L.A. Confidential |
Réalisé par Curtis Hanson
Avec Kevin Spacey, Kim Bassinger, Danny DeVito, Russell Crowe, Guy Pearce, James Cromwell, Ron Rifkin, David Strathairn
Polar, USA, 2h18- 1997 |
9/10 |
Attention quelques spoilers.
Résumé : Los Angeles, années 50. Après la chute du caïd Mickey Cohen, la ville connaît une vague de règlements de comptes. Dans cette ambiance déjà explosive, la police se mobilise pour trouver les coupables du massacre du « Nite Owl Coffee Shop », au cours duquel un ancien flic est tombé.
L.A. Confidential est sans conteste la meilleure adaptation cinématographique d’une oeuvre de James Ellroy, non pas, par sa fidélité à la trame du roman, car le film s’en écarte beaucoup, mais par sa fidélité à l’ambiance et aux thématiques (fresque du Los Angeles des années 50 où la corruption est devenue une véritable institution et de ses policiers qui naviguent en eaux troubles).
Le film de Curtis Hanson marque un retour réussi au Film-noir, ce genre qui connu son heure de gloire dans les années 40-50. La reconstitution du Los Angeles des années 50, magnifiée par une photographie sobre et sombre, est criante de vérité grâce à l’excellent travail sur les décors de Jeannine Oppewall et sur les costumes de Ruth Myers. S’ajoute la bande originale de Jerry Goldsmith qui s’accorde parfaitement à chaque humeur et à chaque ambiance. Quant au contexte socio-historique, il est judicieusement résumé au cours du générique avec quelques images d’archives sur la fin de la guerre, sur la naissance de l’American Way of Life, sur l’image glamour de Los Angeles et d’Hollywood, avec ses orangeraies, ses plages de sable fin, ses avenues bordées de palmiers, ses stars, en somme le paradis sur terre pour l’américain moyen. Mais derrière le rêve, le raffinement, le strass et les paillettes se profile une réalité plus sordide. « There’s trouble in paradise » nous dit la voix off de Sid Hudgens, le rédacteur en chef du tabloïd Hush-Hush, spécialiste des révélations scandaleuses. Chantage, pots de vin, magouilles, trafics en tout genre, prostitution… sont le lot quotidien de la cité des anges. Il y a toujours quelqu’un pour tirer profit du secret d’autrui, toujours un photographe pour immortaliser les fautes commises. A Los Angeles, bien des rêves de célébrité ou de fortune, s’achèvent dans les sous-sols de maisons de banlieue, dans des motels glauques ou dans de minables coffee shop.
Dans cette ville aux apparences trompeuses, personne n’est véritablement ce qu’il paraît. Politiciens, millionnaires, policiers, stars, journalistes et malfrats se confondent. Ainsi, les mécènes millionnaires se révèlent proxénètes, les policiers se font informateurs de la presse à scandales et les call-girls de luxe peuvent avoir le visage de Veronica Lake. Nul n’est à l’abri de ce jeu de miroir dans lequel il devient difficile de reconnaître le vrai du faux, à l’exemple de cette scène avec Lana Turner. Sur le petit écran, les policiers sont des modèles, des héros, comme dans «
Badge of Honor », la série à succès, les véritables « anges » de Los Angeles. Dans la réalité, la corruption gangrènent une police souvent plus dangereuse et plus violente que les gangsters qu’elle est censée poursuivre, attirée par les sirènes du luxe et de l’argent facile, dans une ville en pleine évolution. Peu importe les coupables, la vérité ou la justice, pourvu que l’arrestation se déroulent sous les flashs des journalistes et redore le blason d’une police marquée du sceau de la violence et du racisme.
