Sucker Punch
8/10Avec Sucker Punch, Zack Snyder décide enfin d'adapter l'un de ses propres scénarios. Sur le principe, on aurait pu avoir peur tant le bonhomme a bati son univers sur des adaptations multiples et variées. Délesté du poids des oeuvres dont il s'est emparé par le passé, le réalisateur se lache comme jamais livrant un produit d'une générosité incroyable, quitte par moments à aller jusqu'à l'écoeurement total.
Sucker punch propose donc un joyeux fourre tout ou le réalisateur clippeur va balancer tout de go toutes les références à l'origine de son univers. Et la première qui vient à l'esprit, c'est évidemment le jeu vidéo. Toute la construction du film nous y renvoie furieusement. Car si on excepte les moments très calmes dans l'asile, les nombreuses parties révées ressemblent à s'y méprendre à toutes les cinématiques dont nous avons pu nous gaver dans notre vie. Scott glenn les introduit avec un monologue sur la mission et Snyder les conclue dans le chaos par un combat avec un boss de fin. Entre anachronisme lourdement assumé et esthétique à outrance, Snyder distille du zombis nazis, de l'heroic fantasy, du combat de méchas et du duel de sabre avec des samourais fan de sulfateuses. Tout ceci frole le gavage mais le pari visuel est si osé qu'il est impossible de ne pas s'enthousiasmer sur la beauté du spectacle.
En esthète hardcore de l'image, Snyder pousse ses tics de réalisation à leurs paroxysmes en multipliant les ralentis gratuits, les poses iconiques et les plans séquences trafiqués. Sucker P. est une orgie visuelle pas toujours du meilleur gout mais qui s'assume plutot en spectacle atypique. Pourtant, le réalisateur ne frime jamais se contentant de mixer le plus d'univers possibles en 120 minutes, quitte à foutre en l'air son film. Cette prise de risque est complètement louable car il est actuellement très rare de ressentir un tel plaisir palpable de chaque coté de l'écran. Cette folie visuelle contamine également la bande de son. Cette dernière nous gratifie de nombreuses reprises démentes donnant encore plus de corps au nawak assumé de Snyder. Eurythmics trouve une seconde jeunesse aux cotés de standards de Queen customisés. On pourrait presque croire en une relecture azimutée de Moulin rouge (le logo Warner et meme la scène de danse).
Dans ce foutoir (que n'aurait peut etre pas renié un Tsui Hark ouvert à ce genre d'expérimentations), Snyder se permet meme de sacrifier ses personnages sur l'autel du spectacle anarchique. Ce sacrifice passe plutot bien car le réalisateur présente son casting féminin, d'emblée, comme la représentation d'un fantasme. A partir de là, il n'est pas nécessaire d'en savoir plus à leurs sujets. Le quatuor se fond comme un autre partie pris esthétique parmi tant d'autres (sans mysoginie aucune), titillant la fibre du gentil pervers qui sommeille en nous (girls with guns!
). Finalement, le seul personnage fouillé est celui de Blu. Véritable ordure de p'tit roquet, il en impose par sa présence grace à un acteur inconnu, incandescent. Sur le fond, l'histoire tient la route et se permet meme quelques paris osés avec une introduction très noire (viol+meurtre) ou l'utilisation de la musique et le seul poids des images sont utilisés comme jamais. Mais aussi, on peut noter cette conclusion gonflée que chacun interpretera à sa façon. Simple et carré (parfois on en demande pas plus), le scénario de Snyder va à l'essentiel (le spectaculaire et rien que le spectaculaire) sans jamais péter plus haut que son cul.
Il s'agit, je pense, du meilleur film de Snyder car cette histoire lui a permis de voler de ses propres ailes et d'assumer pleinement son style. Car avec un remake ou une adaptation, il a du composer avec les limites du matériau d'origine. Meme si l'on aurait voulu en savoir plus sur le High roller (véritable grand absent du film), Snyder compense sa difficulté à s'attacher aux personnages par une folie visuelle, hommage vibrant à toute la culture vidéoludique. A l'instar d'un Matrix, le film distille de nombreuses références pleinement digérées pour créer un univers graphique et atypique bousculant les codes du cinéma de genre. Là ou le film des Wacho se montrait etonamment mature, Snyder, en vilain garçon qu'il est, fonce dans le tas sans réfléchir et donnant tout ce qu'il a donner. Evidemment, on est loin des frappadingues Neveldine et Taylor, mais la folie visuelle (et non sur le fond) de Zack Snyder ne semble plus avoir de limites. Plus qu'un simple étalage de talents technologiques, Sucker Punch est la preuve cinématographique que l'on peut encore redéfinir un genre tout en en conservant la moelle.
Sucker Punch n'est pas une date incontournable mais le temps prouvera qu'il est une oeuvre singulière à lecture multiple. Le film est en tout cas loin d'etre aussi con que ses détracteurs peuvent le dire. Cependant, pas sur que se concentrer sur Superman soit la meilleure façon de transformer l'essai pour Snyder.