même (la seule chose à laquelle il tenait, sa famille, n'est plus), et l'histoire racontée qui montre un passé toujours rempli de vie, triste ou joyeuse, malgré l'absence de travail et la maladie. L'une des morales que j'ai retenue est la suivante : bien qu'arrivé au plus bas niveau social et économique, ce rônin était sincère dans ses choix, à l'écoute de ses sentiments, libre de toute contrainte. Mais le vrai malheur est arrivé à deux moments décisifs de sa vie, domaines extérieurs sur lesquels il ne pouvait avoir de contrôle (ou si peu) : le shôgun - machine gouvernementale absurde et égoïste - qui l'a privé de travail et de la possibilité pour lui de s'occuper décemment de sa famille, et le respect aveugle du code du samouraï - tradition ancestrale niant les élans vitaux - qui l'a privé d'un d'être cher.

Tatsuya Nakadai, un acteur très complet

L'une des très grandes qualités du film, est l'interprétation de Tatsuya Nakadai, qui m'avait déjà épaté dans le rôle du rônin fou du Sabre du mal, et parvient à faire encore mieux : tour à tour effacé et vidé de tout espoir (déjà mort intérieurement) ou jetant des regards fiévreux et accusateurs lorsqu'il raconte son histoire, pauvre mais heureux quand du récit on passe aux flash-backs, poignant quand le malheur arrive, s'exprimant par pointes d'ironie lorsqu'il s'adresse au chef du clan (et laissant deviner ses intentions réelles), et enfin faisant usage d'une violence tantôt contrôlée, tantôt anarchique pendant les combats. C'est vraiment un délice de suivre chez un acteur un jeu aussi contrasté et maîtrisé. Et dans un film basé sur l'art du récit, on avait besoin d'une voix capable de le soutenir, et là on est vraiment comblé. Quel charisme !

Une réalisation à la fois simple et superbe

La réalisation est comme le récit, simple, épurée, et magnifiée en même temps par sa mise en scène qui va droit à l'essentiel : on passe allègrement de la rigidité des codes dans le palais du clan, à des images plus humanistes lorsqu'ont voit la famille de Tsugomo unie malgré les épreuves, puis à la misère qui accable cette dernière, et enfin à des combats peu nombreux, mais absolument sublimes :
- Le duel se déroulant en haut d'une colline, qui est pour moi tout simplement le plus beau que j'ai pu voir dans un chambara, à la fois relativement long (alors que souvent les duels durent quelques secondes), stratégique (on a affaire à beaucoup de passes diversifiées), parfaitement interprété par les deux combattants (leurs poses sont l'expression du parfait équilibre entre chorégraphie et codification du maniement du sabre), et doté d'une ambiance (herbes flottantes dans l'air, brouillard, demi-obscurité) et d'un cadrage à tomber.
- Le combat final qui, de manière assez classique, oppose un combattant à cent autres, rivalise largement avec les Baby Cart de Misumi (pour donner un exemple de référence). Bien qu'on sache d'avance que Tsugomo est coincé, on souhaite qu'il emporte avec lui le plus de têtes possibles de ce clan qui fait appliquer le code du samouraï seulement quand ça l'arrange : pour empêcher les rônins de faire la manche car cela fait déshonneur à toute la classe du samouraï (qui renvoie également à l'absurdité du pouvoir politique qui prend des décisions mettant ses sujets sur la paille), ou bien pour se protéger derrière leur devoir au lieu de faire des choix personnels et humains.

On peut maquiller les faits, mais pas sa vérité intérieure

Pendant les dernières séquences, le clan fait tout pour ne pas perdre la face (un simple rônin osant lui affirmer qu'il a agit à tort). Au niveau de la mise en scène, celles-là font référence dans le thème de la vérité maquillée. Alors que Tsugomo a énoncé sa vérité, mettant à nu la supercherie du clan et son hypocrisie, en terminant son acte de rébellion en mettant au sol la statue de l'ancêtre (en ce sens, symbole du renversement des valeurs), le clan nettoie tranquillement les lieux après le terrible massacre, les lavant des traces du combat, derniers signes qu'une vérité s'y est exprimée. Mais même si le clan a le pouvoir de nettoyer les preuves matérielles, on peut sentir qu'il a été ébranlé en son être intérieur : le combat désespéré de Tsugomo a donc véritablement atteint son but, idéalement, dans la chair, même si l'histoire officielle n'en gardera aucune marque.


