Critique de films (7) : Les aventures de Tintin : Le secret de la Licorne
De Steven Spielberg
La célèbre BD d’Hergé ayant été l’une des rares à bercer mon enfance, j’avais quelques craintes au sujet de cette adaptation sur grand écran, fût-elle réalisée par Steven Spielberg. La scène d’ouverture (la brocante bruxelloise où Tintin fait l’acquisition de la maquette de la Licorne à partir de laquelle va s’enchaîner à un rythme inouï le reste des péripéties) a suffi à me rassurer. Si l’ensemble ne sera sans doute pas considéré comme un chef-d’œuvre absolu, l’exploit reste d’autant plus prodigieux sur le plan technique que l’entreprise était incroyablement audacieuse.
C’est sans doute devant la catastrophe des précédents essais tintinophiles avec de vrais acteurs que le maître a choisi de se doter d’une technique ultra moderne pour relever le défi. Déjà utilisé dans le « Pole express » de Robert Zemeckis, la performance capture se situe entre le dessin animé que l’on connaît et le film classique. Si la plupart des scènes sont effectivement tournées dans lesquelles chaque acteur est bourré de capteurs, la magie se charge de reproduire dans l’ordinateur le mouvement et l’expression des personnages. Le résultat est souvent bluffant, parfois époustouflant. D’autant que la 3D se charge d’ajouter une profondeur de champ jamais retrouvée depuis « Avatar ». A la différence près que le film de James Cameron dégoulinait de clichés sur les méchants militaires et les gentils écolos le temps d’un scénario cousu de fil blanc.
Spielberg évite cet écueil. A l’image de la BD d’Hergé parfois tintée de politique, son film s’adresse autant aux enfants qu’à un public adulte. Car au-delà de la pure merveille pour les yeux (des plans séquences superbes, des idées de mise en scène en veux-tu en voilà, des raccords ingénieux…), l’humour est omniprésent. Bizarrement il ne vient pas forcément des personnages des Dupont et (d), moins convaincants que les autres, peut-être parce que leur rôle n’est pas vraiment central dans cet épisode. Il faut espérer qu’ils s’affirment dans la seconde partie (Le Trésor de Rackham le Rouge).
Si Spielberg réussit le pari de la performance capture, son personnage le plus abouti reste paradoxalement le seul qui n’est pas incarné par un acteur. Puisqu’il s’agit de celui du fidèle Milou. Drôle, attachant et malin comme un singe, il est presque aussi essentiel dans l’histoire qu’un Fino dans Inspecteur Gadget.
Crucial, le personnage de Tintin est très bien réussi. Tant son visage que sa voix française, et à n’en pas douter, sa voix en VO. Un second visionnage en 2D sera nécessaire pour en juger. Il parait que celle du capitaine Haddock, assurée par le spécialiste de la technique Andy Serkis (il est Gollum dans le Seigneur des anneaux) est succulente en VO. En Français, l’intonation reste acceptable bien qu’imparfaite. J’aurais plus de réserves sur le visage du capitaine, un peu trop juvénile à mon goût pour un vieux loup de mer alcoolique comme jamais dans le Crabe au Pinces d’or.
C’est là une autre réussite de ce long métrage. Spielberg, qui avait décidé de se compliquer la tâche, réussit plutôt bien le mixage de l’histoire du « Secret de la Licorne », trame du scénario et du « Crabe aux pinces d’or », prétexte à une traversée du désert destinée à faire halluciner Haddock et à introduire des personnages comme celui du méchant Allan dont on peut regretter le manque de caractère. L’enchaînement des péripéties à un rythme démentiel (parfois un brin too much quand même) est un vrai régal. Il n’y a guère que la scène de l’affrontement final à coups de grues sur le port, la revanche entre les deux descendants, qui n’est pas très inspirée. L’ensemble, jouissif, reste une vraie réussite même si certains fans trouveront que l’esprit de la BD n’est pas toujours sublimé (sans doute les mêmes qui prétendent que Jackson a pris trop de libertés en adaptant la trilogie de Tolkien).
La seule vraie déception - et elle est de taille - c’est la musique. Ce n’est pas qu’elle soit ratée à proprement parler mais elle n’est pas taillée sur mesure pour Tintin comme le thème musical peut l’être pour Indiana Jones par exemple. Il n’y a pas besoin de fermer les yeux pour constater qu’elle irait aussi bien sur « Harry Potter » que sur « Arrête-moi si tu peux » du même Spielberg auquel le générique de Tintin fait largement référence. C’est la preuve qu’aussi reconnus soient-ils, les compositeurs de BO tels que John Williams finissent par s’essouffler lorsqu’on leur demande d’écrire leur 328e musique de films.
7,5/10