Les frères Coen signent là un western d'une beauté imparable grâce au travail de l'immense génie Roger Deakins, directeur photo hors pair qui enrobe l'image d'une élégance envoutante, voir hypnotique où chaque plan pourrait faire l'objet d'analyses. Carter Burwell compose une musique un peu trop répétitive sur la première partie mais la sonorité et les mélodies très classiques, au piano, renforcent l'académisme magistrale du film. Le style des Coen est très sobre certes mais souvent c'est de la sobriété camouflée car le travail sur la composition des plans leur permet souvent d'offrir un rendu orignal et grandiose : il suffit de voir la fusillade final, le fameux face à face à cheval où le plan de dos de Laboeuf et de la petite offrent un putain de profondeur de champ et une netteté impériale. Le point de vue est excellent, c'est du jamais vu et même si aux yeux de certains ce n'est ps grand-chose ça mérite pourtant la palme du placement de caméra le plus couillu qu'on ait vu depuis longtemps. Idem pour la chevauchée nocturne à l beauté époustouflante. Le tout sans CGI, juste un matériel spécifique et un chef op de génie.
Sincèrement, vous aviez vu un western aussi rafraichissant depuis quand ?
C'est techniquement précis et la perfection n'est jamais loin quant à la fluidité du long-métrage. Les scènes de nuits sont dignes des plus maitrisées qui soient, les pétarades sont pondérées mais les coups portant au loin et au oreilles comme pour souligner la vastitude des paysages et l'isolement des protagonistes comme pour briser le calme suspecté de tension qui règne lors du dialogue dans la cabane et le rythme linéaire permet d'apprécier le film comme un mélange de plusieurs genres : western pur donc, comédie dramatique, road-movie, aventure...Les personnages sont très attachants, leurs caractères superbement développés et leur relation est touchante. Sans jamais en faire des tonnes les Coens restent même très mesurées à ce niveau. L’émotion est là sans être envahissante ni omniprésente.
L'écriture littéraire (bon c'est adapté d'un roman mais les Coen lui rendent justice à merveilles et ne dévient du matériau de base que très peu : ils ajoutent même seulement le médecin-trappeur ours : apparition incongrue , étrange et décalée comme ils les aiment et le côté comique est bien amené: jamais ridicule, drôle sans être non plus hilarant: c'est le coté cocasse de certaines scènes qui amusent comme Mattie devant les toilettes qui parle avec Cogburn
)
La splendeur visuelle ne rivalise qu'avec un seul autre western : "The Assassination of Jesse Jame by the coward Robert Ford" (du même directeur photo). Deux western atypiques et à la grandeur indéniable.
Le film des Coen se veut plus "humain" et plus abordable en rendant hommage à deux styles de western : le classique et le crépusculaire car True Grit ne peut se ranger seulement ni dans l'une ni dans l'autre. LaBoeuf , Mattie, l'ambiance et la bande de malfrats se rapprochent largement du western classique tandis que Cogburn représente clairement l’ambiguïté du film, un genre d'anti-héros alcoolique, ventru, bourru et vivant ses dernières années. Un écho d'"Unforgiven"de Clint Eastwood dont les Coen reprennent certains plans , une partie de la narration, le trio à cheval , la tension qui monte ?
Les cinéastes se permettent quelques plans inhérent au genre, signature de Leone et c'est obligé d'en placer au moins un de toute façon.
Là où le film prend des liberté c'est dans les personnages crée par l'auteur du roman : l’héroïne est une jeune fille au caractère bien trempé, pleine de verve et de fougue mais terriblement attachante grâce à l’innocence qui se laisse ressentir à de rares moments comme la scène autour du feu quand elle propose de faire un jeu...
Et puis bon c'est quand même politiquement incorrect de mettre une si jeune fille en héroïne qui désire la vengeance par la mort du bourreau de son père. Le traitement on est vraiment proche des westerns classiques : Cogburn qui maltraitent deux petits Indiens au début, un des condamnés est indien et on ne le laisse pas dire ses dernières mots. Les réalisateurs ne prennent pas la peine d'instaurer un regard critique là-dessus. C’est pile poile dans l'esprit des anciens westerns et ça peut déplaire mais faut pas y voir une prise de position des frères cinéastes. Quoique...c’est discutable.
N’empêche que la gamine est une révélation et on espère grandement la voir au plus vite.
Cogburn est interprété à la perfection par "Lebowski" Jeff Bridges au charisme palpable. Son travail est à saluer (l'accent et l'intonation de sa voix...c'est de la grand interprétation) alors que pour Matt Damon c'est moins marquant. Le personnage est involontairement drôle et ça le sauve d'une certaine transparence. Les bad guy (Brolin et Pepper) sont sous exploités et c'est vraiment dommage mais le final est franchement jouissif: le maquillage, les accents, le dialogue à distance entre Ned et Cogburn c'est bien trouvé, la portée des voix et les effets sonores sont exceptionnels. On est vraiment pris au jeu mais à au final le suspens autour du tueur que Mattie veut attraper ne trouve pas vraiment une conclusion sensationnelle ni mémorable. On a de quoi rester notre faim.
True Grit a tout d'un western grand public à l'écriture magistrale; à l'interprétation impériale et à la photographie divine.
Un grand cru, raffiné et plaisant. Une aventure westernienne très sobre mais de haute qualité. Sans peine, les Coen adaptent un livre en y forgeant leur propre identité, visuelle et scénaristique. Un classique instantané.
Mon plan préféré Une des scènes mémorables c'est tout simplement Mattie qui débarque au tribunal et qui découvre Cogburn de loin, puis la caméra épouse le point de vue de Mattie (pas de plans subjectifs bidons mais le travelling suggère les déplacement de la petite fille qui entend d'abord la voix caverneuse et les mots mâchés du Sheriff avant de passer derrière des gens et se rapprocher de plus ne plus d'un homme qui pourrait devenir une icône de l'Ouest aussi importante que d'autres si le genre n'était pas mort).
Je crois qu'on ne peut que s'incliner sur la gestion de l'espace et de la lumière.
Plan écho à Unforgiven qui enterrait le western crépusculaire ; True Grit est le testament du western classique .
9/10