Davantage que les qualités (dont je retiens surtout l'art du récit) de fond et de forme évidentes de ce film, sa plus grande force est selon moi sa simplicité, malgré la richesse de son sujet, qui ainsi s'adresse autant aux néophytes qu'aux connaisseurs. Un formidable pamphlet contre l'utilisation absurde et hypocrite du pouvoir politique et des conventions écrasant les élans vitaux des individus.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Sam 07 Jan 2012, 07:53

Han c'est Mussolini le maillon faible sur ce film, cte honte.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Alegas » Sam 07 Jan 2012, 12:39

Hâte qu'il sorte en BR celui là. :bluespit:
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."

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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Waylander » Sam 07 Jan 2012, 13:17

Qu'est-ce que je me suis fais chier devant ce film.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Sam 07 Jan 2012, 16:39

Tu ne t'es pas encore accoutumé au rythme du cinéma japonais (des années 60), car là tu as affaire au summum du genre !
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Goyokin - 9,5/10

Messagepar Dunandan » Dim 08 Jan 2012, 06:06


Depuis le Sabre de la bête, Hideo Gosha nous ressert sa thématique de l'or qui fait ressortir le mauvais des êtres humains. Mais loin de faire du réchauffé avec Goyokin, il sublime tout simplement tout ce qu'il a fait auparavant grâce à une réalisation où brille une idée toutes les deux minutes. L'intrigue, sur le papier, est d'un classicisme confondant : Magobei, un samouraï devenu ronin, est en route vers son ancien clan pour faire éclater la vérité et la justice à la force de son sabre, croisant des individus bien souvent concernés par son terrible passé. C'est peut-être la manière dont tous ces éléments sont agencés (cette femme qui attend le retour de son époux avec une patience éternelle, et les deux frères d'armes qui doivent inéluctablement s'affronter car l'un est loyal à son ordre et l'autre à ses principes, on dirait de la tragédie grecque) qui rend l'ensemble si passionnant à suivre.

Mais surtout, comme je l'ai souligné, on est rarement allé si loin en termes d'inventivité et d'expérimentation dans le genre. Que ce soit l'intro aux relents horrifiques qui contraste lourdement avec la procession de la mariée, l'entrée en scène de Magobei (incarné par un Tatsuya Nakadai démentiel) qui ressemble à s'y méprendre à du western spaghetti, les quatre éléments convoqués durant sa mission comme si l'univers entier était tenu en suspens, ou enfin ce fantastique duel final dans la neige avec à l'arrière-plan ces joueurs de tambours portant des masques de démon, c'est bien simple, Gosha ne cesse de nous surprendre en concoctant des compositions ou des ambiances qui n'ont apparemment rien en commun les unes avec les autres, sinon pour insister sur la dimension surréaliste qui entoure la trajectoire de Megobei, comme mort de l'intérieur (d'ailleurs à deux doigts d'abandonner ce qu'il le rattachait encore à sa condition en vendant son sabre), qui finira malgré lui par reconquérir son humanité (en passant d'abord par le regain de ses sensations via cette scène géniale où il doit réchauffer ses mains pour utiliser son sabre) en sauvant ces pauvres pécheurs du sort qu'on leur réserve de nouveau.

Si on ajoute à cela des affrontements superbement chorégraphiés et pensés (les gestes des personnages sont d'ailleurs souvent lourds de sens sans qu'ils aient à prononcer un mot) et l'inoubliable musique de Masaru Sato qui permet aux images de redoubler d'intensité et/ou d'émotion, Goyokin m'apparaît aisément comme le summum du chambara crépusculaire. Un film qui est non seulement d'une inventivité folle et constante par rapport à la forme, et ce, sans perdre en cohérence, mais aussi d'une beauté déchirante (ce dénouement avec Magobei délaissant son sabre une fois sa mission accomplie, et qui semble progresser vers le néant, sa femme lui courant après comme une dératée, c'est juste puissant).

