The Yards de James Gray
(2000)
Après un
Little Odessa étonnant auquel il manquait simplement la petite étincelle de génie filmique pour le rendre véritablement brillant, James Gray signait en 2000 avec
The Yards un second film plein de promesses et d'ambition, à la fois un polar original et une véritable déclaration d'amour au cinéma de Martin Scorsese et Francis Ford Coppola. Le résultat final est sans appel :
The Yards est tout simplement un très grand film qui permet à James Gray de s'imposer comme l'un des meilleurs cinéastes de sa génération.
Débutant par des images pour le moins intrigantes (Léo assis dans le bus, regardant un policier local avec un air de défi et de soumission) qui ne prendront leur véritable sens que lors du dernier plan du film,
The Yards s'inscrit dès les premières minutes dans une ambiance proche d'un cinéma américain des années 70, où les valeurs de la Famille (
The Godfather, directement cité dans le film par la présence de James Caan et par deux scènes hommage) et des lois de la rue (
Mean Streets) marquaient profondément les spectateurs. James Gray, s'inspirant de ses maîtres de toujours, se sert ici de son influence pour caractériser un univers qui se veut finalement extrêmement personnel. Il développe ainsi, tout au long de son film, une véritable mythologie de la vie de tous les jours, où la jeune génération se confronte à la précédente, où les gangsters travaillent pour les parrains d'un véritable réseau mafieux, où la vie privé doit rencontrer le moins possible les éventuels délits du travail. Avec une scène de fête dans un appartement, James Gray présente, en l'espace de quelques minutes, la totalité des personnages dont il va se servir pour conter son histoire, pour les confronter à leur destin et surtout à une société où tout se paie et où chacun devra, un jour où l'autre, rentrer dans le moule pré-fabriqué par la société d'aujourd'hui.
Car c'est bien là finalement l'histoire sous-jacente de
The Yards, celle d'un homme qui, rattrapé par ses fautes passées (aussi bien personnelles que publics) devra finalement s'allier avec ceux qu'ils détestent pour s'en sortir. Avec des personnages principaux forts qui ne remporteront jamais un total attachement de la part du spectateur (le personnage de Joaquin Phoenix en tête, à la fois meilleur ami et ennemi jaloux) et des personnages secondaires (principalement féminins) qui tenteront de rajouter leur grain de sel sans jamais y arriver (Faye Dunaway principalement, exemple type de la matriarche tentant de contrôler ce qui se déroule dans sa bulle dorée),
The Yards est finalement un polar d'apparence simple qui se révèle pourtant extrêmement intelligent, que ce soit dans sa densité narrative jamais complexe ou dans son fond, toujours pertinent. Avec une réalisation posée où chaque plan est l'occasion d'offrir un cadre travaillé et réfléchi, James Gray signe ici certainement son film le plus abouti en terme de mise en scène et ce, malgré le fait que finalement peu de risques sont pris en terme de réalisation. Offrant des scènes marquantes (la tentative de meurtre à l'hôpital faisant directement référence à l'une des scènes de
The Godfather, la rencontre Léo/Frank dans le hangar) et surtout des séquences émotionnellement parfaites (l'ultime plan où Joaquin Phoenix se rend compte de ce que son obstination a provoqué), The Yards est clairement un film où rien n'est à reprocher, tant on se rapproche là d'un cinéma pur, simple, intelligent et efficace. Porté par un casting prestigieux où chaque acteur brille comme jamais (Joaquin Phoenix, James Caan et Ellen Burstyn en tête) ainsi que par une composition de Howard Shore magnifique,
The Yards s'impose comme une référence cinématographique totale et comme l'un des meilleurs films de ces vingt dernières années.
NOTE : 10/10