The great ecstasy of Robert Carmichael fait partie de ces films qui vous hantent la projection terminée, ceux-là même qui se réservent le droit de vous malmener avec leurs images mais continuent de le faire après coup, accaparant vos pensées, les rendant même presque insondables. Que penser de ce film, c'est la question qu'on se pose quand le générique final fait acte de présence, dépourvu de musique, il nous martèle l'esprit, sonnant comme un uppercut surgit de nulle part finissant le boulot de sape accomplit par une oeuvre singulière, à la fois très belle dans ses propositions graphiques et musicales mais également sacrément destructrice.
The great ecstasy of Robert Carmichael porte la marque des premiers films, celle qui veut marquer durablement la rétine des spectateurs. Thomas Clay choisit en effet de faire fi de la bienséance quitte à donner à son film des passages si exagérés qu'on se demandera forcément tous si une telle violence sert ou dessert le film. Chacun aura son avis, et nul doute qu'il sera des plus trancher. Pour ma part, je suis assez admiratif et je sors du film avec beaucoup d'attente pour les prochains films du bonhomme. Son premier essai est en effet très impressionnant d'un point de vue graphique, chaque plan est finement composé et la lumière vient sculpter avec beaucoup de classe chaque séquence, donnant à les lieux de l'histoire, pourtant glauques car très industrialisés finalement assez ambigus. Entre beauté de la photographie et réalité plutôt pauvre de l'histoire, on ne sait pas vraiment sur quel pied danser, et c'est un peu la tonalité dominante de l'ensemble du film, au niveau du script également, même si c'est bien à ce niveau que Clay pêche un peu d'orgueil et rend son film contestable.
En effet, le sujet est classique et ne sert que la scène finale du métrage. On suit trois adolescents, tous paumés et friands de pilules hallucinogènes dans une quête d'eux même qui ne finira pas très bien. Les trois ont des contextes sociaux différents, ce qui permet au réalisateur d'illustrer le fait que la violence et les dérapages ne sont pas l'apanage d'une certaine population. Et pour bien nous convaincre, Thomas Clay s'offre une fin assez hardcore, pas forcément justifiée mais qui a le mérite d'être assumée. Pas de faux fuyant, c'est brut de décoffrage, le message est limpide, c'est somme toute assez appréciable. D'autant plus que le film joue finement cette carte, insérant l'un après l'autres tous les personnages moteurs de l'histoire. Pendant un moment on a presque l'impression que c'est fait au hasard, qu'il n'y a pas vraiment d'histoire vu que le film est, pendant une bonne heure, très contemplatif. Mais au moment où tout se rejoint, on comprend ce qui va se jouer et on se prépare à subir. D'autant plus qu'au milieu de son film, entre toutes ces scènes de contemplation, Clay avait déjà porté le premier coup, lors d'un plan séquence assez glauque mettant en scène, hors champ, une petite session de sniffage se transformant en tournante malsaine. C'est malin d'avoir opté pour cette solution hors champ, on se dit presque, pouah le petit joueur, il nous la joue fébrile. Pas vraiment en fait, toutes les pistes feront leur effet à retardement, un peu à la manière d'un trip sous ecstasy.
The great ecstasy of Robert Carmichael se révèle être une pellicule assez troublante, à la fois inégale et imparfaite mais dont l'impact est indiscutable. On regrettera par contre le casting fait d'acteurs un peu juste niveau charisme, ce qui émousse un peu le tranchant de ce premier film, qui souffre également du trop plein d'intentions d'un réalisateur qui y fait ses armes. Cela étant dit, on ressort du film pensif, marqué par un final sans espoir et très noir qui contraste habilement avec la beauté la beauté plastique des décors qui est, elle, pleine de lumière.