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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Dim 08 Jan 2012, 07:39

Alegas définitivement le Zack des vieux films :mrgreen:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 08 Jan 2012, 07:44

Sérieux, j'ai pas compris comment on peut rater un tel film :mrgreen: , avec Harakiri (que j'avais vu pour la première fois) c'est définitivement l'une des meilleurs façons de pénétrer dans le genre !
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Dim 08 Jan 2012, 07:59

Pas pour rien qu'il fait parti de la next gen ce petit Alegas.
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Ile de la Bête (L') - 6,5/10

Messagepar Dunandan » Lun 09 Jan 2012, 06:09

L'île de la bête

Réalisé par Chu Yuan

Avec Ti Lung,Derek Yee Tung Sing, Goo Goon Chung, Anthony Lau Wing, Norman Chu

Arts-martiaux, Chine, 1h42 - 1978

6.5/10


Résumé :
Un combat sans merci oppose un épéiste à un maître des arts martiaux (Chu Lui-hsiang). Le premier, dont la compagne est souffrante, doit tuer le second pour obtenir un remède qui la sauverait. Un jour, le maître pousse l'épéiste sur le chemin dudit remède. Débute alors un long périple vers l'île de la Chauve-Souris que l'épéiste effectuera avec des compagnons hors-du-commun.

Image


Après Le Complot des clans, le justicier Chu Liu-hsiang reprend du service dans de nouvelles aventures. Engagé pour trouver un remède sur l'île de la bête, son enquête prend rapidement des dimensions plus grandes qu'il avait prévues, et fait la rencontre d'autres personnages pittoresques, eux-mêmes à la recherche de quelque chose sur l'île, comme un parent ou une cible humaine. Parmi eux, on retrouve "Point Rouge", plus en retrait qu'avant, et d'autres personnages malheureusement assez effacés, et dont les attributs sont plus intéressants que leur personnalité ou leur technique (le muet, le champion de l'empereur, ...).

Ensuite, on rentre encore plus clairement dans un environnement fantastique qui a des airs de ressemblance avec celui de Indiana Jones et le Temple maudit, avec de nouveaux faux-semblants, et des combats plus ou moins intéressants. Malheureusement, j'ai trouvé que les combats sont trop identiques au précédent film, mais heureusement le dernier remonte un peu le niveau avec une pointe d'originalité, grâce à la particularité de l'adversaire, un aveugle, qui affronte les autres dans l'obscurité, et qui sera feinté grâce à une ampoule qu'on lui pose au-dessus de la tête.

Puis, il y a plus d'aventures que dans Le complot des clans, parsemée de pièges mortels, dont la naïveté du déroulement m'a fait penser à du Star Wars, avec pour point d'orgue une série de sacrifices humains au nom de l'amitié. Il y a quelques scènes que j'ai trouvé sympathiques, comme par exemple lorsque le justicier est mis à l'épreuve par une technique pouvant lui coûter la vie, et grâce à son observation, parvient à la déjouer, ou quand une experte en arts-martiaux se fait attaquer par des femmes nues.

Côté décors, c'est un peu moins réjouissant : ce n'est pas toujours très beau, et ça fait très kitsch et carton-pâte dans l'ensemble (malgré quelques cadres plus inspirés), surtout la caverne de l'île de la bête, le lieu principal du film. Et une autre scène, celle du bateau en train de couler, est vraiment ridicule : on passe clairement d'une maquette tombant en miettes à un décor de studio aspergé de tuyaux d'arrosage !


Malgré des combats et des décors moins beaux ou intéressants que dans Le complot des clans, on passe plutôt un bon moment dans l'ensemble. Et un SB qui insiste sur l'aventure plutôt que sur l'action, c'est assez rare et plaisant pour être signalé.
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Discours d'un Roi (Le) - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Mar 10 Jan 2012, 04:36

Le discours d'un roi

Réalisé par Tom Hooper

Avec Colin Firth, Helena Bonham Carter, Derek Jacobi

Biopic, GB, 1h58 - 2011

7.5/10


Résumé :
D’après l’histoire vraie et méconnue du père de l’actuelle Reine Elisabeth, qui va devenir, contraint et forcé, le Roi George VI, suite à l’abdication de son frère Edouard VIII. D’apparence fragile, incapable de s’exprimer en public, considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI tentera de surmonter son handicap grâce au soutien indéfectible de sa femme et d’affronter ses peurs avec l’aide d’un thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles. Il devra vaincre son bégaiement pour assumer pleinement son rôle, et faire de son empire le premier rempart contre l’Allemagne nazie.

