L'Ombre d'un doute |
Réalisé par Alfred Hitchcock
avec Joseph Cotten, Teresa Wright, Patricia Collinge, Macdonald Carey, Wallace Ford
Thriller, USA, 1h43- 1942 |
7,5/10 |
Attention spoilers !
Résumé : Traqué, Charlie Oakley se réfugie chez sa sœur, où il retrouve sa nièce, qui lui voue une profonde admiration. Deux hommes le surveillent de près, semant le doute dans l'esprit de la jeune fille…
J’ai été légèrement désappointée par ce film considéré comme un chef d’œuvre de suspense, car justement cette notion est considérablement atténuée par le fait que le spectateur est placé dès le départ dans une position omnisciente, puisqu’il soupçonne sans l’ombre d’un doute, le caractère crapuleux et manipulateur de l’oncle Charlie, dès sa première apparition et conversation ambigüe avec la concierge de son hôtel. La seule chose que le public ignore alors, c’est la nature du délit, quoique les premières images du film, illustrant un bal mondain orientent très subtilement les soupçons vers des meurtres dans la haute société.
L’intérêt du film n’est donc pas dans le suspense quelque peu éventé, mais plutôt dans l’enchaînement d’évènements provoqués par l’intrusion d’un homme au passé trouble, séducteur, amusant et charismatique dans l’existence monotone d’une famille de la classe moyenne américaine, d’une petite ville tranquille où il ne se passe jamais rien. Pour sa sœur, Charlie est le frère prodige qui lui rappelle la douceur nostalgique de l’enfance, une période d’insouciance et de bonheur. Pour sa nièce, il est ce personnage qui apporte un zest d’animation dans une existence morne et sans perspective. Hitchcock s’amuse à étudier et bouleverser ce microcosme social. A la joie provoquée par l’annonce de la visite d’oncle Charlie, répond une ombre menaçante qui plane sur Santa Rosa, lorsqu’il arrive en gare.
Le cœur du film c’est aussi et surtout ce duel psychologique que se livre l’oncle et la nièce, tout les deux prénommés Charlie, à la fois complémentaires et dissemblables, représentants chacun une facette du comportement humain, l’un le machiavélisme et l’autre la bienveillance.
Hitchcock nous présente un miroir à deux faces jusque dans la première apparition des personnages à l’écran, tous les deux allongés sur un lit et plongés dans une profonde réflexion, voire déprime. Le film est donc placé sous le signe de la dualité, dans un jeu de fascination puis de répulsion de deux êtres qui ont quasiment un lien « de géméllité ». D’un côté
Joseph Cotten qui a tout de la séduction du mauvais garçon, à la fois cynique, manipulateur, qui se croit investit d’une mission, dépouiller et débarrasser le monde des parasites que sont les vieilles femmes riches et prêt à tout pour se protéger, même au meurtre d’un membre de sa famille. De l’autre
Teresa Wright qui incarne à merveille, la fragilité et la détermination à voir partir cet homme dangereux et amoral. On pourrait croire, le film manichéen, avec un duel du bien contre le mal, mais il n’en est rien.
Le film n’est pas exempt de quelques défauts, notamment la progression des premiers doutes de Charlie à l’égard de son oncle, sur la base d’un lien quasi « télépathique ». Une touche surréaliste que je trouve quelque peu maladroite. Par ailleurs, si le suspense reprend le dessus vers la fin du film, dans une succession de tentatives de meurtre qui font monter la tension crescendo, la dernière tentative précipitée contraste avec le sens de la fourberie et de la méticulosité qui caractérise oncle Charlie.
Les meurtres sont à la fois omniprésents et quasiment absents, car hors champs. Rien n’amuse tant Hitchcock que de découvrir les milles et une manière de tuer quelqu’un. Il fait donc du jeu « du meurtre parfait », le passe temps du père de famille et de son meilleur ami, tous deux grands amateurs de littérature policière.
L’Ombre d’un doute est un bon thriller psychologique dans lequel Hitchcock invite la violence et le meurtre au coeur du foyer familial.