Après Master and Commander qui envoyait du lourd tout en dressant des portraits profonds avec en filigrane un background historique et naturaliste indéniable, Peter Weir réalise un film d'aventure unique et à la réalisation somptueuse et très soignée qui explore avec une grande largeur la survie sous des températures extrêmes le tout sur fond de Seconde Guerre Mondiale , communisme, Russie et Staline. National Geographic aidant, c'est tout un kaléidoscope d'images magnifiques et pourtant rarement ternes loin d'être gratuitement estampillées "cartes postales » : les lieux sont perdus, isolés et ce no man's land permet de shooter des endroits difficilement accessibles et rarement vus en photo d'ailleurs. Tournage quasiment 100% extérieur, on pourra regretter les plans de nuits en studio avec le halo de lumière qui éclaire les acteurs.
L'authenticité en prend un coup mais cela dure à peine 2 min : face à tout le reste, véritablement réaliste et brut, Peter Weir impose son dernier film comme le leader du genre puisqu’il est le seul à s'être approcher au plus près de la décrépitude que subissent les survivants d'un long trekk très difficile et très long, où les âmes peuvent se laisser mourir par lassitude et épuisement. Dans The Way Back, les dents se déchaussent, les pieds enflent, les lèvres gercent, la peau est sale, le froid transperce, la chaleur assomme et enivre à tel point que le silence désertique entraine doucement vers le sommeil et la mort, les hommes se couchent à terre ne cercle comme une meute de loups assoiffés lapant les dernières gouttes d'eau d'une flaque et les "principes" passent après la nourriture, après la survie.
Sans voix-off alors que c'est de coutume pour ce style de films, Weir réussit à raconter une histoire avec finalement peu de dialogues , beaucoup de silence, de marche , d'efforts et de volonté de poursuivre donc de vivre. Ode à la liberté et à la persévérance, The Way Back délivre avant tout un message sur l'instinct de survie et à l'espoir qui le nourrit malgré l'isolement, la faim, la soif, la crasse, la santé défaillante, la distance à parcourir et surtout malgré la guerre, malgré le monde qui s'enflamme et la liberté qui s'envole avec la montée en puissance des régimes totalitaires.
Une bonne demi-heure dans le goulag isolé dans la taïga glaciale battue par un vent intempestif : l'analogie avec les camps de concentrations est évidente sauf qu'ici, c'est un camp de travaux forcés : mine et coupe de bois. Les relations entre prisonniers sont pas très approfondies mais on sent que c'est crasseux et que perosnne ne fait confiance à personne. Les forts tuent les autres pour prendre ce dont ils ont besoin (Colin Farell qui plante le mec qui ne veut pas lui filer le pull..alors que plus tard il s'agira d'un des évadés ) et tous sont un mélange de divers horizons : américain, polonais, russe....Weir réussit à maintenir leurs langues natales ou presque par des accents bien accordés et qui renforcent l'authenticité du film. Cette introduction est un peu trop survolée mais suffit à poser les bases, les personnages et les enjeux.
On regrettera l’évasion hors-champ et la préparation presque inexistante : heureusement que le reste maintient le niveau du film : la rudesse du climat, le scène dans les bois, les masques d’écorces de bouleaux, les évadés déjà presque à bout de force à cause de la difficulté de la course et le vent qui épuisent les ressources vitales. Pourtant là encore Weir va un peu trop vite et la partie marche dans la neige et la folie gelée de la Sibérie demeure succincte (mais puissante et efficace). La suite s'étale un peu plus alors que le temps est plus clément et la marche plus aisée (pas de vent, plus de neige). Le cinéaste ne s'étend pas assez sur les quelques péripéties (les loups) et stoppent la bobine au moment où le film aurait gagner en hargne. Le coté viscéral d'une telle situation n'est qu'à peine mise à profit : les conflits sociaux au sein du groupe sont basiques et vite expédiés. Les décisions sont exclusivement prises par le personnage principal et malgré les profils épurés, Weir aurait pu développer un peu plus l'organisation du groupe et les caractères indisciplinés provoquant des drames par exemple.