Image

Basé sur une histoire vraie, Le discours du roi est d'abord une conséquence des effets du progrès technique : précédemment, un chef de gouvernement pouvait se contenter de se montrer à la fenêtre, avec distance et solennité, mais à présent, il doit s'afficher de manière plus privée et incarnée, dont la voix est le substrat principal. Les difficultés d'élocution de George VI traitent d'un thème essentiel : les "petits" hommes qui dans l'ombre, aident les "grands". A travers une relation de plus en plus "égale", sont abordés de nombreux sujets transversaux à la royauté, dont le bégaiement est un symptôme, qui peuvent se résumer à la crainte de n'être que l'ombre de ses semblables (le frère, le père, les ancêtres). Pratiquement tout le film est centré sur la relation entre ce thérapeute moderne et le monarque, qui arrive même à arracher à ce dernier des gros mots - ce point est historiquement faux, mais ça montre symboliquement qu'en étant moins solennel et plus humain, le Roi peut atteindre la proximité dont il manque pour "toucher" ses sujets - pour se lâcher et devenir ce qu'il doit être. Ce qui est intéressant, c'est la double dimension personnelle - publicité qui traverse le film : à l'arrière-plan, les rumeurs de la guerre grondent, mais n'envahissent jamais complètement le premier plan, à l'image des faits historiques qui montrent un monde pris par surprise par l'engagement de l'Allemagne dans une compagne de conquêtes. A la fin du film, on est suspendu aux lèvres du Roi, qui doit prononcer le fameux discours (accompagné par la fameuse 7ème symphonie de Beethoven) qui doit concurrencer celui de haine prononcé par Hitler : à la tête d'un gouvernement, et aux prémisses de la guerre, cela nous rappelle que rien n'est plus important que la qualité performative d'une voix qui doit porter un pays vers la résistance puis la victoire, ou au contraire le plonger dans le doute et la défaite.

La réalisation est généralement académique (tout en s'autorisant une véritable identité visuelle), mais je trouve que ça convient parfaitement au genre du biopic historique. Colin Firth est parfait dans son rôle et mérite les éloges à son égard, et il n'y a pas de fausses notes non plus concernant les seconds rôles, tous excellents, et contribuent grandement à la crédibilité historique du film. On aurait bien aimé que d'autres thèmes soient traités sur cette période marquant un véritable tournant dans l'histoire, mais en même temps il est certainement préférable que Le discours du roi se restreigne à son sujet pour ne pas se perdre dans plusieurs directions.


Dans l'ensemble, Le discours du roi remplit bien son contrat malgré une réalisation un peu trop académique (n'empêchant pas une véritable identité visuelle), et se restreint intelligemment à son sujet, jonglant entre portée individuelle et collective.
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Auteur: Alegas

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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Moviewar » Mar 10 Jan 2012, 09:11

:super: Faudrait que je motive à reprendre ma critique qui est dans les tiroirs pour ce film ! Pour moi gros coup de cœur de l'année dernière !

Belle critique :wink:
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Silence de la mer (Le) (1947) - 6/10

Messagepar Dunandan » Mer 11 Jan 2012, 05:29

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Le silence de la mer, Jean-Pierre Melville (1947)

Deuxième film de Jean-Pierre Melville, c'est aussi le premier de lui que je regarde, et donc j'ai une perception toute vierge de ce réalisateur français incontournable. Adaptation littéraire du roman éponyme, les trois quarts du film sont structurés comme un huis clos, dont le silence, reflétant à la fois le malaise et la réaction (pouvant être diversement comprise comme une résistance et une résignation forcée) de ces deux français face à leur seul occupant allemand, évidement mis en abîme du peuple français durant l'occupation de la deuxième guerre mondiale. Un silence interrompu par les réflexions intérieures du vieux monsieur (présentées par une voix off très présente), le monologue de l'officier allemand allant dans le sens d'une amitié franco-allemande, et l'incessant tic-tac de l'horloge qui renforce l'immobilisme des situations.

Ce face-à-face indirect très littéraire préfigure déjà le style de la Nouvelle Vague, et suscite à la fois l'intérêt et l'ennui. La caméra capte les habitudes quotidiennes et les regards qui ne se croisent jamais, ainsi que le silence quasi total qui s'exprime à l'écran. Cette monotonie permet de mettre en valeur les petits changements, comme les gestes ou les regards qui recommencent à devenir actifs, d'abord lorsque l'allemand part à Paris pendant 2 semaines, puis surtout lorsqu'il leur dit adieu en leur partageant la raison de son départ, à savoir qu'il comprend enfin son véritable rôle à son insu (destruction de la culture et de l'âme françaises ; solution finale). Son point de vue sur la réalité de la guerre change alors, et ainsi, celui des deux français également : après un calme extrêmement plat, le visage de la nièce s'illumine soudainement, mis en valeur par de sublimes gros plans sur son regard qui enfin s'ouvre à l'allemand, qui n'avait droit jusqu'à lors qu'à sa nuque recroquevillée. Son oncle également, sans un mot, lui fait signifier qu'ils se comprennent enfin, par des gestes qui en disent plus long que des discours.

