8/10
Dai si gin de Johnnie To - 2004
Avant ce film To était personne, bon j'exagère en disant ça mais clairement sa sélection au Festival de Cannes (qui sort de nul part là) l'a propulsé sous les projecteurs, avant ce film ça faisait plus de 10 ans qu'il faisait des films mais il était à peine considéré comme un faiseur (voir HK Mag ou même les propos de Dahan dans les bonus des To sortis dernièrement) et ce film alors que c'est loin d'être son meilleur en a fait un auteur, bon sur une courte période car finalement après ça il fera vraiment que Exiled et Election de notable, le reste étant soit mauvais, soit dispensable. Mais on peut dire que cet éclairage de Cannes a permis à To de vraiment avoir un nom dans l'Hexagone et de voir ses films sortir ce qui était pas si fréquent avant.
Alors comme j'ai dis c'est loin d'être son meilleur film mais c'est vraiment un film attachant et c'est le premier que j'ai vu de lui et je garde un attachement particulier à ce film.
Le film est vendu sur 2 trucs : son plan séquence (un vrai qui bute et c'est pas Ed Norton en slip ou des trucs artificiels de 1917) et le traitement des médias, qui ici est à base de manipulation très simpliste mais ça se révèle plutôt efficace ( et jamais prétentieux, To n'oublie jamais que c'est avant tout un polar son film ). On comprend bien où ça veut en venir sans que ça en fasse trop et ça devient ludique et même plutôt drôle au milieu du film, mais le film reste avant tout un exercice de style, du coup les personnages ont des psychologies fonctionnelles mais on comprend facilement chaque personnage, To a pas besoin d'être explicatif pour qu'on comprenne les relations qui unissent les personnages ( genre la scène entre Yam et Chen, on aurait pu avoir du dialogue sur explicatif bein non, To reste vague mais on comprend très bien où il veut en venir ).
To gère très bien son huis clos et arrive a toujours tenir notre intérêt entre les petites escarmouches via les ruptures de ton coutumière avec notamment la scène de repas obligatoire à tout film de To est ici une des plus réussies ( bien entendu Lam Suet mange ) avec les malfrats qui se livrent un peu, des malfrats dans la plus grande tradition Melville ( la fin est à ce sens vraiment très réussit avec notamment la scène où Cheung tire sur Ren et Yong You, les 2 voyous parlent tranquillement alors qu'ils se font tirer dessus par Cheung et Cheung s'invite dans la conversation.
Après avoir beaucoup copié au début de sa carrière et notamment les envolées lyriques cher à Woo, To s'est mis à devenir un créateur et après avoir inventé le gunfight statique de
The Mission (y a 0 équivalent avant) qui fait que désormais chaque polar de To doit avoir un gunfight original et inspiré, tout comme Woo c'est devenu une marque de fabrique, il pose la barre très haut ici en livrant un plan séquence à la grue qui ouvre le film est un must see, alors en 2004 l'argument plan séquence était pas encore un argument marketing comme aujourd'hui car aujourd'hui les plans séquences (fake 90% du temps) c'est devenu un gage de qualité pour un film alors que bon ça suffit pas et ici comme à De Palma à son époque ouvre son film par ce procédé et ça a une réelle utilité narrative.
C'est à la fois techniquement parfait mais aussi ultra efficace pour présenter tous les personnages ( en 10 secondes on a tout compris ) et puis d'un seul coup c'est un déluge de balles et on assiste à un des gunfights les plus impressionnants qui soit ( un mix entre Heat, Hard Boiled et
OCTB ), ça mitraille pendant près de 5 minutes ( et la puissance de feu fait toute la différence, un gars avec une AK çà fait plus de dégâts qu'un gars qui un 9mm et je sais pas si les impacts de balle sont truqué ou pas, si c'est pas truqué c'est encore plus impressionnant ) et le plan se termine de façon bien radicale avec un coup de lance roquette, techniquement c'est presque irréprochable ( la grue bouge un peu et ça saccade un poil l'image par moment ), To place un deuxième plan séquence dans son film, moins visible, moins démo technique mais tout aussi intéressant ( celui du mini bus qui se termine avec la caméra qui se crash sur Ren ).
Et puis on a une nouvelle fois des séquences géniales dans des vieux immeubles hongkongais aux couloirs étriqués qui permettent plein d'idées de mise en scène ( utilisation intelligente des split screen ) et des couloirs étriqués en scope c'est cool, forcément on pense à Time and Tide, alors soyons clair si To n'égale jamais Hark, il s'en approche. Les influences western qui saute aux yeux dans
Exiled sont aussi ici bien présentes au détour de quelques plans ( notamment celui où Cheung tombe par hasard sur un des malfrats dans la rue ), après y quelques trucs un peu gratuit pas toujours utile comme le beau travelling sur le cul de la Honda mais c'est la Touch To.
Le casting quand le film est sorti pouvait faire peur ( des chanteurs à la mode, des acteurs de bluette ) mais il se révèle très bon, Richie Ren peut dire merci à To de lui avoir donner ses 2 meilleures rôles ici et Exiled, je l'aime vraiment dans ce film il est très bien en gangsters décontracté mais déterminé ( on est vraiment loin de ses autres rôles tout gentil ) d'ailleurs j'ai l'impression que To entre les flics et les voyous a clairement choisit son camp, Ren étant magnifié à chaque plan et les flics plutôt ridiculisé ( voir la chute à moto de Cheung ), Nick Cheung je pense que c'est ce rôle qui l'a vraiment imposé comme un acteur de premier plan, avant y faisait beaucoup de comédie bidon et là depuis Breaking News c'est devenu un acteur solide du polar, il est toujours très bon et lui aussi peut dire un grand merci à To d'avoir vraiment lancé sa carrière avec ce personnage qui deviendra un peu sa marque de fabrique : un perso borné qui va jusqu'au bout, Kelly Chen trouve ici son meilleur rôle, alors oui c'est pas Maggie Cheung mais ici son manque d'expression colle parfaitement au personnage et elle se débrouille très bien dans son rôle de femme à l'autorité glaciale et puis le personnage est plutôt intéressant à suivre, Yong You est un acteur trop sous employé et ici il est très bon ( il est aussi génial dans Red Cliff ) le reste du casting c'est des têtes habituels des films de To avec notamment Simon Yam qui vient faire coucou.
La photo dans l'ensemble est plutôt quelconque, on est loin de la beauté de
PTU ou même du coté brut des polars de Ringo Lam, ici c'est entre les 2 donc quelconque.
La BO est plutôt anecdotique, les zic décalés comme souvent sont sympa mais ça s'arrête là.
Si le film ne peut clairement pas prétendre au top 3 de To, il n'en reste pas moins un super polar ultra efficace (j'ai pas dis mais ça dure 1h25 !!!)