Captain America : The First Avenger |
Réalisé par Joe Johnston Avec Chris Evans, Hugo Weaving, Tommy Lee Jones, Stanley Tucci, Hayley Atwell, Dominic Cooper
Super-Héros, USA, 2h04- 2011 |
9/10 |
Captain America fut une énorme surprise pour ma part et un véritable film coup de cœur. Pourtant il n’était pas évident d’adapter dans le contexte actuel, ce personnage à forte connotation patriotique, devenu peu à peu le symbole de la perfection héroïque et de la détermination américaine à triompher de l’adversité pendant la seconde guerre mondiale. En somme, un héros Marvel un peu trop lisse et idéal jusque dans les années 80-90, dont les histoires prendront un peu plus de consistance par la suite, avec la notion de dépendance au super sérum.
Le côté outil de propagande avait donc tout pour rebuter et
Joe johnston a parfaitement réussi à surmonter cet écueil, en abordant la question avec un regard particulièrement ironique, voire légèrement cynique. Steve Rogers en bon soldat se plie pendant un temps, aux exigences de sa hiérarchie, mais n’est pas dupe à l’égard de son rôle de mascotte de l’armée américaine, propre à susciter l’engagement volontaire et d’importantes collectes de fonds pour l’effort de guerre. Avec cette succession de shows frénétiques et grandiloquents à la gloire de Captain America et donc de l’Amérique,
Joe Johnston provoque le sourire narquois du spectateur et dynamite par l’humour toute cette campagne d’endoctrinement. A travers le personnage de Steve Rogers incarnation même de la notion d’exceptionnalisme américain (les USA ont un destin unique et occupent une place à part parmi les autres nations, en raison de leur sentiment national),
Johnston s’offre une critique satirique de certaines valeurs fondamentales de l’Amérique.
De ce point de vue là, le film est déjà une réussite totale parvenant à respecter l’esprit des comics, tout en se gaussant de l’aura patriotique de son héros. Ne surtout pas louper, le générique de fin entièrement constitué d’affiches d’époque sur l’appel aux armes, à l’effort de guerre et à la fibre patriotique. Si
Johnston se moque de certains penchants de l’Amérique, en revanche il met en avant les valeurs du rêve américain dont Steve Rogers est aussi la plus parfaite incarnation. Jeune homme frêle qui grâce à son sens moral, sa détermination et son courage devient un héros. Le super sérum n’est là que pour accentuer la puissance de ses convictions. En somme le film se penche bien plus sur les valeurs de Steve Rogers que sur celles incarnées par Captain America.
Joe Johnston apporte à ce personnage plutôt fade à l’origine, une profondeur et une dimension qu’il n’a gagné qu’au cours de cette dernière décennie dans les comics éponymes.
Mais le plus enthousiasmant est encore à venir avec ce mélange harmonieux de genres : guerre, action, espionnage et science-fiction au cœur des années 40. Un cocktail gagnant qui avait déjà fait mon bonheur dans l’excellent Captain Sky and the World of Tomorrow. Captain America est une uchronie rétro-futuriste absolument sublime. Photographie, décors et costumes, tout concourt à nous plonger avec délectation dans ce voyage vers un passé alternatif que n’aurai pas renié ces visionnaires du futur qu’étaient Jules Verne et H.G. Wells. Une ambiance et une esthétique très pulp et serials des années 30-40. En quelque sorte un gimmick qui nous rappelle que Captain America fut aussi en 1944 un serial populaire du studio Republic Pictures. Amalgame astucieux et savoureux de savants fous, d’armes et d’inventions futuristes, de société secrète nazie versée dans les sciences occultes (amusant clin d’œil aux Aventuriers de l’arche perdue), sur fond de seconde guerre mondiale, d’amitié et de romance. Rien qu’au niveau de son ambiance, Captain America est parvenu à dépassé toutes mes espérances.
L’histoire se concentre logiquement sur la naissance du héros, sur ses convictions, ses choix et ses doutes. Là aussi, c’est exactement ce que j’attendais de ce film : un développement plus approfondi des personnages principaux et un peu d’action lors des combats contre l’organisation HYDRA en Europe. Une équation qui parait surprenante pour un film de super-héros et qui se révèle pour moi, un atout essentiel. Les exploits de Captain America et de son ’équipe sont montrés à travers une succession de très courtes séquences. Un choix que j’ai trouvé judicieux. Il était impossible de traiter des relations entre cette équipe, Bucky Barnes et Steve Rogers, en un seul demi -film. Je préfère nettement que cette partie soit juste survolée et puisse éventuellement être développée lors d’un second film. Ce que propose le film, ce n’est pas un déluge d’actions, bien que l’aventure soit au rendez-vous, mais bien le cheminement d’un homme qui devient un héros. J’ai d’autant plus apprécié ce choix qui donne au film une réelle profondeur, que Captain America a toujours été pour moi un personnage un peu trop lisse pour être vraiment intéressant. Johnston est parvenu à me réconcilier avec le personnage.
Chris Evans m’a bluffé dans le rôle de Captain America, au point où j’aurai du mal à concevoir un autre acteur à sa place. Une mention spéciale pour les effets totalement stupéfiants qui lui permettent de paraître chétif et frêle avant l’injection du super sérum. Son interprétation est à la fois fidèle au personnage des comics tout en apportant une subtilité ironique face à certaines situations (essayage du premier costume, mascotte de l’armée, tentative de se saouler…). Un personnage profondément humaniste, un héros à l’ancienne. Une lutte classique du bien contre le mal finalement rafraîchissante en cette époque où les héros et les anti-héros torturés deviennent la norme.
Hugo Weaving est impeccable dans le rôle de Crâne rouge, machiavélique et mégalomaniaque à souhait. On pouvait craindre que l’effet du crâne soit ridicule, il n’en est rien, c’est juste parfait. Stanley Tucci et Tommy Lee Jones sont très bons, tout comme Sebastian Stan dans le rôle de Bucky. C’est peut être le seul petit regret de ce film, que le rôle de Bucky ne soit pas un peu plus développé. On ne ressent pas à quel point il est un personnage clé dans l’univers de Captain America. Hayley Atwell apporte la touche glamour et romantique nécessaire à toute histoire de Super-Héros. L’autre grande surprise du film, c’est Dominic Cooper dans le rôle de Howard Stark. Il est absolument génial. Un mixte entre l’interprétation de Robert Downey Jr. (Tony Stark) pour le côté désinvolte et le personnage de Howard Hughes pour le côté inventeur génial. J’ai adoré cette sous-intrigue qui lie le destin de Captain America aux entreprises Stark, tout comme le cube cosmique fait le lien entre la terre de Captain America et l’Asgard de Thor. Un peu comme si Captain America était le cœur du futur film des Vengeurs.
Un petit mot des effets du lancer de bouclier. En toute honnêteté présenter sur les écrans du 21ème siècle, un héros paré des couleurs des USA et armé d’un bouclier, c’était une réelle gageure. Ce qui fonctionne sur le papier, ne fonctionne pas forcément au cinéma, surtout 70 ans plus tard. Je me demandais bien comment Johnson allait gérer cet encombrant objet. Force est de constater que les magiciens des SFX ont réussi l’exploit de rendre totalement fun et cool cette arme désuète.
Je n’attendais rien de spécial de Captain America, juste un petit film de plus pour faire le lien avec le film Avengers de Joss Whedon. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir l’une des meilleures adaptations d’un super-héros Marvel réalisée à ce jour.