Western aux allures pré Leonienne par ses personnages, noirs et opportunistes pour la plupart, Vera Cruz est un film passerelle entre les classiques du genre et les plus sombres qui suivirent. Chaque époque est imagée par deux pistolleros aux motivations différentes dont seul le talent en matière de dressage de barillet se trouve être le point commun.
C'est d'ailleurs clairement cette relation entre Gary Cooper et Burt Lancaster, chacun délivrant une performance dont l'éclat tire le film vers le haut, qui fait la force de Vera Cruz. Ce duel générationnel, porté par deux comédiens aux physiques caractéristiques de leurs époques, sans cesse changeants selon les situations est passionnant tellement on s'attache aux deux personnages dès leurs premières scènes communes. "That featherhead tried to kill me !" "Why not ? That's his horse you're riding" annonçait d'emblée le caractère joueur et insolent de Joe, personnage charismatique en diable qui vous met dans sa poche dès les premiers échanges. Trane est lui beaucoup plus dans la retenue, incarnant un homme aux principes inflexibles, humaniste mais aussi génie de la gâchette, sinon plus, que son rival, sait également jouer des coudes pour s'imposer et permet au duel d'être dans le tempo. Deux personnages équivalents en force et charisme, c'est la base pour un choc à retenir, et c'est le cas dans Vera Cruz.
D'autant plus que la mise en scène du film fait tout pour leur conférer cette aura qui ne les quittera jamais. De jolis moments de bravoure, doigt sur la crosse et habilement montés, permettent de donner de la crédibilité aux personnages. Aldrich fait également le boulot pour apporter à son film une densité assez marquante, graphiquement d'une part avec une mise en valeur des espaces traversés propre au western et toujours agréable quand bien réalisé, ce qui est le cas ici. Au niveau de l'histoire d'autre part, avec quelques ramifications bienvenues pour donner un peu de piquant à l'ensemble, conférant à chaque personnage cette capacité à trahir son frère de sang dans un clignement d'oeil. C'est palpitant, au bout d'un moment on ne sait plus plus qui se joue de qui, il n'y a pas de véritable loser qui se fait latter trop facilement et c'est appréciable. Je pense particulièrement aux personnages féminins qui sont également bien écrits, avec Marie, la comtesse vénale prêtes à tout pour quelques dollars et Nina, la Juarista dont les convictions révolutionnaires n'ont d'égal que sa beauté, Aldrich nous délivre presque un second duel, indirect ce coup-ci puisqu'il sera joué à distance, par homme interposé. C'est assez fin d'ailleurs, puisque c'est presque ces deux personnages les vrais duellistes, jouant toutes deux sur un échiquier dont les pions ont été remplacés par nos deux flingueurs au sang chaud.
THAT OLD SOFT SPOT, HE, BEN ? Finalement, il manque peu de chose pour hisser le film dans la stratosphère des intouchables. Quelques erreurs de casting (le marquis Henri et Marie que je trouve un poil limite) et l'absence d'une ambiance sonore digne de ce nom se font sentir, faisant de Vera Cruz juste un très bon film, qui en l'état, a agrémenté ma fin de soirée de fort belle manière
J'ai bien envie de me faire quelques western old school, parce que finalement je me rends compte que j'en ai quasiment aucun à mon actif et du coup, même si je me rends compte du côté transitoire du film, je me demande si j'en apprécie toute la subtilité.