Affreux, Sales et Méchants
de Ettore Scola
[1976]
Dans un bidonville à Rome, Giacinto règne en tyran sur sa nombreuse famille. Tous acceptent son autorité et sa mauvaise humeur, car le patriarche possède un magot que chacun espère lui voler. Chaque jour, il lui faut trouver de nouvelles cachettes et défendre son bien fusil en main. Lorsqu'il décide d'installer sa concubine dans le baraquement, la révolte gronde. Le film devait débuter par une préface, écrite et lue par Pier Paolo Pasolini. Celui-ci devait y décrire la transformation du sous-prolétariat au contact de la société de consommation mais Pasolini fut assassiné avant d'avoir pu écrire cette préface.
Affreux, Sales et Méchants est une oeuvre singulière, c'est marrant, dérangeant et craspec à souhait. Il porte très bien son titre. Le film doit aussi à la superbe interprétation de Nino Manfredi dans le rôle de l'ignoble patriarche tyrannique. La majorité des scènes du film sont démentes, du père qui protège son magot des assurances car il a perdu l'usage d'un oeil car brûlé à la chaux vive et qui dort avec une chevrotine. Certains viols au sein de la famille plus ou moins consentants, du fils travesti qui culbute sa belle-soeur par surprise, du patriarche qui fait du chantage à sa belle fille sous prétexte de tout balancer à son fils, du coup elle passe à la casserole. Le patriarche qui ramène une prostituée à la maison et qui ne demande l'avis à personne et oblige sa femme à partager le lit à 3.
Un sacré film qui ose tous les tabous et qui tape là où ça fait mal. En dehors de sa critique sociale,
Affreux, Sales et Méchants est une comédie sombre inégalable. A se tordre de rire, certaines mimiques de Nino Manfredi surtout lorsqu'il regarde la caméra ébahi devant le spectacle dont il est spectateur entre sa belle-fille et son pédé de son fils comme il aime l'appellé.
C'est irrévérencieux, à ne pas mettre entre n'importe quelle main, c'est scandaleux, vicieux, dégueulasse et insultant mais c'est tellement beau à la fois. Filmé avec une certaine maestria, quel beau plan séquence au début du film avec un travelling circulaire de malade qui fait le tour de la maison en prenant le soin de nous faire un état des lieux inquiétant.
La bande originale est aussi excellente dans les moments drôles comme ceux plus dramatiques, comme lorsque le patriarche lâche la larmichette et profite de sa petite famille, il ressent un plaisir humain qui vient du coeur mais sans se douter du terrible sort qui l'attend.
Si vous ne l'avez jamais vu vous êtes passé à côté d'une petite perle inégalée et pour ceux qui connaissent le revoir est tout simplement fabuleux. Il y a des moments un peu vide mais ils s'effacent très vite lorsque le culot reprend le dessus.