Avec Un monde parfait, Clint Eastwood réalise un de ses films les plus académiques. Le scope bucolique, le film un des meilleurs du réalisateur pour son fond très Spielbergien auquel Eastwood rend forcément hommage en offrant une relecture du premier film officiel du réalisateur de Duel : Sugarland Express. Les intrigues possèdent des similitudes flagrantes et le personnage joué par Clint est posé sur les mêmes bases que celui de Ben Johnson, figure du western classique devenu ranger dans le film de Spielberg et Eastwood, même character design et autre icône du western, crépusculaire cette fois-ci. Les deux films sont des road-movie texan à travers lesquels véhiculent plusieurs thèmes analogues : l'enfance (dans Sugarland c'était un enfant qui était le but de la course poursuite , dans Un monde parfait, l'enfant est indirectement poursuivi avec son acolyte , Kevin Costner qui signe là un de ses rôles les mieux construits et les plus profonds.
Le choix du cast pour le gamin est réussi : il ne délivre pas un une interprétation très fouillé , c'est un simple gosse dont les réactions collent parfaitement au sujet et au traitement : l’innocence au cœur même de l'histoire. Outre l'aspect presque "remake" d'Un monde parfait, la relecture proposée par le réalisateur de Mystic River est moins "légère" que le film de Spielberg malgré tout aussi pessimiste et profond que son successeur. Les deux films prennent soin de transposée une critique sociale évidente où les flics ne sont pas aussi omniscients qu'ils le pensent : Clint dit même à la fin du film qu"Il ne sait rien. Rien de rien" sur les hommes qu’ils pourchassent , catalogués comme des hors la loi purs et durs. Tout homme à son propre background et le personnage interprété par Costner prouve que tout le film n'est qu'une fugue, un retour à l'enfance malheureusement loin derrière lui mais qu'il poursuit sans relâche (le but est de retrouvé un père isolé en pleine nature, en Alaska, pays sujet aux fantasmes de liberté les plus extrêmes).
A travers l'image paternelle qu'il renvoi à Phillip, lui-même voit l'enfant qu'il était dans les yeux d'un enfant auquel il donne un prénom : celui d'un enfant qu'il n'aura jamais. A la fois père et , inconsciemment, enfant en quête d'un père qui l'abandonna. L'âme torturée du faux criminel -éduqué et la majeur partie du temps honnête- dérive le long des routes à travers une double quête initiatique déchirante où l'émotion prime sur tout le reste , en particulier la storyline des policiers et rangers et l'humour pince sans rires un peu en décalage avec la partie principale. Du côté de la Loi, les gens sont traités avec manichéisme (ironie du sort puisque le film nous montre justement que les flics, le FBI , et la justice ne voient pas au-delà des apparences et du tir à vue) et des gags pas vraiment subtils.
On sent que le réalisateur souligne trop son propos. De plus, là où Spielberg très évasif en se concentrant presque essentiellement sur les trois personnages centraux du film, Clint veut développer un peu tout le monde (Laura Derne inutile, la story sur Eastwood est mal amenée, vite oubliée au milieu de tout le reste). Entre le rapport homme/femme sur le lieu de travail , l’évolution des méthodes de travail etc...le film veut brasse large mais ne parvient qu'à rester trop sobre et trop inégal : toute la partie avec Costner et le gamin c'est pourtant excellent en matière d'écriture et de sincérité. On pourrait même voir un hommage (encore à Spielberg) à la Couleur Pourpre lors de la scène dans la maison de la famille de Mack le fermier qui bat son grosse (et la mise en scène jumelle n'est pas anodine). L’ambiance de la scène bourrée de tension où l'enfance volée de Butch transparait comme jamais et où, envahit par la colère il ne se contrôle plus : c'est très prenant et très dérangeant car on doute ce qu'il s'apprête à faire. .
La relation Phillip/Butch (père/fils mais aussi amicale) fonctionne à merveilles et c'est vraiment tout l'intérêt du film. Clint fait du Clint et le final est la meilleure scène (même techniquement grâce à la steady cam et les plans "western" : ça a offre une virtuosité non négligeable à l'instant crucial du fil mais surtout des destins croisés : l'enfant dit au revoir à l'adulte mourant et c'est tout un monde qui s'effondre, loin d'être parfait celui-là) mais la musique est très peu présente, en retrait , et un peu superflue.