Troisième film de Scorsese, et tout était déjà en germe. On se retrouve dans La petite Italie à NY qu'il connaît par coeur, bouillante de vie, servie par une ambiance musicale rock'n roll et opéra. On a ici un film choral qui sera encore plus maîtrisé dans ses deux autres films de gangsters,
Affranchis et
Casino, au service de personnages incarnés par des acteurs souvent en état de grâce (surtout De Niro et Harvey Keitel). Pour peu qu'on apprécie les bonnes tranches de vie, et les histoires de gangsters à la cool de la rue, c'est un régal de les écouter parler, de les voir se disputer, arnaquer les débutants (la barre de rire avec les jeunes qui cherchent de la drogue), et déconner, avec ce petit accent italien plein de charme pour couronner le tout.
Toute la dynamique du scénario est structurée autour d'un trio d'amis d'enfance, émigrés italiens, qui connaissent une destinée différente. Charlie, dont les tourments avec le christianisme préfigurent déjà
La dernière tentation du christ, croit que la véritable religion se réalise dans la rue, et prend ainsi Johnny sous son aile pour se sauver en le sauvant. Ce dernier est un petit bon à rien qui doit de l'argent à tout le monde, et surtout à Michael, qui ne se laisse pas faire pour appliquer la loi du milieu et devenir lui-même un caïd respectueux. De son côté, Charlie a l'espoir de reprendre un restaurant de son oncle de la mafia, mais doit en échange prendre de la distance avec ce qui ne cadre pas avec son sens de l'honneur : Johnny, sa soeur avec qui il a une aventure, et même une meuf black.
Au fil de l'histoire, on se rend compte que c'est une belle bande de
losers en comparaison avec l'oncle de Charlie, mettant un bon coup au romantisme du genre, remplacé par un ton très réaliste de la même mouvance que
French connection, avec en plus une mise en scène à tomber (travellings et plans-séquence à gogo). Seule l'application du respect permet d'égaliser les chances de ces gangsters à la petite semaine, en dépit d'une modeste situation. La fin est plutôt sèche, mettant fin à l'ambiance bon enfant des gangsters en reprenant le message du début : le code de la rue et la foi ne peuvent pas coexister. On pourrait juste regretter que l'ensemble ne soit pas plus homogène, mais on se prend rapidement à l'atmosphère électrique diffusée par l'énergie des personnages et la puissance de la réalisation, qui nous fait comprendre de l'intérieur que se sentir en vie est parfois plus important que survivre.