Scalp a écrit:Va mater Polisse alors.
Hop:
POLISSE-------------------------------------------
Maïwenn (2011) |
6,5/10 Le film Polisse avait tout du projet casse-gueule. D'une part car de très grands noms se sont déjà attelés à retranscrire le quotidien de la police (L627 de Tavernier par exemple) et que la réalisatrice mal-aimée est une provocatrice dont ses précédents films ont exacerbé les critiques : absence de technique, réalisation nombriliste, jeu autiste, et pourtant succès public.
Avec Polisse, Maïwenn rajoutait en plus un nouveau bâton pour se faire battre, car en tentant de décrire le quotidien des flics d'une BPM, ses gros sabots allaient forcément la faire sombrer dans le pathos et le voyeurisme. La crainte était certes fondée, Maïwenn fait un peu dans le pathos mais franchement je trouve personnellement qu'elle s'en sort vraiment bien car difficile avec un tel sujet de ne pas verser un peu dans la sensiblerie, et en tout cas je n'ai rien senti de voyeur dans sa démarche... J'ai lu aussi des critiques qui osent parler d'instrumentalisation. C'est le point très sensible du film, mais peut on, dans un film, parler d'actes commis sur des mineurs sans instrumentaliser leur détresse? La question est intéressante mais pour moi en tout cas ce film a trouvé le ton juste et un angle intéressant pour traiter de ce sujet.
Et sa technique, oui, est toujours aussi "spéciale" (pourrie diront certains). Mais qu'importe. Plus encore que sur ces précédents films, elle réussit à faire souffler un vent frais et novateur sur le cinéma traditionnel, loin des codes et des conventions (notamment de ce qui sort de plus en plus : des films esthétisants et/ou ultra descriptifs, sans message, sans âme). Car la technique n'est pas tout; et c'est tant mieux, quand on voit le résultat et l'émotion qui en résulte! Car rarement les flics en tant qu'êtres humains n'avaient autant été mis à l'honneur. Maïwenn use toujours autant de ce montage saccadé, de ces scénettes bordéliques où les acteurs semblent être filmés au naturel et de cette construction en forme de kaléidoscope. Et la recette fonctionne donc parfaitement.
La chorale d'acteurs (tous plus excellents les uns que les autres, si, si) sont au diapason de leurs personnages, francs, impliqués, étonnamment naturels dans la façon de mener les interrogatoires, de vivre leurs problèmes familiaux, de s'amuser entre collègues. Ce sont avant tout des gens sur la corde raide, en souffrance pour certains, filmés dans leur intimité et heureusement Maïwenn évite les clichés (si, si). Et le film est surprenant, de bout en bout, sur pas mal de sujets et notamment dans l'exercice policier. L'humour (souvent très drôle) rebondit sans cesse sur les récits les plus sordides, traités avec un naturel désarmant (témoignant ainsi parfaitement de la difficulté de leur boulot). Et les mentalités et caractères de ces personnages sont mouvants. Tour à tour bourreaux ou confidents, attachants ou blaireaux, ces flics là sont loin d'être idéalisés, et leur travail loin d'être caricaturé.
Le film aborde quantité de sujets, trop peut-être -le personnage de Maïwenn et sa relation avec Joey Starr plombent un peu la portée du film- mais sa force principale tient dans l'exposé frontal de ces sujets tabous, inceste, viol, pédophilie qui est mis en relief par une simplicité travaillée mais bien réelle, un rythme effréné, des scènes fortes, et une émotion toujours juste. Un cinéma protéiforme, libre et fougueux qui rend hommage, grâce à des acteurs remarquables, à des travailleurs de l'ombre et qui livre un témoignage poignant et engagé.