X-Men Le commencement |
Réalisé par Matthew Vaughn
Avec James McAvoy, Michael Fassbender, Kevin Bacon, Rose Byrne, Jennifer Lawrence, Nicholas Hoult
Super Héros, USA, 2h12- 2011 |
9/10 |
J’ai rencontré les X-Men pour la première fois en 1976 alors que je m’ennuyais sur une plage du Sud de la France, ils peuplèrent mon imaginaire pendant plus de 30 ans et puis je me suis peu à peu éloignée de leur univers dans le courant de l’année 2008. Plus assez de temps et bien trop de reboot et de séries dérivées à lire. Un petit trésor de milliers de fascicules (depuis le X-Men #1 de 1963) qui reposent paisiblement dans mon grenier en attendant que mes neveux aient l’âge de les découvrir. Un petit préambule destiné à vous expliquer, pourquoi le sujet est très sensible pour moi et pourquoi, chaque fois qu’une nouvelle adaptation cinématographique de mon groupe de super-héros préférés pointe le bout de son nez, je fronce les sourcils avec scepticisme. Car les trois adaptations précédentes ne m’ont pas du tout convaincues oscillant entre le désappointement et le désastre le plus total. Les deux films de Brian Singer sont des réalisations intéressantes, mais ils sont bien trop orientés sur le personnage de Wolverine, pour que je les considère comme des adaptations réussies des X-Men.
X-Men, le commencement fut donc une excellente surprise. Matthew Vaughn est doté d’un véritable talent pour l’adaptation. Il parvient à proposer sa propre version de la genèse de ce groupe de mutants, s’affranchissant des origines publiées pour la première fois en septembre 1963, tout en respectant à la lettre l’esprit du comics : deux hommes autrefois amis que tout oppose, le professeur Charles Xavier et son rêve de coexistence pacifique entre humains et mutants, Magnéto et sa volonté d’assoir la suprématie des mutants. Deux visions du monde incompatibles symbolisées par deux groupes de mutants, les X-Men et la Confrérie des mauvais mutants dont les affrontements feront les beaux jours de la saga pendant les années 60-80. Les scénaristes font le choix astucieux, de réinventer la rencontre entre Xavier et Erik qui fut simplement évoquée en filigramme dans les comics et placent judicieusement cet évènement en octobre 1962, soit juste quelques mois avant la première apparition officielle des X-Men, puis de la Confrérie des mauvais mutants formées par Magneto. Vaughn réussit ainsi avec brio, à inscrire son film dans la mythologie de la saga sans la trahir. Dès lors peu importe que les membres du Club des Damnés n’apparaissent dans la saga qu’en 1980 ou que la composition de l’équipe d’origine ne soit pas respectée. Il est certain que Le Sebastian Shaw de Matthew Vaughn est un personnage bien plus ambitieux, bien plus ambigüe et surtout bien plus intéressant que son ersatz littéraire, un méchant somme toute très secondaire dans la saga X-Men.
La deuxième grande réussite du film est la reconstitution historique. Un véritable coup de génie que d’avoir situé cette genèse dans son contexte d’origine, le début des sixties. Les couleurs, le design, la musique, le look, tout concourt à nous replonger dans cette période de prospérité et d’euphorie de la consommation, à la fois âge d’or de la modernité et de l’espionnage, au cours de laquelle la société vibre au gré des caprices des tout puissants services secrets des deux blocs, maitres d’œuvre des crises de la guerre froide. 2h12 minutes de spectacle rétro qui nous fait parfaitement ressentir les frémissements d’une société qui oscille entre nonchalance et paranoïa atomique. Le choix de la crise des missiles de Cuba comme toiles de fond de la première aventure cinématographique des
X-men (sur le plan chronologique) n’est vraiment pas anodin. Le parallèle s’établit immédiatement pour tout fan de la saga, entre cette nouvelle aventure et celle publié dans le n°1 de 1963, qui voyait Magneto tenter de voler des missiles atomiques. Car les
X-men sont les enfants de l’atome et la menace atomique sera souvent au cœur de leurs premières aventures, les comics à l’instar des autres médias reflétant les inquiétudes de leur temps.
Matthew Vaugh s’inscrit une nouvelle fois dans la lignée de la saga, en réinventant la genèse, tout en reprenant la même base : une guerre atomique menace la planète.
Tout comme Brian Singer, Matthew Vaughn ne reste pas à ce premier niveau de lecture qui marque surtout les premières années de la saga et s’oriente sur le thème de la mutation génétique parfois vécue comme un fardeau par les mutants. Raven et Hank McCoy sont les symboles de cette différence difficilement assumée qui ouvrira le chemin vers les deux voix possibles : l’intolérance et la lutte pour la suprématie ou le respect de la différence et la tentative de coexistence. Quant au thème de la persécution mutante simplement effleuré dans le final de X-Men : First Class (les deux flottes prêtes à s’unir pour détruire cette nouvelle menace mutante), il deviendra un sujet récurrent dans la saga, atteignant son paroxysme dans le monumental album « Dieu crée, l’homme détruit » de Chris Claremont publié en 1982, dont Brian Singer s’est très certainement inspiré pour ses films.