Bref, Melville signe un film sur la guerre à la fois fort et atypique, malgré l'ennui s'installant de temps à temps à cause du style littéraire et d'une forme certes intéressante dans le principe mais sacrément statique.

Note : 6/10
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Hitokiri - 9/10

Messagepar Dunandan » Jeu 12 Jan 2012, 02:13


Avec ce second visionnage, je trouve toujours fou que Hideo Gosha enchaine ainsi coup pour coup, avec Goyokin, deux tels chefs-d'oeuvre du genre, surtout qu'ils s'imbriquent parfaitement dans ses obsessions. Car après avoir suivi l'histoire d'un ronin mort de l'intérieur, les valeurs du samouraï étant rendues périmées par une hiérarchie pyramidale peu soucieuse de ses subalternes, Gosha va encore plus loin dans ses intentions. On pourrait reprocher au début du film sa relative lenteur dans la mise en place des éléments, mais la relation triangulaire qui est au centre du récit, représentant à elle seule le déclin d'une époque, vaut vraiment la peine qu'on s'y attarde. On suit ainsi Takechi, homme de pouvoir ambitieux prêt à tout pour monter les marches, puis Sakamoto, qui vise un gouvernement plaçant les hommes sur un pied d'égalité en abolissant les castes, et enfin Izo Okada, au départ simple paysan, mais rêve d'être un samouraï et se met donc au service de Takechi en tant que tueur (comme tant d'autres), sauf que ce dernier le traite comme un chien à son insu. Ainsi, les samouraïs ne se battent plus pour un idéal de justice, mais sont réduits à l'état de tueurs sans pitié, soit-disant pour le bien de la société, donnant lieu à des confrontations des plus brutales.

Mais ce n'est pas si simple, car Izo, malgré son penchant pour la violence (comme l'atteste l'une de ses premières apparitions où il se délecte d'un meurtre comme d'un chien), a un bon fond, mais il est aussi facilement manipulable. Un comportement fidéiste qui rappelle forcément l'obéissance traditionnelle et bêtasse au code des samouraïs, sauf qu'il demeure dans sa forme très différent de l'archétype du héros traditionnel. En effet, sa personnalité volcanique (faisant penser au personnage de Toshiro Mifune dans Les 7 samouraïs) au combat comme dans sa vie sentimentale finit par lui causer de sérieux problèmes, plongé ensuite vers une descente en enfers aux atours initiatiques. De l'état de bête sauvage domestiquée, il réalise brusquement son état d'esclave (cette scène où son maître feint de ne pas le reconnaître est tout simplement géniale par son côté sombre, impitoyable, et ironique), avant de s'en libérer et devenir un homme à part entière, à savoir entièrement libre (ce tournant est vraiment touchant, avec ce plan qui montre son visage de biais, pleurnichant et perdu), dans la vie comme dans la mort (pas un hasard si la dernière scène ressemble très étrangement à la scène de la Passion).

Pour donner corps à ces personnages, un casting en béton a été choisi. On retrouve Tatsuya Nakadai dans un rôle à contre-emploi qu'il empoigne avec conviction, froid et cachant bien son jeu, et surtout Shintaru Katsu, magistral dans le rôle de ce chien fou mais naïf, et donc finalement touchant, car concentrant en lui ce qu'il y a de plus faillible et humain, rendant la reconquête de sa dignité d'autant plus puissante et percutante. En plus de cela, Gosha livre ici tout simplement l'une de ses plus belles fresques de personnages, si bien que l'histoire passe parfois presque au second plan, se plaisant à s'attarder sur leurs caractères bien trempés mais échappant tout aussi bien à un jugement facile, tant les pions, dirigés qu'ils sont à des fins inconnues d'eux, que leurs maîtres qui ne manquent pas de zones d'ombre. Qu'ils soient secondaires ou principaux (tueurs, princesse, prostituée), chacun a ainsi son importance, son rôle à jouer, et certains destins sont même touchants, jouets, encore une fois, d'enjeux qui les dépassent.

Malgré quelques longueurs trahissant en fait l'intérêt minutieux que porte Gosha à ses nombreux et passionnants personnages, Hitokiri est bien l'un des plus beaux représentants mis en boîte sur la fin des samouraïs et de ses valeurs totalement vidées de leur sens, à la fois viscéral et touchant, avec un climax de 30 minutes qui mérite à lui seul le détour.

Note : 9/10
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Dunandan
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