Ce film a une valeur particulière pour moi, puisque c'est le tout premier
Wu Xia Pian que j'ai regardé dans ma vie (ainsi que l'une de mes premières incursions cinématographiques dans le folklore chinois), et j'éprouve une certaine joie à le retrouver dans un master impeccable.
Les ingrédients du film, fantastique, romance, arts-martiaux, comédie, heroic fantasy, appartiennent à un genre bien particulier, le
ghost kung fu comedy, dont le précurseur fut
L'exorciste chinois, réalisé par Sammo Hung en 1980. Le trio du film, un précepteur naïf et maladroit, un maître d'arts-martiaux taoïste, et une femme-fantôme attirant les hommes par son charme, sont ainsi des stéréotypes du genre, sauf que si les autres films mettent plutôt l'accent sur le burlesque et le fantastique,
Histoire de fantômes chinois met en oeuvre un humour plus léger, et insiste de manière évidente sur l'histoire d'amour entre Ning et Hsiao-tsing.
L'atmosphère du film, malgré (ou grâce à) son coté désuet, est vraiment réussie. Dès que l'on se dirige vers les lieux du temple hanté, quelque chose d'onirique et aérien s'y dégage. C'est un univers de rêves duquel se dégage aussi quelque chose d'inquiétant, où souffle un vent omniprésent, où la nuit bleutée enveloppée de brume semble jamais se terminer, est peuplée de loups, de fantômes se déplaçant de façon aérienne dans le mouvement léger d'habits en soie. Elle est aussi un lieu d'affrontements des forces du bien contre le mal avec notamment un maîtres d'arts-martiaux se livrant à des combats ancestraux dotés d'une chorégraphie impossible, avec des sauts défiant la gravité et des pouvoirs surhumains.
La réalisation n'est pas en reste, avec des travelling avant à la
Evil Dead, des angles de caméra au sol ou en hauteur qui brisent la perspective réelle, des plans bucoliques sur le partage du jour et de la nuit, un vrai travail sur la lumière, et un montage nerveux lors des scènes d'action permettant de ne pas trop montrer les effets spéciaux (qui ont un peu vieilli, mais je trouve que ça fait partie du charme du genre). Le bestiaire est aussi bien fourni, à l'image de ses fantômes sexy mais à l'étreinte mortelle, ses zombies amateurs de chair humaine, et un sorcier-arbre doté de branches télescopiques poussant à partir de ses doigts et d'une langue à la longueur étonnante.
Au milieu de cet univers fantastique, avec un folklore tout droit sorti d'une estampille chinoise, naît une histoire d'amour à la fois belle et impossible (superbement interprétée par les deux acteurs les incarnant), entre un être humain maladroit, naïf et à fleur bleue, et un fantôme à la beauté hypnotique, torturé entre le désir d'aimer cet homme éloigné de l'image classique du héros et la nécessité de le sauver des griffes de sa maîtresse qui aspire l'énergie vitale de tous les hommes qu'elle capture. Cette
love story, adaptée de l'une des plus grandes histoires d'amour chinoises, est appuyée par une magnifique B.O., faisant écho à l'expérience de vie toute fraîche en la personne de Ning.
Cette ambiance fantastique à l'aspect à la fois aérien et nerveux, bucolique et magique, et cette histoire d'amour improbable mais belle à mourir, sont donc les deux piliers de ce film à l'exotisme redoutable, et constituent tout ce qui en font le charme et l'intérêt. L'apothéose de la ghost kung fu comedy ad vita.