Murder by contract (Irving Lerner - 1958) 9/10
ATTENTION !! SPOILERS DANS LE TEXTE CI-DESSOUS !!
Le film suit le parcours de Claude, un tueur à gage qui cherche à accumuler de l'argent aussi rapidement que possible. On suit son recrutement, ses premiers contrats, son ascension, jusqu'à son premier contrat en dehors de sa ville, pour l'organisation. Assisté de deux hommes de mains médiocres et irascibles, il est chargé d'abattre un témoin crucial, sous garde policière, avant sa participation dans un procès majeur. Les choses se compliquent lorsque Claude découvre que le témoin est une femme, que ses premières tentatives échouent, déclanchant un surcroit d'encadrement policier, et que les deux hommes de main se révèlent aussi chargés d'exécuter Claude en cas d'échec...Un film existentialiste ?Le héros du film : un véritable théoricien du meurtre...Le film met en scène un personnage sans états d'âme, froid, qui parait incapable d'émotion ou de sentiment. Le générique de début nous le montre en train de se préparer, le matin, de façon très soigneuse et méthodique, avec une musique à la guitare qui joue en contrepoint ironique (on devine vite qu'il s'agit d'un tueur). Ce générique m'a d'ailleurs beaucoup fait penser, dans le principe, à celui de Dexter (les gros plans en moins).
On suit ensuite le tueur dans sa démarche, allant solliciter un emploi d'un ponte du milieu qui nie tout en bloc ("vous vous êtes trompé d'adresse"), mais persistant dans sa démarche. Le tueur reste ensuite plusieurs jours dans sa chambre, à attendre qu'on l'appelle, sans rien faire d'autre que de l'exercice...
Bref, Claude est un tueur atypique, qui parle de business, et objective tout le temps son "travail", en en niant tout aspect affectif ou émotionnel. Ce tueur glacial fait froid dans le dos...
Humour noir et tensionsMalgré ses beaux principes, Claude devra se salir un jour ou l'autre...Murder by contract est, par ailleurs, un film bourré d'humour noir. L'ironie est omniprésente : d'abord avec le premier employeur de Claude, dans ce dialogue de sourd du début. Puis, un peu plus tard, lorsque Claude vient "lui rendre visite"...
Plus tard encore, Claude exaspère ses hommes de main en prenant le contrepied de ce qu'on serait en mesure d'attendre de lui : il visite San Francisco, il refuse de porter une arme, il semble prendre son temps alors que le délai presse... Le contraste entre ses hommes de mains qui l'accompagnent faire du golf en pestant est délicieux : Claude est-il génial, ou incompétent ??
Enfin, les difficultés que rencontre Claude dans l'exécution de son plan sont assez drôles. Un peu comme dans A shot in the dark, où les tentatives d'exécution de l'inspecteur Clouseau tuent tout le monde autour sauf lui, les plans de Claude, bien qu'ingénieux, échouent de façon dramatique, et, quelque part, assez comiques... Le film prend une tournure ironique et cruelle, surtout lorsque la situation se retourne contre notre froid anti-héros.
Une petite perle du noirTiens, je t'offre une cravate !Bref, Murder by contract est un excellent film noir, fort peu montré et connu, même si Martin Scorsese affirme que le film l'a profondément influencé.
Tourné en 7 jours (
), mais avec un script sur lequel est intervenu l'excellent Ben Maddow (Quand la ville dort, parmi tant d'autres), Murder by contract est vraiment un film que l'on peut réhabiliter grace au dvd (hélas en zone 1 avec sous-titres anglais, comme signalé quelques pages plus haut), alors que sa sortie confidentielle et son micro-budget auraient pu vouer ce film à la disparition pure et simple.
Il semblerait qu'une des raisons de cette confidentialité tienne aussi au fait qu'Irving Lerner, quoique doué, aie été couché sur la Liste noire (de même que Maddow, mais il avait déja quelques excellents films derrière lui, ce qui l'a sauvé de l'oubli), après quoi il n'a plus tourné que des films à très petit budget.
En tout cas, pour moi, une sacrée découverte, et un vrai bijou d'efficacité narrative, je ne peux qu'être d'accord avec Scorcese, "parrain" de ce film dont il a financé la restauration...