The Artist de Michel Hazanavicius
(2011)
Que faut-il attendre de la part d'un film muet, noir et blanc et tourné en format 1.33 en 2011 ? Voilà certainement la question ultime qui fait véritablement défaut à
The Artist. Profitant d'un buzz cannois étonnant et unanime, le film a clairement suscité des attentes énormes et ce, malgré la présence à la réalisation de Michel Hazanavicius, réalisateur des ennuyeux OSS 117 où Jean Dujardin se contentait de refaire une énième fois ses mimiques et grimaces. Pourtant, on était en droit d'attendre au moins un grand film, le réalisateur ayant l'avantage de rendre hommage de façon plus ou moins réussie aux films qui l'on marqué. Rajoutons à cela la récompense de la performance masculine dédiée à Jean Dujardin en mai dernier qui ne faisait qu'accroître l'impatience devant un tel film. Car à l'heure où le cinéma numérique, les nouveaux formats et la 3D changent radicalement la face du Septième Art, on était clairement en droit d'attendre avec
The Artist un véritable retour aux sources, une preuve que le cinéma peut se contenter de peu de choses pour raconter une grande histoire, mais c'était surtout une remise en question du cinéma d'aujourd'hui que l'on attendait, ou comment un réalisateur clairement inspiré par une autre époque pouvait donner une ultime leçon, celle que l'image prévaut par dessus tout.
Et pourtant, on peut que qu'être terriblement déçu devant
The Artist. Si l'on ne peut qu'applaudir la volonté du réalisateur d'utiliser des technologies aujourd'hui obsolètes, on ne peut que lui reprocher la banalité affligeante qui en découle. Alors oui, le film n'est clairement pas mauvais, se laisse regarder sans aucun ennui (ou presque, le milieu du métrage subit une baisse de rythme) et provoque le sourire, mais c'est tout. Michel Hazanavicius fait l'erreur grossière de se contenter de raconter une histoire (dont la base est pompée sans vergogne sur le chef-d'œuvre de Stanley Donen
Singin' In The Rain) où se posent parfois quelques références plus ou moins bien amenés (si celle de
Citizen Kane est assez subtile, celle qui fait écho au
Cuirassé Potemkine et au montage russe ne sert absolument à rien) et qui se révèle bien plus classique qu'autre chose, un comble pour un métrage qui se cherche à se démarquer le plus possible de la production actuelle. Cela est d'autant plus regrettable que
The Artist est un film qui arrive véritablement à s'exprimer via la forme. Si la prise de risque est finalement assez minime (l'histoire racontée n'a jamais une intrigue difficile à expliquer uniquement par l'image), Hazanavicius se débrouille de fort belle manière, signant quelques jolies scènes mais qui, hélas, manquent fortement d'émotions, la faute à des rôles très stéréotypés (le producteur pur et dur, le serviteur loyal, la star du muet qui connaît la déchéance, la belle et jeune inconnue, etc...), des situations jamais originales et une mise en scène qui n'ose jamais transcender son sujet. Ainsi, si le film comporte quelques beaux plans (notamment le travelling où Jean Dujardin découvre l'immense affiche de son film concurrent), il se révèle extrêmement platonique sur des scènes pourtant vitales, le meilleur exemple étant la scène de danse finale qui ne retrouve jamais le génie visuel que pouvait avoir des réalisateurs comme Donen ou Minnelli, Hazanavicius se contentant d'un bête plan d'ensemble.
Enfin,
The Artist est clairement un film sans surprises, là où quelques bonnes idées font leurs apparitions le métrage ne les développe jamais jusqu'au bout. Ainsi, la scène du rêve sonore pourrait laisser penser une légère intrusion du fantastique au sein du récit, avec un monde sonore et un Jean Dujardin qui resterait muet, ce qui aurait donné quelques chose de carrément ludique et sympathique, mais non. Pour finir, si l'on ne peut qu'applaudir l'interprétation de Jean Dujardin, elle ne vaut clairement pas un prix d'interprétation cannois, Bérénice Bejo étant clairement la grande surprise du métrage pendant que John Goodman et James Cromwell sont sympathiques sans jamais être mémorables.
En bref, si
The Artist se révèle être un film sympathique sur de nombreux niveaux, il se révèle extrêmement vain de par le choix de sa forme qui est bien plus un moyen original de créer l'interrogation (et donc de vendre le film) plutôt qu'un véritable choix artistique transcendant.
NOTE : 6/10