Le 13ème guerrier
10/10Bide cataclysmique lors de sa sortie, le 13eme guerrier s'est forgé petit à petit une réputation de film de viking ultime puis de fresque au souffle épique indéniable. Depuis 1999, tous les fans hardcore du globe ont fantasmé sur l'existence d'une director's cut longue de 150 minutes dormant dans les tiroirs de McTiernan. On a meme vu fleurir ça et là des dizaines de pages web décrivant avec minutie toutes les scènes coupées par l'horrible Crichton, désigné comme le responsable principal de l'échec du film. L'édition blu-ray sorti il y a quelques jours se pose en arbitre et tend à calmer les ardeurs en expliquant que la version de MCT n'est finalement pas si loin de ce qui est sorti sur les écrans au mois d'aout 1999 à l'exception de la fin pensé pour etre un hommage au Zulu avec Michael Caine. Enfin délesté du poids pénible de cette Director's cut fantasmée, le 13eme guerrier se revoit aujourd'hui avec un oeil neuf confirmant ce que nous avions tous pensé à l'époque en sortant de la salle de cinéma. Le film est inattaquable et se pose comme une péloche jouissive à la forme virtuose.Si l'on excepte le très bon Kingdom of heaven de Ridley Scott, je ne vois aucun film en mesure de venir tutoyer le meme souffle épique. le film de MC Tiernan est surement ce qui s'est fait de mieux dans le genre ces dernières années. Récurrence chez le réalisateur, l'histoire ne s'embarrasse pas de fioritures narrant les exploits d'un groupe de guerriers viking venant en aide à un village aux prises avec de sanguinaires créatures. Les histoires les plus simples sont donc définitivement les matériaux les plus adéquats à transcender.
Comme pour singer son chef d'oeuvre ultime, Predator, MC Tiernan en reprend donc les tics en se constituant un casting foutrement classe, composé à 95% d'inconnus dont chaque visage marque durablement. Il va également se fendre d'un tournage épique en extérieur, prouvant au passage qu'il est bien le meilleur pour filmer dans ce genre de conditions. La constitution du groupe, elle meme, est un vrai moment de plaisir magnifiant chaque membre en un seul et meme plan. Tu aurais presque envie que le film prenne le temps de s'attarder sur chacun des 13 guerriers tant l'empathie est totale. Dès lors qu'ils quittent le film passe très (trop) vite sur les conditions du voyage. On aurait aimé en savoir plus sur la traversée de la tempete, mais aussi sur la façon dont Banderas apprend très vite la langue de ses compagnons d'armes. Le film a des ramifications multiples et sa densité ne s'adaptait pas à son étiquette de Blockbuster. Le film rentre donc dans le vif du sujet dès l'arrivée au village. Les images sublimes s'enchainent. La lumière naturelle c'est quand autre chose que les décors en studios! Depuis Prédator, il n'y a vraiment personne qui filme aussi bien la foret et qui peut se permettre une réalisation léchée dans des conditions aussi dantesques. Il faut juste voir la scène de la découverte du village dans la foret pour se rendre compte du talent du bonhomme. La caméra virevolte entre les arbres et la réalisation est sublimée par une photo fantastique. A l'instar de tous ses chef d'oeuvre, chaque placement de caméra a un sens et surtout tout est lisible. La séquence de la foret est d'une beauté faramineuse. Pas besoin de filmer une feuille pendant 4 heures comme pourrait le faire un Malick pour sublimer un décor naturel et faire passer de multiples émotions. En parlant d'émotions comment ne pas vanter le montage de cette première scène avec la vision en contre jour d'un Wendol épiant ses futures victimes. La vision appuyée du charnier contribue également à une montée en puissance marquée de la tension. A ce moment, les questions fusent sur les origines de la menace et il est désormais temps de la voir à l'oeuvre.
Le film n'est commencé que depuis une demi heure et il fait déjà étalage d'une maestria à tous les étages. La technique, les acteurs, l'esthétique, la tension, l'histoire, tout est calculé, tout est fait pour que le vrai connaisseur de film de genre soit brossé dans le sens du poil. Et la première attaque des Wendols (bien que trop courte) offre un spectacle barbare du plus bel effet. L'apprentissage d'Ibn commence dans le sang et la douleur. Caméra à l'épaule et sans jamais en louper une miette, Mc Tiernan donne une leçon de réalisation ou tout reste lisible malgré l'obscurité ambiante. Les effets gores sont légions et tranche bien avec la volonté initiale de McT de faire un film ou l'humour serait présent (oups!). Les séquences dans le village montre bien que moults intrigues secondaires ont été abandonnées. Je ne peux pas croire que le personnage de Diane Venora se cantonne qu'à un simple featuring tout comme le prince félon avec qui se frottent Kulich et Storhoi (excellente scène du duel, un vrai moment de fraicheur dans le film, se finissant par une décapitation quand meme!). Et comme pour mieux imposer sa fibre belliqueuse, le film déroule une hallucinante bataille nocturne.
