Certains l'aiment chaud |
Réalisé par Billy Wilder
Avec Marilyn Monroe, Tony Curtis, Jack Lemmon
Comédie, USA, 2h00- 1959 |
10/10 |
Certains l’aiment chaud assure un retour réussi sur le devant de la scène d’un genre alors tombé en désuétude, la screwball comedy qui connut son heure de gloire dans les années 30 et 40, avec ses dialogues percutants et ses enchainements de situations cocasses.
Billy Wilder adapte très librement le postulat de base (des hommes se travestissent en femmes pour intégrer un orchestre féminin) du film Fanfaren der Liebe réalisé par Kurt Hoffman en 1951, lui-même remake de Fanfare d’amour de Richard Pottier sorti en 1935. Mais il s’écarte complètement de ces petites comédies romantiques de facture très classique, pour nous offrir une œuvre qui mélange harmonieusement la farce burlesque, la comédie de poursuites, la comédie de mœurs sur les relations hommes femmes et la parodie de films de gangsters agrémenté d’une touche de musical.
Certains l’aiment chaud débute par une course poursuite rocambolesque entre un corbillard rempli d’alcool et une voiture de police qui dès les premières minutes, place le film sous le signe de la dissimulation et de la comédie des apparences trompeuses. Car tout le film est un magistral jeu de masques dans lequel, l’inversion et la transgression des genres, deux thématiques chères à
Billy Wilder sont reines. Une boutique de pompes funèbres abrite un bar clandestin, deux musiciens se travestissent en femmes pour intégrer un orchestre féminin, l’icône sexuelle se révèle une jeune femme naïve, les grooms et les millionnaires sont de vrais cochons, les gangsters se réunissent en congrès annuel dans un hôtel balnéaire fréquenté par des hommes fortunés pour discuter de leurs affaires troubles tout en chantant «
For He’s a Jolly Good Fellow». Cette comédie farfelue est un immense pied de nez adressé au très rigide Code Hayes. Le titre «
Some Like it Hot », les dialogues et les chansons ont le plus souvent un double sens sexuel.
Billy Wilder aborde sur un ton satirique l’impuissance, la frigidité, les multiples amants, l’attrait du luxe et de l’argent, et le harcèlement. Les quiproquos amoureux (des hommes dansent ensemble, des femmes s’embrassent…) alternent avec un duel de drague entre Joe et Jerry pour conquérir Sugar. Le réalisateur nous gratifie de multiples gros plans sur des déhanchements harmonieux qui ne sont d’ailleurs pas tous ceux de femmes… Comme Joe et Jerry, le spectateur s’insinue dans les petits secrets et l’intimité des femmes, notamment dans une amusante séquence de wagon-lit. Deux hommes au paradis, mais qui ne peuvent toucher le fruit défendu, sous peine d’être démasqués. Le tout sans aucune vulgarité ou grossièreté. Un film qui traite avec beaucoup d’humour, de subtilité et de légèreté des relations hommes/femmes.
Billy Wilder choisit de tourner son film en noir et blanc afin de respecter l’esthétique des films des années 30, période à laquelle se situe son intrigue. Un pari audacieux, au temps où la couleur triomphe ! Un pari réussi, aux contrastes et aux éclairages sublimes qui donne indéniablement au film ce côté intemporel. Le rythme du film est parfaitement maitrisé et les situations cocasses s’enchainent sans temps mort. Wilder revisite avec humour certains grands classiques : le massacre de la Saint Valentin, les hilarantes courses poursuites dans l’hôtel à la mode Marx Brothers, un rendez-vous galant très style « Cary Grant », une variation de la fameuse scène de la bouche de métro de 7 ans de réflexion et même le traditionnel « gâteau surprise » de Chantons sous la pluie, en nettement plus explosif. Certains l’aiment chaud pourrait presque être qualifié de film musical, tant les passages musicaux sont essentiels au développement de l’histoire. Chaque chanson illustre l’humeur de Sugar , plus particulièrement l’ inoubliable « I Wanna Be Loved By You » et le déchirant « I’m Trough With Love ». La bande son très jazzy s’accorde à merveille avec les différentes péripéties.
Cette mascarade ne serait rien sans un casting éblouissant pour lui donner vie.
Tony Curtis (Joe) porte un double masque dans les rôles de Joséphine et Junior. Savourons l’ironie, d’avoir choisi cet acteur à la réputation de tombeur et de playboy, pour lui faire porter les robes de Joséphine. Sa mine offusquée et ses multiples tentatives pour échapper à un jeune garçon d’étage trop entreprenant sont désopilantes. Sa démarche chaloupée et son imitation de
Cary Grant sont également inoubliables. Indéniablement son meilleur rôle de comédie.
Jack Lemmon est définitivement Daphné. Il incarne ce rôle avec une telle perfection, un tel enthousiasme que lorsque je pense à cet acteur, c’est toujours l’image de Daphné qui s’impose à mon esprit. Dans la scène du wagon-lit, entourée de toutes ces jolies femmes, il ressemble à un enfant devant un magasin de confiserie. Il se fond dans son déguisement, jusqu’à en perdre son identité et ses repères, dans la scène de tango la plus tordante de l’histoire du cinéma.
Marilyn Monroe est resplendissante dans le rôle de Sugar, la vamp, au grand coeur qui fait toujours les mauvais choix amoureux et qui veut épouser un millionnaire. Je ne suis pas une fan de cette actrice, mais elle excelle dans cette comédie et à aucun moment on ne devine qu’elle était pourtant en pleine période de désarroi et de caprices.
Billy Wilder sait jouer des atouts de sa star par une mise en scène, des jeux de lumière et des costumes qui mettent sa plastique en valeur.
Les seconds rôles ne sont pas en reste et livrent de grandes performances. George Raft génial dans le rôle de Spats Columbo, tout comme Joe E. Brown dans le rôle du vieux millionnaire Osgood Fielding III qui fait une cour assidue à Daphné, car il aime les femmes bien charpentées.
Dans cette comédie des apparences où chacun révèle sa véritable identité dans la scène finale, comme dans la plus pure tradition du théâtre de Boulevard, personne n’est dupe, ni la chanteuse moins naïve qu’il n’y paraît, ni même le millionnaire : « Nobody is Perfect » ! Billy Wilder disait que le plus important dans un film, était de trouver la chute idéale. Avec cette réplique passée à la postérité, il clôture sa comédie burlesque dans un grand éclat de rire.
Un cocktail d’humour, de fantaisie et d’émotion pour un chef d’œuvre indémodable.