La
36ème chambre de Shaolin a une valeur particulière pour moi, puisque c'est pratiquement avec ce film que j'ai découvert l'univers de la SB (après
Les arts martiaux de Shaolin).
Plus je revois l'introduction, plus je la trouve longue (environ trente minutes), mal rythmée, moyennement réalisée (à renfort de zooms qui faisaient office à l'époque de travellings, mais ça demeure bien mieux fait que
The Big Boss) mais nécessaire. Elle met en place les principaux éléments dramatiques de l'histoire, avec le gouvernement injuste des Mandchous, la réponse rebelle inefficace, et les valeurs héroïques du sacrifice lorsqu'une cause mérite d'être défendue. Liu est un simple étudiant qui se trouve malgré lui dans le camp de la rébellion, car l'étude (fondée sur le confucianisme, sorte de stoïcisme à la chinoise) et le combat sont pour lui deux univers qui ne se côtoient jamais, jusqu'au jour où son regard croise celui des corps de l'opposition. Il décide alors de retrouver les moines Shaolin afin d'apprendre les arts-martiaux, et de sortir le temple de son indifférence face aux injustices du monde. Ce désir de changer les choses est le fruit de son propre dilemme intérieur. Ce personnage est merveilleusement interprété par Gordon Liu, qui trouve probablement le rôle de sa vie en moine Shaolin qui par sa détermination et sa force parviendra à traverser les jalons pour devenir un maître en arts-martiaux accompli. Parallèlement, la réalisation trouve son ton et son niveau de qualité.
Sans trop en dévoiler, La
36ème chambre de Shaolin représente selon moi l'équilibre parfait entre mythe et réalisme des arts martiaux. D'abord, on nous montre clairement la manière dont le temple est structuré, avec des moines attribués aux tâches quotidiennes, aux prières, et aux arts-martiaux (disciples et maîtres). Dans le dernier cas, on suit la progression physique, morale, et spirituelle de l'entraînement des moines à l'aide des 35 chambres qui rivalisent d'inventivité et nous donnent une image fantasmée des arts-martiaux, le genre d'atmosphère que tout petit scarabée qui se respecte rechercherait dans le genre. Et ce cadre prend véritablement corps grâce aux préceptes de philosophie chinoise d'une part, proches du stoïcisme qui sont un appel à la maîtrise du corps et de l'esprit et interdisent ainsi la violence et donc la vengeance poursuivie par Liu, et d'autre part grâce aux chorégraphies légèrement hachées mais parfaitement lisibles et magnifiquement construites, dans un style très connu dans le Kung Fu, le Hung-gar, dont les positions imitent les mouvements animaux du dragon, du tigre, de la grue, du léopard et du serpent. J'adore regarder l'évolution de Liu à chaque étape, avec ses échecs et ses réussites proportionnellement éblouissantes, mélange de comédie légère (sans une once de Kung Fu comedy, mais plutôt humour-pince-sans-rire des maîtres-instructeurs : par exemple, "le mur est bas, mais la loi de Bouddha est haute", lorsque Liu veut essayer de sauter par-dessus un mur au lieu de passer l'épreuve comme tout le monde) et de courage moral, en terminant logiquement par un duel de légende avec le maître de la discipline (qu'il battra en créant sa propre arme : le parallèle avec la philosophie Jedi est flagrant, où l'apprenti doit créer son propre sabre au cours de sa formation).
D'abord disciple, puis maître, Liu va fonder la 36ème chambre de Shaolin, véritable point de rencontre entre les mystères de Shaolin et le monde laïc. La discipline, fondée sur les lois de Bouddha, est dans un premier temps en désaccord avec le moine, mais en appliquant la punition, elle lui offre facétieusement l'opportunité d'accomplir son désir juste de former le monde extérieur à se défendre contre les ennemis intérieurs. Liu brille de nouveau dans le rôle du maître-instructeur emblématique, qui aura à former en quelques mots un futur disciple à se battre, et à répondre au défi désespéré et comique d'un autre.
Ce moine Shaolin aurait réellement existé : il aurait joué un rôle dans la résistance aux Mandchous, et serait l'inventeur du fléau à 3 branches, l'arme que Liu utilisera contre les pratiquants du sabre jumeau. Deux suites ont été également tournées, mais n'ont pas de rapport direct avec le premier, et lui sont inférieures en qualité. En qualité,
la 36ème chambre de Shaolin est comparable à
Il était une fois en Chine avec Jet Li, qui incarnera un autre personnage célèbre de Kung Fu, Wong Fei Hung (interprété également par Gordon Liu d'ailleurs dans
Combat de maîtres et
Martial Club).