Le casting est brillant et surprenant : voir Farell se coller un accent très crédible et briser son image de charmeur par son aspect crado, et voir Ed Harris dans un rôle qu'il campe à merveilles mais où là encore, sec comme un coup de trique, il en impose par son charisme. Le reste s'en sort plutôt bien mais ce n'est pas le casting ni l'interprétation de l'année vu que les protagonistes ont assez peu de reliefs et que tout se base sur l’évolution physique plutôt que psychologique. Hormis deux acteurs, le reste est quasiment inconnu. L'émotion du film démarre clairement avec l’apparition de la jeune fille (Saoirse Ronan) qui apporte de la douceur et de la fragilité dans ce groupe d'hommes taciturnes qui ne se livrent presque pas entre eux. Les storyline ne sont très convainquantes.
Les dialogues vont à l’essentiel mais les langues se délient peu, les sentiments aussi, mais tout cela fait avancer l’histoire et la marche forcée. C'est surement ce qui peut frustrer : Sept ans au Tibet de Jean-Jacques Annaud est un film bien moins réaliste sur la marche et la survie (c'est 10% du film) mais raconte une vraie histoire avec des personnages bien développés, des relations mises en avant, une émotion un peu plus facile d'accès mais aussi un background historique/géopolitique. Le film d'aventure de Weir est plus fermé, plus sauvage, moins propre et moins émouvant sauf sur les 20 dernières minutes (la mort de la fille, le retour chez soi, la musique). Weir ne s'intéresse ni à e qui se passe avant le goulag ni à ce qui se passe après l'Inde : la traversée de l'Himalaya est absente et la transition Tibet, Inde à côté de la plaque, un peu noter un déséquilibre entre les paysages que traversent les personnages et les péripéties encourus (finalement peu nombreuses: les vrais défis sont les besoins premiers : pour une fois, les facilités sont toutes intelligentes et et pragmatiques : le renne pris dans un trou de boue, la fabrication de l'hameçon pour la pêche, la fabrication de l'abri de branches pour contrer le vent et la neige qui lacère le visage, l'apparition du scorbut suite au manque de vitamine C etc...).
L'ambiance de la longue partie dans le désert contraste avec le reste plutôt court mais Weir réussit des plans sublimes et une direction d'acteurs immense : ils entrainent son casting à faire transparaitre l'effort très prononcé et les corps perclus et ankylosés avec de une soundtrack majestueuse qui n'en fait jamais trop comme aurait pu le faire un Zimmer ou un Horner. De l'aventure désabusée, exaspérante mais pas lente ni ennuyante, et sans doute que Weir à désiré rendre son film le moins spectaculaire possible afin de dresser LE film du genre par excellence, sans fantaisie, harassant plutôt que gratuitement typé documentaire BBC et aventure facile, simple et légère. Le souci du détail va jusqu'à nous montrer très souvent les perosnnages chercher de l'eau, penser à la nourriture et aux pauses, à s'abriter etc... outre le fait que l’histoire vraie est finalement romancée et qu'il y eut tout une polémique sur la véracité des faits, il y a fort à parier que de tels trekks ont eu lieux.
La fin est mémorable, l'émotion monte crescendo après avoir bénéficié d'un traitement légérement effacé derrière le reste et ce plan d'images d'archives et des pas qui marche dessus comme une métaphore de la liberté envers et contre tous, malgré les décennies qui s'égrainent rapidement et les évènements historiques qui façonnent le monde : la liberté est là, et même après tant d'années loin de chez lui, The Way back se ferme sur son improbable retour lors de la mort tant attendu du communisme. Le meilleur film du genre auquel il manque toutefois un meilleur équilibre à tous les niveaux.