Soulignons, le montage efficace qui parvient à rendre limpide une intrigue pourtant complexe, riche en rebondissements et aux pistes multiples, dans laquelle se croisent et s’entrecroisent trois inspecteurs aux styles diamétralement opposés, ainsi qu’une bonne dizaine de personnages clés. Malgré cette pléthore de personnages, aucun n’est sacrifié, tous sont superbement écrits et disposent d’une véritable épaisseur et présence à l’écran. Une prouesse qui témoigne d’une bonne maîtrise de la direction d’acteur. Tous les acteurs sont parfaits dans leurs rôles respectifs, exactement dans le ton qu’il convient. Il n’y a aucune erreur de casting.
En premier lieu,
Russell Crowe qui incarne Bud White, la brute sentimentale, l’impulsif, le protecteur des femmes agressées. Il use de son badge et de la violence pour imposer une justice expéditive, dans laquelle il tient le rôle du juge, du jury et du bourreau.. Il enquête avec ses poings plutôt qu’avec sa tête, bien qu’il soit fort capable d’assembler les pièces du puzzle de l’énigmatique massacre de « l’Oiseau de nuit ». En quelque sorte un homme de main de la police dont les convictions s’ébranlent peu à peu, car il n’est pas prêt à franchir toutes les limites.
Crowe incarne parfaitement ce personnage qui doit en permanence contrôler et mesurer une colère qui explose parfois, pour éviter de basculer de l’autre côté de la loi. La mélancolie hante son regard et apporte un zest de fragilité à cet écorché vif.
Guy Pearce est Ed Exley, le flic modèle et intègre, qui veut marcher dans les pas de son père, une légende de la police et le dépasser en tout point. Il oscille en permanence entre ses idéaux et l’ambition qui le dévore. Il comprendra qu’il faut savoir faire quelques compromis avec la loi et savoir utiliser les médias et les armes du pouvoir pour enrayer le crime, la corruption, et faire triompher la vérité.
Pearce est parfait dans le rôle de ce flic droit et froid qui nous semble plutôt antipathique, au premier abord et auquel on finit par s’attacher.
Kevin Spacey est Jack Vincennes, le flic qui a perdu ses convictions. Consultant sur la série à succès «
Badge of Honor », il préfère vivre sous les projecteurs d’Hollywood que de poursuivre les criminels. Il reçoit régulièrement des pots de vin de Sid Hudgens, le rédacteur en chef du tabloïd Hush Hush Magazine, pour des informations croustillantes et scandaleuses. Au fil des investigations sur le massacre du « Nite Owl », Il redécouvre le plaisir de l’enquête.
Kevin Spacey apporte cette touche de confiance, ce zest d’arrogance et ce côté frimeur qui caractérisent si bien ce personnage.
Autour de ces trois flics gravitent une faune hétéroclite qui représente toutes les facettes inavouables du Los Angeles des années 50. Kim Bassinger irradie l’écran dans le rôle de Lynn Bracken, la call-girl de luxe au grand cœur, sosie de Veronica Lake. Elle est la femme fatale à la fois manipulatrice et manipulée. Une femme frêle et forte qu’interprète avec justesse Kim Bassinger. Danny DeVito est Sid Hudgens, le rédacteur en chef d’un journal à scandale. Il incarne à la perfection ce magouilleur né, prêt à tout pour le scoop. Son personnage apporte une bonne dose d’humour cynique au film. Ajoutons James Cromwell, dans son meilleur rôle, celui de Dudley Smith, le chef de la police, rusé et manipulateur, mais aussi David Strathairn impeccable dans le rôle d’un millionnaire aux affaires troubles. Dans L.A. Confidential, l’image mythique de la cité des anges s’effondre, pour laisser la place aux traîtrises, aux faits divers sordides et aux machinations. Les hommes sont faillibles et ont tous leur part d’ombre.
L.A. Confidential est un polar sombre et pessimiste, une visite de l’autre côté du miroir d’Hollywood et de Los Angeles, très loin de l’imagerie populaire de la fabrique des rêves. Un immense film qui eut le malheur de concourir aux Oscars, la même année que Titanic.