La place de Green Snake dans la filmographie de Tsui HarkGreen Snake compte un grand casting, avec Joey Wong, la femme-fantôme de
Histoire de fantômes chinois, Chiu Man-Cheuk, le sabreur manchot de
The blade, et enfin Maggie Cheung, qui n'était pas encore la star qu'elle sera plus tard. Wu Wing-Guo, qui joue le poète, a par contre une carrière beaucoup plus anecdotique.
Je dirais que
Green Snake est un peu la petite soeur spirituelle de
Histoire de fantômes chinois. On y retrouve en commun un univers peuplé de créatures fantastiques, une histoire d'amour centrale, un brin d'humour, et des personnages typiques, tels que le poète honnête et naïf, le moine bouddhiste et le moine stoïcien chasseurs des mauvais esprits et démons. L'atmosphère est incroyablement sensuelle, délaissant le bleu fantomatique pour
Histoire de fantômes chinois ou métallique pour
The Blade, pour nous chatouiller les sens à l'aide d'une riche colorimétrie. Il y a d'ailleurs certains points communs avec
The Blade, du moins avec l'introduction, qui nous montre la barbarie des hommes dans ce dernier, et le double visage humain-monstres dans
Green Snake, et la femme est aussi l'attraction centrale de ces deux films, représentant la tentation aussi bien que la rédemption des hommes.
Sous le pouvoir des images et de la musique, animalité-humanitéGreen Snake est assez unique dans son genre, délaissant la narration traditionnelle, comme finalement beaucoup des films de Tsui Hark, pour nous placer sous le pouvoir des images et de la musique (mélange de pop chinoise et de bollywood, épousant parfaitement le rythme reptilien des femmes-serpents) envoûtantes de bout en bout. Ainsi, tout le début est pratiquement sans dialogues, permettant de nous immerger complètement dans cet univers de contes et légendes à la sensualité prégnante. Les thèmes sont malgré tout nombreux. Au fil du processus de réincarnation des êtres vivants, chacun peut devenir humain ou animal, s'élever spirituellement et acquérir des sentiments. Ainsi, l'un des thèmes les plus importants est la relation de l'être humain avec son animalité, et réciproquement. Et chacun des personnages principaux est une belle illustration de ce rapport-là : le moine bouddhiste veut se confondre avec Bouddha et donc veut exclure tout sentiment, toute tentation des sens, dont l'une des femmes-serpent (le serpent vert) sera la mise à l'épreuve, et pour lui, l'animal est exclu de l'élévation spirituelle qui n'appartient qu'à l'humain ; les deux femmes-serpent s'entraînent depuis des centaines d'années à devenir humaines (la plus jeune a d'ailleurs gardé une manière reptile de prononcer les mots et de se mouvoir, et sont toutes les deux soumises à la variation des saisons) et acquérir des sentiments, connaître l'amour et le désir ; le poète ne choisit pas vraiment, il est tenté par les femmes-serpents, et tombe sous leur pouvoir : désir ou illusion ? En tous cas, il finit par devenir moine car il pense avoir pécher pour avoir été uni avec un serpent. Or, peu à peu, ce qui est selon moi l'enjeu du film, cette limite homme-animal s'effrite jusqu'à partir en miettes (à l'image de la destruction du Temple Bouddhiste, dont les adeptes sont réduits à la caricature), tout comme la différence entre le bien et le mal : les femmes-serpent, réputées être des démons, partagent leurs dons de guérison avec les humains (et d'ailleurs leur union n'est-elle pas de l'amour ?) et le serpent vert termine sa transformation complète en humaine en ayant la capacité de tirer des larmes (une des meilleures scènes du film, belle et tragique à la fois), et les moines, aspirant à l'harmonie, se coupent du monde au point qu'ils n'ont finalement pas plus de sentiments qu'un serpent.
Les effets spéciaux, les décors, et les costumes, pour peu qu'on apprécie le style de fantômes chinois des années 80-90, sont vraiment plein de charme (il faut pouvoir accepter les partis-pris esthétiques ou limitations techniques dues au budget et à l'époque), dont les images sont accompagnés d'une belle B.O., en même temps véritable sous-texte narratif. Et puis bien sûr, le charme des actrices, débordant de sensualité, apporte beaucoup à l'esthétique générale du film, car cette dernière est à leur image, hypnotisante.