En réalisant un conte enfantin teinté de SF et d'onirisme fantastique sur fond d'amitié et de message pacifiste, Spielberg renoue avec l'esprit de Rencontres du Troisième Type et pose un film culte devenu presque métaphore du Nouveau Testament mais surtout (et avant tout) un divertissement familial tout ce qu'il y a de plus sympathique et agréable, universel et profondément humaniste où les adultes représentent les « méchants » tandis que que les enfants s'imposent en héros : chez Spielberg, les ET sont pacifiques, amusants et communiquent par des bases très simples et livrent un message spirituel et pur (la tagline d'ET : « Be good ») qui prône la vie (rien n'est explicitement dit mais le peuple d'ET semble attiré et fasciné par tout ce qui vit : ET ne supporte pas de voir les fleurs mortes et les ressuscitent ; dans le vaisseau, au début, on soupçonne les ET de « cultiver » des plantes de chez eux tout en prélevant sur les planètes qu'ils visitent ; le lien sensitif qui relie ET à Elliott).
Comme une suite à son premier film de SF/fantastique, Spielberg renoue avec les nuits étoilées qui côtoient l'ombre des arbres et la brume atmosphérique où les villes s'illuminent sous cette voute céleste bleue nuit non plus inquiétante mais apaisante et source d'espoir puisque qu'y apparaissent les petits êtres (l'analogie avec Close encounters of the Third Kind est flagrante sur tous ces points ainsi que le vaisseau et les lumières) qui permettront au « enfants » (donc la nouvelle génération) de suivre une nouvelle direction (l’exemple le plus marquant demeure le sauvetage des grenouilles sur le point d'être disséquées : Elliott réagit par le biais d'ET). L'ouverture de nuit est une des meilleures séquences du film avec un des hors-champs partiels frustrants alimentant le suspens intelligemment (on découvre ET petit à petit, par une silhouette dans les ténèbres en contre-jour, par une vision partielle de parties du corps etc...).
Pour en revenir au traitement des enfants et adultes : souvent on voit le film au « niveau » d'Elliot et d'ET donc les adultes restent très souvent cadrés comme des êtres mystérieux, inconcevables et qu'on e voit pas puisque ils représentent le danger (Spielberg et son fameux méchant impossible à identifier de Duel : le hors-champ est ici subtil.Sur le Soldat Ryan il avait traité les Nazis de la même façon lors du débarquement (on ne voyait que les mitraillettes et des bras). Les rares adultes plein champ sont la mère et le scientifique à la fin : tous les autres sont dans l'ombre, en contre-jour ou déguisés.Pour les placements de produits, de marques et de références publicitaires, Spielberg à plutôt opté pour des clins d’œils culturels et artistiques (Star Wars, Buck Rogers, la 4ème dimension, L'Homme Tranquille …).
Il faut tout de même reconnaître que la mise en scène est un cran en-dessous des précédents longs-métrages du réalisateur : la mise en scène d'ET est plus plate et semble moins inspirées. Le jeu des focales et la profondeur de champ n'est plus là, les raccords originaux non plus, le film n'est plus en scope mais en format moins « cinéma » (1.85) donc on peut moins « beau » et même les SFX sont bien moins réussis mais le budget est quasiment divisé par deux par rapport au film avec Richard Dreyfuss. Tout cela peut aussi se justifier par une volonté de faire un film moins complexe et plus épuré, plus fludie et limpide vu que le public avant tout visé situe entre 4 et 15 ans.Les amples mouvements de caméra sont toujours omniprésents et la recette entrainante fonctionne toujours (musique+histoire+SFX , comme la scène des vélos devenue référence). Le film aura engendré les Goonies, Super 8 , Enemy Mine ou même Where the Wild Things are etc....
Côté musique, John Williams signe une soundtrack très émouvante aux thèmes désormais cultes et directement identifiables. ET possède son lot de mélodies ou quelques notes proches des musiques de Star Wars (d'ailleurs le film lui-même regorge de clin d’œil à la prélogie de Lucas ne serait-ce que la scène des jouets que présente Elliot à son nouvel ami).Le casting est uniquement basé sur la relation Elliot/ET mais le reste (la mère, le frère, la petite soue) sont plutôt transparents. Dommage de ne pas avoir plus approfondit la mère , seule avec ses trois enfants pendant que le père est au Mexique (on retombe là encore sur des thématiques Spielbergienne : l'absence du père qui justifie l'attachement du gamin à l'Extra-Terrestre). Spielberg compose encore une fois une conclusion à la fois belle mais triste où les deux amis doivent se séparer (happy-end parce que que ET s'en sort mais la séparation brise l’espoir d'une prolongation : les finals du cinéastes son toujours doux-amer ou ambigus et on peut le féliciter de ne pas être tombé dans la production de suites à gogos même si l'idée existe en roman.
On ne peut pas dire que la caractérisation des protagonistes soit dense et fouillée mais on parle d'enfance , d'imaginaire, de rêve, d'amitié, de caractère révolté (Elliot s'emporte contre son frère et défend ardemment ET des hommes) et de sentiments avoués et assumés (pas de non-dit) donc c'est toute la thématique de Spielberg qui se fait « logique » de son long-métrage : comme le dit Elliot à la fin devant la mort supposée d'ET « Je croirais toujours en toi » parce qu'un enfant à besoin de croire en quelque chose, en quelque un, en un père spirituel ou un ami dont la leçon de vie serait plus pertinent que celle d'une mère présente mais une peu dépassée et un paternel absent quand le grand frère se fait bras droit de son cadet. Le plan d'ET dans le coffre de la camionnette on pouvait pas contempler plan plus christique que cela dans le film avec les « disciples » face à lui...
Film léger, emprunte d'une naïveté essentielle sans tomber dans la niaiserie (mine de rien le film peut être effrayant par certains choix pour le character design d'ET : d'apparence vieux (donc sage), petit, trapu et difforme dont le pouvoir de guérison vient de son et l’analogie avec « Le Doigt de Dieu » de Michel Ange est évidente ne serait-ce que par l'affiche du film) : le langage est parfois cru (on entend clairement un « son of a bitch », les flics sont armés face aux gamins et ET , dans la maison, la relation mère/enfants est assez désordonnée et Elliot donne bien plus d'amour et d'importance à un étranger venu d'une autre planète qu'à sa famille (et là on retrouve une des idées de Rencontres du Troisième Type).
En définitive, ET demeure LE film familial de référence ,par son émotion et son fond fédérateur qui brise les barrières de l'impossible afin de porter le merveilleux en adoration (le plan du vélo qui vole (le rêve de tout être humain)de la Lune il n'y a pas plus onirique : apologie de l’imaginaire et les clins d’œils à Peter Pan sont nombreux) mais dont les années trahissent une forme pas aussi maitrisée ou élégante et cinématographiquement riche que les précédents films du maitre. Spielberg est un doux rêveur qui imagine des êtres venus d'ailleurs pacifiques , freaks ,magiciens (la lévitation des objets, le don de guérison) purs et drôles (le film possède son petit lot de moments cultes et à se plier en deux) et il prouve qu'il n'a as peur des "étrangers" ce qui contraste avec une certaine pensée américaine (l’époque n'est pas anodine: fin du Nouvel Hollywood, début de l’age des blockbusters, visions pessimistes de la sf et les aliens toujours baveux, gigantesques et méchants rencardés au placard par Spielby, l'ado assumé).