Les films d'horreur efficaces et bien réalisés sont toujours rares, c'est donc avec une certaine euphorie que l'on en découvre un en salles. Le dernier en date remontait déjà à quelques années (je parle bien entendu de l'excellent
[REC]) et c'est donc James Wan qui réalise le premier bon film d'épouvante de la seconde décennie 00's avec son
Insidious, film melting-pot à la fois jouissif et terriblement ingénieux. Rien qu'à voir le nom du réalisateur, on se doute déjà que le film sera bon, Wan ayant en effet réalisé
Saw (très bon film hélas oublié depuis que la saga que l'on connaît aujourd'hui à fait passer le gore avant la qualité) et le surprenant
Death Sentence, seule la présence d'Oren Peli, réalisateur du médiocre
Paranormal Activity, pouvait faire craindre un film indigeste. Et même si
Insidious emprunte beaucoup au film de Peli (notamment dans sa première partie basée dur l'attente), il n'en reste pas moins que le talent de James Wan prend le dessus, en particulier dans la manière d'amener la peur. Et sur ce point là, il n'y a pas lieu à l'interrogation :
Insidious écrase tout simplement la totalité de la concurrence des quatre dernières années. Rien que ça.
Surprenant, c'est le mot idéal pour qualifier
Insidious. Démarrant avec une musique glaçante empruntant beaucoup au
Shining de Stanley Kubrick sur l'apparition d'un titre qui en marquera plus d'un par son côté extrêmement malsain, le film de James Wan ne cherche clairement pas à s'inspirer des modes actuelles du genre et s'en affranchit plus qu'autre chose en puisant son inspiration dans les classiques des années 70 et 80.
The Exorcist,
Poltergeist,
The Others,
Amityville et
Nightmare on Elm Street sont autant de références que James Wan s'amuse à disséminer un peu partout dans son film-hommage tout en créant sa propre mythologie, son propre univers. Vient alors une première partie qui fait étrangement penser à
Paranormal Activity dans sa construction (phénomènes inexplicables, famille dans le doute, traumatisme, etc...) mais il suffit d'arriver au milieu du métrage pour se rendre compte que cette première moitié est pleinement justifiée, créant l'attente (et donc le stress) de phénomènes qui se lâcheront totalement dans la dernière demi-heure. C'est bien simple, à partir du moment où la famille déménage à nouveau, on assiste à quelques uns des plus beaux moments de l'horreur vus ces vingt, voire trente dernières années dans une salle de cinéma. Toujours judicieusement placés et parfaitement construits (preuve que Wan connaît plus que bien les mécaniques du genre), les jump-scares de
Insidious ne ressemblent jamais à ce qui se fait habituellement (à savoir le coup du mari dans le miroir, le chat derrière un objet, etc...) mais s'en inspirent pour reprendre les codes du genre et les détourner pour surprendre le public d'aujourd'hui (l'exemple le plus concret de ce procédé étant le passage de l'enfant fantôme, ou comment utiliser le plan-séquence non pas pour créer la peur mais pour l'instaurer quelques minutes plus tard). Mieux encore, James Wan arrive de façon géniale à placer ses jump-scares en fonction du rythme et de ce qui se passe à l'écran, de cette technique en découle certainement le passage le plus effrayant du film, à savoir cette séquence où la mère du héros raconte son rêve (événement passé donc aucune raison d'avoir peur) avant d'apercevoir l'entité de ce même rêve juste devant elle via un plan rapide mais marquant. Le plus jouissif étant de se rendre compte que les jump-scares de
Insidious ne disparaissent pas une fois sorti de la première vision, ils hantent véritablement l'esprit du spectateur comme peu de film du genre savent le faire.
Jusque là,
Insidious peut paraître comme un film brillant mais dénué d'originalité, notamment sur le déroulement de l'histoire. Mais c'est sans compter sur les vingt dernières minutes du métrage, après la séquence d'invocation satanique la plus folle jamais vue sur un écran de cinéma, vingt minutes totalement décalées et pourtant collant parfaitement à l'histoire racontée, vingt minutes extrêmement intenses qui composent clairement le meilleur moment du film. Sur la forme, c'est très surprenant : imaginez James Wan qui, avec à peine quelques milliers de dollars (autant dire une misère) réalise une séquence entière se déroulant dans un monde parallèle, une sorte d'univers de Terry Gilliam sous acides avec un côté malsain ultra prononcé. Et le pire, c'est que cette scène à elle seule vaut véritablement la vision du film. On y retrouve une réalisation excellente (superbes passages dans le brouillard), des bonnes idées exploitées à chaque plan (notamment le panoramique faisant un aller et retour sur le personnage du père pour faire découvrir un démon) et surtout l’utilisation de la plupart des peurs infantiles refoulées en chacun de nous (le clown, le diable, le noir, les poupées de porcelaine, etc...) qui rendent la séquence entière très intense. On pourra, bien sur, reprocher la fin un peu facile du film (bien qu'elle s'inscrive finalement assez bien dans le déroulement de l'histoire), des effets visuels un peu cheap (conséquence du peu de budget donné à Wan pour peaufiner son œuvre) et un jeu d'acteur parfois approximatif (notamment Rose Byrne, pas toujours convaincante quand il s'agit de mimer la peur), mais cela reste très secondaire tant
Insidious arrive à faire ce que peu de films du genre tentent chaque année : faire peur à son public de façon durable tout en offrant un spectacle cinématographique de qualité.