The Host de Bong Joon-ho
(2006)
Après un Memories Of Murder qui repoussait en 2003 les codes du film de serial-killer pour en inventer d'autres, le cinéaste Bong Joon-ho signe avec The Host un projet extrêmement ambitieux pour le cinéma coréen. Sur le papier, The Host est clairement une redite du film de monstre à l'américaine, où une créature étrange et dangereuse fait apparition dans une mégalopole humaine et où une famille unie va tout faire pour sauver l'un des leurs. Pourtant, et avec toute la maîtrise cinématographique dont Bong Joon-ho a fait preuve sur son précédent film, The Host est véritablement une œuvre atypique, lorgnant entre le film de monstre tel qu'on ne l'avait jamais vu avant, entre le comique assumé (le militaire qui se casse la gueule devant tout le monde ) et le drame familial. Le film ne donne jamais l'impression d'avoir été déjà vu avant, chaque scène apportant sans cesse un soupçon d'originalité qui fait finalement toute la différence.
Sur la forme, le film ose et assume plusieurs partis pris pourtant dangereux, comme cette première apparition du monstre qui en surprendra plus d'un : contrairement au cinéma américain où l'on a tendance à cacher la créature pour la dévoiler petit à petit, Bong Joon-ho la dévoile totalement au grand jour, en un plan-séquence. Sur ce film, le cinéaste fait aussi preuve encore une fois d'une maîtrise du montage assez remarquable (plusieurs jeux expérimentaux sur la temporalité des évènements notamment, on a même un passage entier en milieu de film où l'on quitte les personnages principaux pour introduire un couple de survivants), tout étant compréhensible malgré la dynamique forcée de certaines séquences. Enfin, The Host est aussi l'occasion pour lui de signer certainement quelques uns de ses plus beaux plans, comme ce suicide du haut d'un pont, les quais de Séoul déserts ou ses travellings à faire pâlir de jalousie la majorité de la production coréenne. Sur le fond, là aussi, on découvre un genre nouveau, tant The Host est clairement une critique de l'omniprésence des forces américaines en Corée du Sud, présentés comme des incompétents manipulateurs se croyant invincibles et surtout comme les créateurs indirects de la créature, représentation des maux d'une Corée qui souffre indirectement de son indépendance.
Avec une galerie de personnages loufoques et plus vrais que nature (mentions spéciales à Bae Donna, malgré une présence à l'écran un peu trop faible, au père aimant à la dernière scène géniale et surtout au personnage de Song Kang-ho, l'un des meilleurs acteurs du monde qui joue là un protagoniste aux antipodes de ce qu'il a l'habitude de jouer, à savoir un loser total qui dégage pourtant de la sympathie et énormément d'émotion), Bong Joon-ho mélange avec brio les séquences tétanisantes (la plupart des apparitions du monstre et surtout la séquence de tentative de fuite du repaire qui emprunte énormément au suspense hitchcockien) et les passages humoristiques dans des scènes qui pourtant n'ont rien de drôle (les pleurs devant la photo de la jeune fille, la fuite du central téléphonique). On regrettera seulement un montage un peu trop rapide dans certaines séquences et qui, du coup, tranche un peu trop avec d'autres scènes intimistes qui prennent bien leur temps. Ainsi, si l'introduction du film installe une atmosphère réellement flippante et géniale, on ne pourra qu'être gêné de voir à quel point certaines scènes auraient méritées d'être mieux traitées, notamment ce face à face entre la grande sœur et le monstre sur lequel Bong Joon-ho décide de déjouer les attentes du spectateur quitte à le décevoir. Si The Host est loin d'être un chef-d’œuvre, il n'en reste pas moins une réussite indéniable à la densité palpable, que ce soit sur son travail formel ou bien évidemment sur les nombreuses thématiques politiques, sociales et familiales qu'il dégage.
NOTE : 8/10