Black Snake Moan de Craig Brewer
(2007)
Avec
Black Snake Moan, Craig Brewer confirme tout le bien que je pensais de lui après découverte de son étonnant
Hustle & Flow (film que j'ai tendance à revoir de plus en plus à la hausse d'ailleurs) et s'impose, en seulement deux longs-métrages, comme un cinéaste à suivre véritablement, démontrant non seulement une qualité de mise en scène et d'écriture (Brewer est aussi totalement scénariste de ses films) mais arrivant aussi à développer un fond là où on ne l'attendrait pas vraiment.
Alors que
Hustle & Flow était une histoire classique où Brewer s'amusait à désorienter le spectateur avec une nouvelle maîtrise des codes du genre, où les rêves d'un homme pouvait lui faire faire ce que personne n'aurait osé faire,
Black Snake Moan est un récit sur des personnes que l'on qualifierait aisément de vaguement dingue, des personnes véritablement coincées dans leur propre façon de vivre et où une obsession différente pour chacun revient les hanter, leur seul espoir étant de coopérer les uns avec les autres pour mieux se regarder ensuite. Ainsi,
Black Snake Moan se concentre sur trois personnages clés : un jeune homme cherchant à vaincre ses défauts (moraux et physiques) pour devenir enfin l'homme qui aurait rêvé d'être, sa petite amie, terriblement accro au sexe, sautant sur n'importe quel être masculin (vieillard ou jeune garçon) pour assouvir ses envies, puis enfin un vieil homme cherchant la paix dans le célibat et reniant la foi pour oublier les aventures de sa femme avec son propre frère. Avec cette brochette de doux-dingues, Craig Brewer s'amuse à révéler leurs peurs et envies profondes pour mieux les humaniser. Sur une ambiance presque mystique, voire fantastique (la scène de la chanson titre avec un orage plus vrai que nature), le cinéaste pose finalement une quête toute simple, celle de savoir ce que l'on attend réellement de la vie. Là où beaucoup seraient tombés dans une mièvrerie sans nom, Brewer se permet le culot de faire un film qui ne ressemble presque à aucun autre, de par son ambiance bien entendu, mais aussi par des scènes vraiment surprenantes, témoignant de la part de l'auteur-réalisateur un goût pour les contes proches de la réalité tout en imprégnant une petite touche qui fait que ce
Black Snake Moan ne fait jamais preuve d'un manque d'originalité. Avec des détails tout simples (la chaîne, le radiateur, un short, une robe, une montre digitale), Craig Brewer constitue des petites storylines qui font de
Black Snake Moan un film à la fois dense et pourtant tout simple. Et même si l'on pourra reprocher une fin un peu étonnante tant elle s'éloigne de ce que pouvait être le film pendant plus d'une heure et demie, on constatera qu'elle reste tout de même dans le propos global et que l'ultime plan pourrait être bien plus pessimiste qu'il n'y paraît.
Comme dans
Hustle & Flow, la qualité de la bande-sonore est aussi au rendez-vous, celle de
Black Snake Moan s'oriente bien plus vers des teintes blues mystérieuses terriblement prenantes. Enfin, la prestatiob exceptionnelle de Terrence Howard dans le premier film de Craig Brewer n'était décidément pas un hasard, celui-ci se révélant être en plus un directeur d'acteur hors pair. C'est bien simple, Samuel L. Jackson et Christina Ricci (époustouflante) trouvent là le meilleur rôle de leur carrière respective. Quand à Justin Timberlake, même si l'on peut préférer sa prestation dans
Southland Tales ou dans
The Social Network, il est évident qu'il expose là encore un talent indéniable, arrivant à donner à son personnage un véritable caractère en l'espace de quelques secondes. Non décidément il n'y a pas grand chose à redire de
Black Snake Moan et de Craig Brewer, hormis le fait qu'il est encore bien trop inconnu des masses cinéphiles alors qu'il mérite véritablement une consécration pour son œuvre courte mais déjà source de promesses infinies. Aucun doute là dessus, Craig Brewer est en passe de devenir l'un des réalisateurs américains les plus intéressants, à mi-chemin entre le drame indépendant et le film musical. Vivement son troisième film qui risque d'être une nouvelle très bonne surprise.
NOTE : 8/10