A ce scénario solide qui respecte le fond et l’esprit du comics, à cette reconstitution minutieuse et fidèle de l’époque, s’ajoute un casting excellent. Dans la saga
X-Men, j’ai toujours eu du mal à imaginer comment Xavier et Magnéto avaient pu être amis, tant leurs visions de l’avenir sont radicalement différentes. Vaugn a réussi à balayer mon scepticisme en proposant une relation d’amitié plus que crédible, basée sur la découverte d’une identité mutante, agrémentée de débats, de convictions et d’une bonne dose d’humour. Charles et Erik sont des personnages fascinants, dont l’enfance dorée de l’un est mis en parallèle avec la jeunesse tragique de l’autre et auxquels rendent hommage deux acteurs réellement inspirés par leurs rôles respectifs.
James McAvoy est parfait, il est l’incarnation même de l’humanisme, de la naïveté et de l’empathie de Xavier, de sa volonté de protéger l’humanité des mauvais mutants et d’éduquer les jeunes mutants pour les protéger des autres et d’eux-mêmes.
Michael Fassbender apporte tout son charisme au personnage du futur Magneto qui n’a jamais été aussi bien interprété. Il est l’un des personnages les plus ambigus de la saga. Une ambivalence que l’on ressent parfaitement, dans la tragédie de son passé, dans sa fureur, dans sa quête de vengeance, dans la volonté que les siens, les mutants ne soient plus jamais victimes et du coup dans son choix d’asservir
l’homo sapiens à l
’homo superior reproduisant finalement les mêmes horreurs que celles qu’il subit. De la théorie de l’évolution de l’espèce de Xavier, il ne retient que ce qui l’intéresse.
Fassbender parvient à nous faire ressentir la dualité du personnage et le spectateur oscille entre sympathie et rejet.
Ian McKellen campait un Magnéto trop manichéen, ne s’appuyant pour son jeu que sur l’aspect mégalomaniaque du personnage. J’ai adoré cette idée de reprendre la scène des origines de Magnéto tournée par
Brian Singer (l’un des meilleurs passages de
X-Men) et de la prolonger.
Kevin Bacon est génial dans le rôle du milliardaire Sébastian Shaw, qui veut provoquer un hiver nucléaire d’où naîtra une nouvelle civilisation mutante. Shaw/Magnéto, le tortionnaire et la victime dont les objectifs convergent, séparés simplement par l’aveuglement de la vengeance. Autre brillante idée, avoir créé un passé commun à Charles et Raven. Il apporte une nouvelle dimension et une réelle profondeur au personnage de Mystique, superbement interprété par
Jennifer Lawrence. Son pouvoir de métamorphe, ses doutes et son instabilité tant physique que morale, sont presque une allégorie des affres et des sautes d’humeur de l’adolescence.
Rose Byrne interprète une Moira Mac Taggert bien plus espiègle que son double littéraire, mais tout aussi dévouée au rêve de Xavier. Tous les acteurs qui interprètent les jeunes mutants sont très bien. La constitution du groupe, l’apprentissage de la maîtrise des pouvoirs, la dynamique de groupe, l’interaction lors du premier combat, le côté « teen movie », les vannes entre les étudiants et l’humour omniprésent pendant toute cette partie du film reflètent fidèlement les premières aventures des X-Men où l’aspect groupe d’adolescents parfois insouciant était très présent. Les facéties d’Iceberg, sont simplement remplacées par celle du Hurleur et de Havok. Azazel n’est pas un personnage très emblématique de l’univers des X-Men. J’ai cependant trouvé très intéressant le choix de ce personnage, double machiavélique de Diablo. Il montre à quel point porté par de mauvaises intentions, le pouvoir de téléportation peut être terrifiant. Quelques volutes de fumée et deux sons suffisent à susciter l’horreur de corps qui s’écrasent au sol.
Les effets spéciaux sont également une franche réussite. Pas d’esbroufe et de surenchère inutile, dans le genre de cette scène de
X-Men 2 où Ororo provoque une nuée de tornades qui ne servent à rien d’autre qu’à illustrer le savoir faire des petits génies des SFX. Chaque manifestation de pouvoir sonne juste, en particulier celle de Xavier tout en subtilité, celle de Erik tout en puissance et celle de Shaw tout en effet de démultiplication de l’énergie. L’effet de la peau de diamant d’Emma Frost est tout simplement magnifique. Le climax final avec les armées des deux blocs qui se font face pendant que ce joue un duel fraternel de convictions est intense et palpitant. L‘utilisation du split-screen lors des scènes d’apprentissage, permet d’accentuer la simultanéité des évènements et de montrer à quel point Charles s’investit auprès de chaque élève. Les scènes d’action s’équilibrent judicieusement avec les scènes plus intimistes, le côté film d’espionnage très « James Bondien » colle totalement à l’ére des sixties. La bande originale s’accorde parfaitement aux images mêlant drame, humour, héroïsme et émotion. Enfin saluons le fait, que pour une fois, chacun parle dans sa langue natale (russe, allemand…), ce qui ajoute à la crédibilité de l’histoire.
X-Men : First Class propose un voyage passionnant mêlant la Grande Histoire à celle des X-Men. A tout point de vue le réalisateur et les scénaristes maitrisent leur sujet. Les quelques libertés qu’ils prennent s’harmonisent parfaitement avec la mythologie de la saga. Merci Mr. Vaughn pour cette première vraie adaptation des X-Men.