En approfondissant le poème épique de Beowulf sans le revisiter et en respectant dans les moindres détails l'univers de l'écrit, Zemeckis signe son meilleur film et un des plus beaux qu'il nous est été donné de voir en motion capture/performance capture. Sans tomber dans l'excès et dans la surenchère de plans-séquences abusés, le cinéaste livre une œuvre somptueuse et très fluide dont viennent où quelque défauts visuels peuvent parfois agacer comme les chevaux trop rigides et l’expression facile pas assez souple car trop "épaisse". Malgré tout, les acteurs transparaissent à travers leurs personnages fait de pixels et cela, bien avant Avatar de James Cameron. Hopkins demeure l'acteur le plus réussit. On reconnait pas mal d'expression de Winston et de Gleeson (le casting est 3 étoiles faut le préciser) mais Malkovich est un peu trop lisse, trop en retrait et mal exploité. Angelina Jolie n'a rien d'autre à faire que laisser aller son sex-appeal mais son apparition est mémorable : d'une beauté onirique fascinante. Le photoréalisme est de toute beauté.
Avant de repérer ces détails , on ne peut que féliciter la technologie d'arriver à un tel stade en si peu de temps : les textures, les couleurs, les décors et les intérieurs respirent d'un talent (et aussi d'un gros budget) qui excelle dans l'art de retransmettre un certain réalisme tout en n'oubliant pas que l'histoire se base sur un poème qui flirte avec la mythologie nordique et la chrétienté qui émerge dans le Nord de l'Europe. Pour beaucoup de raisons, Beowulf inspira grandement la Fantasy que l'on connait (dont le Maitre du genre : JRR Tolkien qui reprit quelques traits de Grendel pour Gollum par exemple). Bien après la trilogie de Peter Jackson et des décennies après le Conan de Milius, Zemeckis débarque avec une adaptation magistrale puisque le réalisateur s'est permis de rajouter et de modifier des petits détails qui "humanisent" et donne une épaisseur émotionnelle aux personnages. Les musiques de Silvestri sont excellentes et le niveau atteindrait presque celui de Poledouris sur Conan.
Alors que le poème n'est qu'un enchainement de péripéties grandioses , épiques et héroïques en restant coller sur un fond plutôt transparent, le Beowulf de Zemeckis est lucide sur la nature humaine et le contexte historique qui ont bâtit les légendes vivantes : une dose de faits réels, une grosse dose de fabulations et de fantasmes dont les multiples bardes offrant un nombre égal de versions ont altérés l'histoire de base. Il ne faut pas oubleir le mensonge, le vrai, celui du héros en question , ici faillible et contraint de répondre à ses pulsions et ses désirs plutôt que ceux du peuple dont il voulait devenir l’icône immortelle. Il ne peut vaincre ses doutes et ses peurs qu'en assumant le mal qu'il engendra par orgueil et luxure car la motivation n'est pour une fois pas la cupidité. Zemeckis développe largement le profil psychologique de Beowulf ainsi que du background qui entourent les protagonistes : le vieux roi décrépit et dépravé qui assume de moins en moins son rôle, la femme qui qu'il aime le délaisse et l’ignore presque, les hommes crient leur joies dans la salle de festivités pendant que Grendel -fils maudit issu du péché entre un homme et une présence démoniaque- hurle sa douleur, son désespoir et sa solitude.
Il faut noter plusieurs choses dans ce film de Zemeckis : la violence parfois choquante du long-métrage (Grendel est atroce et vraiment réussit pour son coté difforme, la chair à vif, extrêmement violent et amateur de chair fraiche dont il boit le sang plein champ quand même
, certaines scènes assez crues (la nudité souvent gratuite et les censures originales semblent quand même trop flagrantes pour se fondre naturellement dans le film) dont la relation vénale sous-entendue entre lui et une jeune fille
..Le ton du film ne laisse aucun compromis : Zemeckis , lui qui était habitué à des films tout public se permet de faire de son poème épique cinématographique un gros blockbuster pour adulte pur et dur où l'Homme n'a de cesse d'utiliser sa force , sa ruse et son instinct pour terrasser ses pires ennemis , monstrueux et mythiques tandis que les blessures de l'âme et la faiblesse face au sexe faible ne peuvent être combattues. Beowulf n'est pas un héros ni un roi comme il le dit, mais un simple humain faillible.
Au-delà des apparences, ce film d'animation ne démérite pas sa lignée et , dans le genre, s'inscrit comme un des meilleurs grâce à une scénario qui casse les attentes d'un publci qui pensait voir un deuxième Seigneur des Anneaux : Beowulf est avare en batailles rangées (une seule et 2 secondes, et peu de guerriers à l'écran) mais se permet une intro exceptionnellement glauque et limite gore ou encore des envolées lyriques sympathiques où l'héroisme-mito est là pour ragaillardir les valeureux les plus démotivés (le climat rude, les attaques dévastatrices de Grendel, le royaume et les croyances païennes qui périclitent devant la montée en puissance du christianisme). Les scènes avec la mère de Grendel transpire d'une tension sexuelle permanente et même si la démo technique peut faire décrocher la mâchoire devant tant de beauté et de quasi perfection dans la réplication de certains traits d'acteurs, le tout est souvent noyé par une ambition encore ambigu qui est de remodeler le réel sur grand écran.
Quand la réalisation se permet des plans-séquences ou des transitions impossibles en live c'est bien vu mais quand la réalisation se cantonne à du blockbuster d'animation au budget équivalant à un gros fil live l'intérêt est vite remis en question. Beowulf peut se targuer de bénéficier de quelques séquences impressionnantes mais pas si infaisable que ça en live surtout quand on voit des films comme le Retour du Roi de Peter Jackson. La bataille avec le dragon est assez bien et pourtant on est loin de la virtuosité des scènes avec les montures des Nazguls. Même Dragons de DreamWorks arrive à plus de sensationnalisme avec son final imposant. Beowulf demeure et restera à jamais une histoire d'homme et psychologique plus qu'épique et divertissante ou tout public. La fin ambiguë et pessimiste devrait fermer les portes à toute réserve sur ce Zemeckis burné et atypique dans ce kaléidoscope de films fantasy à la mode, bourrés de clichés pour jeunes ados. Son seul tort aura été de survenir après la mythique trilogie de Peter Jackson (ce qui a malheureusement déçu bien des spectateurs et cinéphiles qui s’attendaient à quelque chose de gigantesque).