Qui a dit qu’il fallait s’y connaître en western pour apprécier le dernier film des frères
Coen à sa juste valeur ? Je dois avouer que c’est un genre dans lequel j’ai quelques lacunes : à part les
Leone et quelques grands classiques, je ne peux pas me venter d’y connaître grand-chose. Pourtant, cela ne m’a pas empêché de prendre beaucoup de plaisir à découvrir cette adaptation du roman de
Charles Portis déjà adapté sur grand écran en 1969 par
Henry Hathaway. Serait-ce un signe que je devrais me pencher un peu plus sur ce genre ?
Le film nous plonge dans l’Arkansas du début du XIXe siècle. Mattie est une jeune fille de 14 ans qui vient de perdre son père tué par un bandit du nom de Tom Chaney qui a pris la fuite. Elle est bien décidé à le venger et pour cela, elle va faire appel à un marshall porté sur la bouteille qui est réputé pour son courage : Rooster Cogburn. Mais ils ne sont pas les seuls à poursuivre ce truand puisque le ranger Laboeuf a pour mission de le ramener au Texas pour qu’il soit jugé. Tous 3 vont se lancer dans un périple en territoire indien pour le retrouver …
Après s’être plus ou moins approché du genre avec
No country for old men, les frères
Coen livre ici un vrai western qui suit les codes du genre quasiment à la lettre : les décors du désert sud américain, les costumes du XIXe siècle, les marshalls, les bandits, les chevaux : tout est là pour nous plonger dans cet univers codifié. Et la superbe photographie de
Roger Deakins ne fait que s’ajouter à cette ambiance générale.
Scénaristiquement, les 2 frères prennent l’option de suivre cette histoire sous le point de vue de la jeune fille et mettent en avant les relations qu’elle a avec les autres personnages (en l’occurrence Cogburn et Laboeuf). Il est intéressant de voir comment ces 2 gros durs vont peu à peu se montrer vulnérables au contact de cette gamine. En fin de compte, le titre «True grit» désigne presque plus Mattie que le marshall … Sa volonté à vouloir venger la mort de son père la poussera à dépasser ses peurs malgré les scènes violentes auxquelles elle assistera. Son caractère est d’ailleurs cerné dés la première séquence où on la voit marchander avec un banquier. Alors que son caractère ne va cesser de se durcir, celui des 2 autres protagonistes va au contraire s’adoucir.
Côté mise en scène, les frères
Coen ont toujours prouvé qu’ils avaient une grande maîtrise de leurs sujets et ça se confirme encore une fois. Dès les premiers plans avec ces travellings qui nous plongent dans l’Amérique du XIXe siècle, on comprend qu’on va assister à un modèle de maîtrise formelle. Ils mettent parfaitement en valeur leurs décors grâce à des cadres et des mouvements de caméra dont ils ont le secret. Le film est empreint d’une certaine lenteur mais pas une lenteur chiante, une lenteur envoûtante. Ce qui ne les empêche pas de placer quelques scènes bien rythmées comme l’affrontement final entre Cogburn et Lucky Ned et sa bande.
Pour ce qui est le l’interprétation, il est difficile de faire mieux. Dans le rôle principal de Matty,
Hailee Steinfeld est tout simplement étonnante ! Elle arrive à tenir la dragée haute à ces acteurs d’expérience et nous livre des joutes verbales de toute beauté. Elle était peut-être un peu jeune pour décrocher l’Oscar mais c’est une actrice qu’il va falloir suivre de près. A ses côtés,
Jeff Bridges s’en donne à cœur joie avec son accent à couper au couteau et son air non chaland. Il est toujours à la limite du cabotinage tout en donnant un côté vraiment attachant à son personnage. Une fois de plus, il aurait mérité de décrocher l’Oscar !
Quant aux seconds rôles,
Matt Damon continue de nous étonner en élargissant son registre. Il est parfaitement crédible en ranger faussement coincé. Et sa rivalité avec Cogburn donne droit à des scènes bien marrantes comme ce concours de tir. Du côté des méchants, on pourra quand même reprocher au duo de réalisateurs de ne pas avoir pris la peine de les développer plus que ça. Le personnage de Tom Chaney interprété par
Josh Brolin et surtout celui de Lucky Ned joué par
Barry Pepper auraient mérité un développement un peu plus conséquent. Surtout que le second a vraiment une tête à faire peur et un charisme assez magnétique malgré sa brève présence à l’écran …
Pour la musique, les frères
Coen ont continué à faire confiance à leur compositeur habituel
Carter Burwell et grand bien leur fasse : il nous livre une nouvelle fois une BO de toute beauté. Le thème récurrent qui revient tout au long du film marque fortement les esprits et les autres morceaux arrivent parfaitement à créer une ambiance. Quant à la chanson de fin interprétée par
Iris DeMent, elle est vraiment belle.
Au final, les frères
Coen s’essayent au western de façon très convaincante et nous livre un bien joli film sur le thème de l’enfance et du dépassement de soi. Servi par un duo d’acteurs parfaits, j’irai jusqu’à dire que ce western est le meilleur qui soit sorti depuis
Impitoyable de
Clint Eastwood. A voir et à revoir jusqu'à plus soif.