Innocence de Lucile Hadzihalilovic
(2004)
Étonnante surprise de la part du cinéma d'auteur français qui a très souvent tendance a trop se regarder le nombril qu'autre chose (merci Pascale Ferran), ici on est bien en face d'un très beau second film qui marque vraiment, que ce soit par la forme ou le sujet traité. Si le fait que la réalisatrice de ce
Innocence, Lucile Hadzihalilovic, soit la femme de Gaspar Noé à la ville peut paraître anodin, il n'en est rien puisqu'elle affiche de nombreux points communs, parfois très subtils, avec l’œuvre de son talentueux mari (qui est le meilleur réalisateur français ever, toujours utile de le rappeler). Si la mise en scène s'oppose totalement à des films comme
Irréversible ou
Enter The Void, elle est néanmoins très proche de ce que pouvait proposer Noé dans
Seul Contre Tous, avec un travail du cadre omniprésent (qui l'est encore bien plus dans
Innocence, le film se basant beaucoup dessus) et un montage très cut qui pourra en déconcerter plus d'un mais qui donne lieu à des scènes tout simplement géniales d'un point de vue théorique. Ainsi, l'introduction du film, uniquement composée de plans fixes, est un modèle de présentation de l'espace et instaure d'ores et déjà une ambiance pesante dans un lieu magnifié à chaque séquence. Autre exemple étonnant, celui de la scène où une jeune fille tente de s'échapper via une barque, une séquence où Lucile Hadzihalilovic ne recherche jamais le spectaculaire mais arrive a créer une émotion tragique vraiment forte face au destin scellé de la jeune fille. C'est d'ailleurs cette absence totale de réponses et d'alternatives qui donne au métrage toute sa force, jamais on ne saura exactement ce qui se trame dans cet univers bien particulier même si quelques indices à double sens sont parfois révélés (le plus parlant étant celui que dévoile la servante face aux deux jeunes filles dans le théâtre ou encore le plan final très évocateur).
Innocence est donc un film extrêmement bien travaillé en terme de script, avec une gestion des personnages assez étonnante puisque l'on suit au final le destin de pas moins de quatre jeunes filles différentes tout en apprenant beaucoup de la part des personnages secondaires comme les deux professeurs. A la fois onirique, bucolique et poétique, le film prend un tournant radical avec la première scène du théâtre, sommet du glauque en mouvement alors qu'il ne s'y passe pourtant pas grand chose (la lumière rouge de la scène est d'ailleurs loin d'être anodine, je suspecte personnellement Gaspar Noé d'avoir aidé au tournage de la séquence tant celle-ci rappelle une scène-clé d'
Irréversible). Une scène qui embrouillera finalement encore plus le spectateur à la recherche de réponses, le mettant ainsi dans la même situations que les jeunes filles du film qui ne pourront pas aller contre leur nature mais dont l'environnement ne pourra que les résigner à leur sort. Clairement l'un des plus beaux films français de ces dernières années et la promesse d'une belle carrière pour Lucile Hadzihalilovic, en espérant qu'elle signera un prochain film très bientôt.
NOTE : 8/10