Brazil est considéré comme le chef d'oeuvre de Terry Gilliam et malgré les réserves que l'on peut émettre sur son statut, ce long-métrage reste assez grandiose et moins "fou" que certains autres œuvres du cinéaste. Brazil reste plus soft, plus concentré sur son intrigue et son personnage principal quitte à délaisser le reste des protagonistes: De Niro fait juste 2-3 apparitions (savoureuses toutefois) et Kim Greist n'a strictement aucun relief. Son caracter design est celui d'un femme "masculine" et rebelle mais ça s'arrête là. Ian Holm est comme d’habitude sous exploité mais ses apparitions sont assez drôles et niveau acting c'est toujours un homme très investit. reste Jonathan Pryce, véritable héros du film que l'on suit du début à la fin.
Comme d'habitude , Gilliam possède son univers assez spécial et l'humour british est ici encore plus subtil que dans ses autres films Brazil reste avant tout une œuvre assez sérieuse qui bénéficie d'un arrière-plan assez dépressif vu l'univers du film (totalitarisme, la bureaucratie et l’administration qui étouffe tout, la paperasse envahissante, la consommation (Gilliam ne force pas là-dessus mais les panneaux publicitaires très nombreux dans la ville -et la route dont le paysage est bloqué de part et d'autre par une suite d'affiches- sont assez évocateurs + la chirurgie esthétique dont Gilliam se moque royalement). le scénario fait notamment un parallèle sur la paranoia lié au terrorisme.
Il y a tant de richesses à l'écran (que ce soit les décors, la gestion des figurants, les petits détails, la subtilité des dialogues et de certaines situations ainsi que les réactions des personnages) qu'il est parfois difficile de tout saisir et d'être réceptif à l'humour ou au fond de Brazil. Gilliam ne maitrise pas toujours son script ni son équilibre et se perd parfois un peu en route, dans son délire semble t-il, pour revenir en force lors de grands finals explosifs et fous-fous. Malgré cette tare, il profite à fond du 35 mm et de mouvements de caméra toujours appréciables, grand champ, grand angle.
La satyre sociale est pas vraiment le sujet du film mais la toile de fond est très présente. Le point central reste Sam Lowry et sa quête de l'amour, de la liberté, de l'affranchissement d’une société pressée, obsédé par le travail, les règles... (les informations personnelles et confidentielles qu'on doit posséder sur chaque habitant ; les flics qui rentrent comem des bourrins dans les appartements sans frapper, sans réfléchir etc...).
Le style visuel reste propre au cinéaste donc ça peut en rebuter certains; les décor cartons-pâtes possèdent peu de détails et collent parfaitement ici à l’ambiance du film. De Niro campe préfigure Mario Bros et voltige de batiment en batiment pour réparer des tuyaux et échapper à la police qui le traque parce que c'est un terroriste. Sam Lowry est un simple fonctionnaire qui déclenche -malgré lui- la zizanie au sein de ce système totalitaire dans lequel Gilliam s’amuse comme un fou.
Pourtant, on a plutôt l’impression que Gilliam se laisse un peu trop aller et ne "pense" pas vraiment ses plans ou ses travellings. Même sur le script malgré la surabondance de références (peinture autant que cinéphile et littéraire.C'est comme un balai qu'il met en scène mais en improvisant et même si cela permet quelques scènes mémorables (les couloirs interminables où les gens courent après leur chef pour lui demander de l'aide le tout en 2- plans séquences ; les scènes de rêves kitchs et en décalage avec le reste ça fonctionne même si ça parait un peu brouillon). Le côté "confus" reste cohérent avec l'univers de Gillia met il signe là une de ses fins les plus sombres et pessimistes avec The 12 Monkeys. Lowry n'échappe pas au lavage de cerveau et ne peut donc pas accéder physiquement à cette liberté champêtre ni à l’amour espéré auquel il après lequel il courait. La société a eu raison de lui (et on peut même penser que De Niro n'a jamais existé et n'était qu'un fantasme de super-héros révolutionnaire aidant les esprits "libres" à s'évader. la réalité rattrape vite Lowry qui vit donc son "libérateur" noyé sous la paperasse devenue l'arme de la bureaucratie. Le film possède un côté film de détective et clin d’œil à des cités comme Gotham (encore une fois on pense à Batman).
Expressionniste, Brazil montre encore une fois un Gilliam influencé par les peintures de Dali.
7/10