La fille à la valise (Valerio Zurlini - 1961) - 8,5/10
Abandonnée par son amant pour lequel elle avait tout quitté, Aida (Claudia Cardinale), chanteuse de cabaret, rencontre son jeune frère, Lorenzo (Jacques Perrin). Celui-ci est séduit par cette très jolie femme, et celle-ci se laisse séduire par ce jeune homme si attentionné et fortuné qui l'aide alors qu'elle n'a plus rien. Mais très vite, leurs différences éclatent au grand jour : un écart d'age important, une famille distinguée qui ne laissera pas le petit dernier se déclasser avec une gourgandine... La séparation est inévitable, reste une histoire aussi belle que condamnée d'avance.Un film d'amour marqué par la beauté de ses protagonistes Elle est quand même craquante, non ??Autant l'affirmer tout de suite, le premier atout du film réside dans le glamour de ses comédiens. Claudia Cardinale est plus charmante que jamais, et le film, superbement photographié, n'en finit pas de lui faire prendre des poses et d'offrir à la comédienne des occasions d'utiliser ses talents de séduction. Son personnage est une charmeuse, mutine qui a toujours su jouer, consciemment ou non, de son charme pour obtenir ce qu'elle voulait.
Car on adopte vite le point de vue du jeune héros, et, comme lui, nous sommes sous le charme. Mais le jeune garçon lui aussi est d'une remarquable beauté. Tout comme le Trintignant d'
Eté violent (autre film de Valerio Zurlini que je recommande chaudement), Jacques Perrin (futur producteur et réalisateur, notamment des films animaliers tels que
Microcosmos ou
Le peuple migrateur) est un jeune homme à la beauté frappante, une beauté que met constamment en valeur la mise en scène de Zurlini, et qui rend crédible cet histoire d'amour improbable...
La mise en scène, notamment dans de magnifiques mouvements de caméra et de superbes effets de cadrage a toujours pour effet de fluidifier le récit et de mettre en valeur ses personnages, qui en deviennent vraiment attachants.
Une oeuvre marquée par son époque Une belle variante du champ/contrechampL'Italie de La fille à la valise, c'est l'Italie des sixties, marquée par le déclin des grandes familles aristocratiques et de leurs valeurs puantes (le comportement minable du grand frère) ou ringardes, et l'émergence d'une culture populaire "pop". Le film n'a de cesse d'opposer la liberté d'Aida aux contraintes de Lorenzo. A un point tel que les proches de Lorenzo viendront mettre un terme à la situation, régissant sa vie à sa place. Les parents, mais aussi le curé, symbole des valeurs du passé...
Ce n'est pas que la jeune fille soit plus heureuse, mais elle est dans le présent, libre et d'une insouciance qui ne s'estompe que lorsqu'elle est rattrapée par ses problèmes, et encore... Elle est aussi attirée par l'argent, le clinquant, la danse et les grosses voitures. Elle danse souvent sur de la pop (à deux reprises dans le film), fréquente des musiciens...
Lorenzo, au contraire, est un grand romantique, un timide, et l'on sent sa gêne lors de la soirée où elle fricote avec des gens de son univers... Quand il met de la musique, c'est de l'opéra (dans l'une des plus belles séquences du film, qui voit Claudia Cardinale descendre un escalier sur une somptueuse musique d'opéra). Ses valeurs anciennes se manifestent aussi bien lorsqu'il prend la défense de la jeune fille que lorsque, jaloux, il la suit sans rien dire à la gare. Et quand sa classe sociale se réveille pour intimer à la jeune fille de laisser Lorenzo tranquille, c'est sous la forme d'un curé qui vient lui parler, dans un musée.
Une histoire d'amour impossible, et par là-même, émouvante Une différence sociale subtilement soulignée par la mise en scèneAu final, le mérite de Zurlini est surtout de parvenir à rendre crédible son histoire d'amour, quand bien même on sait qu'elle n'a pas d'avenir possible. On comprend vite que le jeune Lorenzo soit émerveillé par la jeune fille, belle à tomber, on comprend aussi en quoi sa gentillesse, sa noblesse d'âme et son intérêt sincère pour la jeune fille peuvent séduire cette dernière, précisément à un moment de son existence où elle est dans le besoin, un besoin auquel il sait répondre.
Bref, tout en sachant que "ça ne peut pas marcher", on se prend à s'émouvoir des moments de complicité, du tragique de la vie frivole d'Aida, de l'innocence de Lorenzo, de l'immense décalage social entre les deux, rappelé à chaque fois que chacun est confronté à ses proches (parents de Lorenzo, ou anciens amants d'Aida), et même le soir où ils sont ensemble le décalage rend l'entente durable impossible, cette dernière ne revenant qu'une fois qu'Aida s'est débarassée des autres. Ces différences entre eux frappent, parce qu'ils ont aussi en commun une solitude intense, une nostalgie ou une tristesse profonde, qui surgit de temps en temps lorsqu'ils sont ensemble tous les deux.
Bref, La fille à la valise est une histoire d'amour entre un jeune homme issu d'une grande famille, et une femme frivole et sans attache, au coeur des années 60. Superbement cadrée et ponctuée de travellings incroyables, de jeux sur la profondeur de champ et d'une magnifique photographie, c'est un des grands films italiens de la période, et un joli coup de coeur chez moi.