Mon dieu ce plan des flammes au loin avec les cavaliers qui arrivent petit à petit!
C'est beau, c'est épique et surtout c'est filmé en lumière naturelle. D'un culot incroyable, MC T force le respect en torchant un spectacle à l'ancienne avec moults figurants et n'ayant jamais recours à la facilité informatique. Banderas, toujours au centre de l'histoire commence à se muer en guerrier tout en tentant de comprendre l'origine de la menace. D'abord présenté comme un intellectuel un peu méprisant. Ibn se rend compte de la force et de l'intelligence qui caractérise ses compagnons, il va apprendre à leur contact et se fondre dans le moule. L'illustration parfaite en est l'infiltration de la grotte ou là on prend à nouveau une claque technique. Sorte de 14eme guerrier, la caméra ne quitte pas nos héros tant en balançant des cohortes entières de plans classieux, jamais illisibles! Comme pour se démarquer du fil conducteur (on sent à ce moment, la pression d'un Crichton aux commandes) le film se focalise sur Kulich lors de son affrontement avec la mère des Wendols. Putain qu'elle est bien mise en valeur! Sa posture animale, son maquillage font d'elle une enemie de grande classe. Il est presque dommage qu'elle se fasse déssouder aussi vite tant sa présence était aussi magnétique. Lors de cette séquence Buliwyf prend l'histoire à son compte et c'est peut etre la seule et unique faute de gout du film puisque nous voyions cette quete à travers les yeux de Banderas.
Passé ce très très léger couac, le dernier acte peut commencer avec la bataille finale. Alors oui, nous avons tous hurlé au scandale à l'époque devant la faible durée. Mais il reste quand meme un morceau de choix, filmé au ralenti sous la pluie ou l'on ressent à chaque instant la dureté et la fureur de cette bataille. Tout le monde s'y met, certaines femmes, les chiens et meme Ibn devenu pour le coup un vrai viking. Introduit par la prière de Banderas et le monologue de Buliwif repris par tous, le musique de Goldsmith transcende le tout procurant frissons et plaisir immédiat. L'enchainement des plans iconiques est tel (le chien qui bouffe un mec, Buliwyf qui éclate le chef avec son épée
Banderas dégoulinant de sang) qu'il vaut le climax d'une bonne dizaine de Robin des bois, version Scott. Et comme pour saluer le courage des vikings et de leur chef, Mc Tiernan nous pond la mort la plus noble et la plus classe qui soit avec un Buliwif assis sur son trone, spectateur privilégié de la victoire des siens. Quelle tuerie ce plan!
Le 13ème guerrier est un vrai d'oeuvre de technique de réalisation et surtout d'authenticité. On sent, malgré tous les aléas de la production, que tout le monde a cru en ce projet, des techniciens aux acteurs. On sent que tout le monde a voulu se fendre d'un travail colossal que l'on ne voudrait jamais oublier. Jerry Goldsmith signe l'une de ses plus belles partitions (mieux encore que Total Recall ou Rambo). Mc Tiernan a pris le meilleur de ce qu'il a fait sur Prédator pour le sublimer avec les moyens de l'époque. Banderas trouve là un role de choix entouré par l'une meilleures troupes de seconds roles qui soit. Chacun des membres bouffe l'écran et notament le petit Dennis Storhoi, campant le meilleur sidekick que l'on ait pu voir ces dernières années. Valdimir Kulich est né pour jouer Buliwyf. Lui il fout littéralement la pression à chacune de ces apparitions. Remonté dans la douleur, le 13eme guerrier n'en demeure pas moins l'une des pièces majeures du cinéma d'aventures. Car au-delà d'une technique et d'un savoir faire infaillible, il distille de telles séquences épiques que je ne vois pas beaucoup de films du meme acabit capables de rivaliser.
Mc Tiernan peut se vanter d'etre un virtuose (il y aura de toutes façons, un avant et un après) tant sa filmographie force le respect et tend à démontrer son talent pour sublimer les histoires les plus basiques.
Pour conclure je dirais que sa filmo frole la quasi perfection, regardez plutot:
1987 : Predator 10/10
1988 : Piège de cristal (Die Hard) 9.5/10
1990 : À la poursuite d'Octobre Rouge (The Hunt for Red October) 9/10
1993 : Last Action Hero 9/10
1995 : Une journée en enfer (Die Hard : With a vengeance) 9.5/10
1999 : Le 13e guerrier (The 13th warrior) 10/10
2003 : Basic 8/10
J'ai evidemment fait l'impasse sur quelques loupés mineurs!