Révélations
9.5/10Après avoir donné une chance à des remakes à l'encéphalogramme plat, je décide donc de revoir un grand classique des années 90. Je n'avais pas revu
Révélations depuis un bon moment et je dois reconnaitre que le film n'a rien perdu de sa superbe. 4 ans après avoir réalisé l'un des meilleurs polars de l'histoire, Michael Mann revient avec la ferme intention de proposer sa vision du thriller paranoiaque.
Le film raconte l'histoire vraie de Jeffrey Wigand, vice-président de la recherche et du développement d'une importante société productrice de cigarettes, viré du jour au lendemain sans raisons apparentes. Ce dernier va donc violer le secret professionnel en se confiant à Lowell Bergman producteur du show 60 Minutes. Il va se retrouver au coeur d'une tempète médiatique qui va le broyer petit à petit.
Après avoir magnifié le film d'aventures, le serial-killer movie et surtout la cambriole de haute voltige, l'attente était forcément intense à l'idée de voir à quoi ressemblerait le film d'investigation entre les mains du réalisateur. Dès les premières minutes, la patte de Mann est reconnaissable entres toutes. Gros plans immersifs, musique envoutante, photographie à tomber (Dante Spinotti est vraiment un artiste.), le codes "Mannien" sont là. Et dès le début de l'histoire, il apparait indéniable que l'humain sera au centre de tout. Mais avant de découvrir qui est réellement Wigand, le réalisateur se plait à brouiller les cartes en présentant un homme énigmatique dont les motivations restent floues (la séquence silencieuse de présentation est tout simplement superbe). Notable reconnu, le statut de Wigand se brise petit à petit et le spectateur découvre finalement un homme simple mis à terre par un licenciement brutal. J'y reviendrais plus tard mais Russell Crowe trouve là son meilleur role dont la transformation physique (une carrure massive) tranche radicalement avec les traits d'un homme perdu. Son jeu est d'une finesse rare et en quelques plans, il parvient à faire passer une palette d'émotions riches. Al Pacino est présenté comme un producteur à la réputation bien assise qui verra ses convictions exploser en vol face à la pression du scandale médiatique.
Aux commandes d'un film de 150 minutes, Michael Mann prend donc son temps pour exposer les grands principes de l'intrigue. Il le fait à la façon des grands thrillers des 70's. Les faits, rien que les faits, sont présentés avec détail et minutie sans jamais plomber un sens du rythme totalement maitrisé. La tension est constante et le film navigue avec intelligence entre les problèmes de conscience d'un Wigand aculé et l'enquete obstinée d'un Bergman pugnace. Soucieux de dynamiser un ensemble qui aurait pu etre trop statique, Michael Mann va distiller un suspense intelligent notamment dans la partie ou Wigand se croit suivi et menacé. Plus le film avance et plus l'étau se ressère sur les deux personnages ainsi que sur le spectateur. Là ou le duo d'acteurs excelle, c'est dans cette propension à faire passer une multitudes d'émotions palpables, à tel point que l'empathie est immédiate. Il est donc impossible de ne pas s'identifier et de ne pas s'imaginer à place des protagonistes (enfin surtout Wigand dépassé). Al Pacino en chien enragé contrebalance avec un Russell au bord du précipice ne fléchissant jamais. Abandonné, aculé et menacé, Wigand plit mais ne rompt jamais se raccrochant à ce qu'il peut. Ses filles sont clairement sa bouffée d'oxygène et la magnifique séquence du salon ou il est assis en est l'exemple le plus plus beau. Mann cède à l'esthétique un peu pathos mais sans sort largement avec les honneurs devant la puissance émotionnelle de la scène.
Pour revenir à l'histoire, j'adore le fait que Mann mèle avec brio tous les genres gravitant au tour du thriller de base. Le film de tribunal, le drame, le suspense, le politique, tout cohabite dans une osmose quasi parfaite. Et ce mélange des genres n'aurait pas pu etre possible sans un support casting en béton armé. La méticulosité de Michael Mann le pousse à une rigueur extrème meme à l'encontre de ses troisièmes ou quatrièmes roles. Phillip Baker Hall, Christopher Plummer sont de très solides second roles et la relation d'amitié entre Plummer et Pacino, bien que secondaire à l'intrigue, est loin d'etre sacrifiée. Elle participe grandement à l'existence de nombreux autres personnages. Meme Gina Gershon, que l'on voit trois secondes, traverse le film avec une classe et une présence folle. Mann semble etre, actuellement, celui qui gère le mieux l'intégralité de son casting. Dans les roles plus lointains, on peut meme retenir Bruce McGill en avocat pugnace qui se défonce comme s'il avait le premier role.
Et comme pour sublimer au mieux ses acteurs, The insider repose sur une réalisation de grande classe. Meme si on peut lui reprocher de toujours utiliser les memes codes, Michael Mann se renouvelle en permanence justifiant tous ses choix artistiques. Sa caméra colle au plus pres de ses acteurs et ces derniers sont tellement investis que chaque émotion est palpable. La photographie métallique du film participe grandement à l'ambiance anxiogène. Meme les plans larges sont shootés de telle sorte à étouffer le spectateur. La forme reste toujours au service de l'histoire justifiant toujours l'approche humaniste de l'entreprise. C'est d'ailleurs cet équilibre si complexe qu'à perdu le réalisateur depuis Miami Vice.
Cette somme de talents réunis concourent à faire de ce film l'un des fleurons de l'investigation. Les années 70 ont eu
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Zodiac. Révélations arrive meme à se démarquer du lot car il propose l'approche la plus humaine et d'ailleurs Al Pacino résume parfaitement bien cet état de fait en disant à Crowe qu'il a besoin de héros comme lui. Le cinéma est effectivement une industrie du reve mais il doit aussi pouvoir proposer une autre alternative, celle de se projeter et de s'identifier. La tranche de vie de Jeffrey Wigand, aussi dramatique soit elle, est une vraie passerelle entre le film et le spectateur. Tout le monde peut etre Wigand et tout le monde peut se projeter avec ses réactions propres. Ce pont ne serait peut etre pas envisageable sans le boulot colossal d'un Russell Crowe investi comme jamais. On sent clairement qu'il croit et surtout qu'il aime ce personnage au travers de ses regards troublants.
The Insider c'est du très grand cinéma, prenant, vibrant et intelligent. Un pilier des années 90.