Deep Red
9/10Ne connaissant plus très bien la filmographie d'Argento (je les ai tous vu minot sur canal le samedi soir mais impossible d'en avoir un souvenir limpide!), je décide donc de les revoir en commençant par son maitre étalon (c'est pas moi qui le dit mais le peuple!). Deep Red semble donc considéré par beaucoup comme LE Giallo ultime.
Bon je ne sais pas si c'est l'age de raison qui fait ça mais faut reconnaitre que c'est une sacrée réussite visuelle et artistique. Partant d'une enquete finalement très linéaire, Argento va la sublimer au moyen d'une réalisation parfaite faisant écho à la période dorée voyeuriste de De Palma. On ne compte plus les mouvements de caméra classieux, les gros plans magnifiques et les compositions d'images renversantes ou l'on doit regarder partout afin de trouver les clefs du film.
La forme se révèle donc formidable et offre un écrin magnifique à un fond plutot classique mais non moins intéressant. Ayant opté pour la version internationale, je dirais que le rythme est alerte et j'aime assez le croisement des genres opéré par un Argento sur de son sujet. Il n'est effectivement pas aisé de mixer l'enquète policière avec le gore qui tache, le tout matiné d'une certaine fraicheur italienne. Je fais écho aux relations entre les deux protagonistes pour les soubresauts de comédie que certains trouveront inappropriés.
Le film fonctionne donc comme une partie de Cluedo géante dont le dénouement se dévoilera progressivement, au fur et à mesure des découvertes du héros. Mais comme pour sortir du carcan pépère de ce type d'investigation, Argento ponctue son histoire de fulgurances gores bien senties comme pour montrer que l'on est pas là pour se la couler douce. La mort de Macha Meryl se révèle ultra graphique tout comme le brisage de dents d'un des personnages, l'éclatage de tete par une voiture d'un autre ou la décapitation originale du tueur. Ce recours au gore n'est jamais opportuniste puisqu'il s'intègre parfaitement dans une histoire aux multiples changements de tons, ultra maitrisée. Et elle est là la force d'Argento! Celle finalement de nous manipuler par l'image (le tueur est dévoilé dès le début si l'on regarde bien),
de nous effrayer (toute la scène dans la vieille maison avec la découverte du cadavre momifié) mais aussi de nous faire marrer avec la relation ambigue entre David Hemmings et Daria Nicolodi.
J'avoue avoir été sur le cul d'une telle maitrise du cadre. Le score des Goblins n'est jamais daté et donne une vraie dimension aux mouvements de caméra choisis. Rien n'est fait au hasard et chaque objet ou personnage a sa place. Il faut voir la beauté du cadre dans la rue lorsque le héros est témoin du meurtre de la voyante. Seule le De Palma de Pulsions peut se targuer d'une maitrise visuelle supérieure. Mais faut quand meme avouer que le père Argento a signé une péloche d'une beauté confondante, jamais vieillote, captivante et assurément marquante pour quiconque aime le film de genre matiné d'horreur. Deep red est une franche réussite qui se regarde avec un plaisir évident, malgré les 35 ans au compteur du film et meme si l'on connait l'identité du tueur! Le plaisir est ailleurs, dans la beauté des images mais aussi dans un cocktail horrifico-comédie baroque sacrément couillu.