The Tree Of Life de Terrence Malick
(2011)
Il est difficile d'écrire sur le dernier film de Terrence Malick tant son
Tree Of Life fait partie de ce cercle fermé composé d'œuvres qui ne déclencheront jamais l'enthousiasme général tant celles-ci s'adressent avant tout à l'esprit affectif du spectateur. Ainsi, des films comme
2001, A Space Odyssey,
Otto E Mezzo,
2046, le récent
Enter The Void et désormais
The Tree Of Life doivent être avant tout considérés comme des créations d'hommes qui, quoi que l'on en pense, marque et marqueront le paysage cinématographique mondial pour le changer à jamais. Des créations qui ne recherchent ni l'approbation, ni la compréhension du public, des œuvres faites simplement pour exister, faire ressentir et surtout pour permettre aux cinéastes de s'exprimer de façon libre, sans obligations narratives ou visuelles. Stanley Kubrick démontrait sa vision de la vie, Frederico Fellini exposait ses fantasmes et peurs, Wong Kar-Waï filmait les folies de l'amour à son paroxysme, Gaspar Noé créait son trip ultime, Terrence Malick, quand à lui, parle de la vie, de sa vie, à sa manière, de façon dense et pourtant si simple à la fois, tellement simple que, finalement, beaucoup de spectateurs seront laissés sur le carreau.
Pourtant, il est clair que l'évolution du cinéma de Malick ne pouvait que donner un tel résultat. C'est notamment dans
The Thin Red Line que le cinéaste expérimente avec sa construction narrative, mélangeant une histoire linéaire avec des plans évocateurs d'un message simple, celui que la nature et la grâce sont au cœur de la vie, même lors d'un déchaînement de violence. Cette confrontation (ou plutôt cette symbiose) entre la nature et la grâce est le cœur du cinéma de Malick et est au final le sujet principal de
The Tree Of Life, en parallèle avec l'histoire d'une famille texane qui se révèle hautement autobiographique, non seulement parce que les rapports avec les faits connus de l'enfance de Terrence Malick concorde, mais aussi et surtout parce que toute la force émotionnelle qui se dégage du film ne peut que provenir de doutes, de peurs et de souvenirs véritables.
The Tree Of Life est donc un film hautement personnel et qui s'adresse au cinéaste lui-même avant de s'adresser au spectateur, un film simple mais ambitieux qui raconte l'enfance telle qu'on ne l'avais jamais raconté mais aussi et surtout la vie elle-même, sa création, son futur, sa portée symbolique, ses conséquences et ce qu'elle représente finalement pour chacun de nous. Avec un montage étonnant où le chaos des images qui se succèdent se permet de créer du sens, Malick virevolte avec une caméra légère comme l'air et toujours à haute d'homme (voire d'enfant) entre la création de l'univers, les joies et les peurs de l'enfance, les questionnements d'un architecte perdu (qui pourrait bien être la représentation que Malick se fait de lui-même, architecte de ses œuvres mais pas du déroulement de sa propre vie), le complexe d'Oedipe ou encore sur le futur de la vie elle-même (destruction pure et simple, éternel recommencement ou retrouvailles dans un paradis désertique ?).
Aboutissement grandiose du génie créatif de Terrence Malick qui signe là quelques unes de ses plus belles scènes (l'opéra cosmique, la dispute père-fils, etc...),
The Tree Of Life est une œuvre au références étonnantes (le cinéma de Dziga Vertov ou encore le
Fantasia de Walt Disney) à ne pas mettre entre toutes les mains puisqu'il se veut être un discours visuel symbolique avant d'être une entité cinématographique. En cela, le film pourra décevoir, surprendre voire même dégoûter, mais qu'importe,
The Tree Of Life peut être d'ores et déjà considéré comme un monument cinématographique, trouvant la densité dans la simplicité, la beauté dans chaque image et la grâce dans n'importe quel moment. Terrence Malick ne signe peut être pas là son meilleur film mais il accomplit sans aucun doute l'accomplissement total de son cinéma, sur le fond et la forme, sans jamais se répéter, son film le moins abordable mais le plus complet. Assurément un très très grand film qui ne laissera personne indifférent et qui mérite amplement sa Palme d'Or, ce qui est assez rare pour être souligné.
NOTE : 10/10